Auteur Sujet: Ils sont toujours vivants  (Lu 13133 fois)

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Hors ligne Cinderella

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Ils sont toujours vivants
« le: 11 juillet 2016 à 20:34:06 »
Je n’ai qu’une certitude :
Ceux que j’ai aimés, ma famille, mes camarades, mes enfants,
Demeurent vivants en moi.
Ils guident encore mes pas.

Leur être fidèle, ce n’est pas s’enfermer dans la douleur.
Il faut continuer de creuser le sillon : droit et profond.
Comme ils l’auraient fait eux-mêmes.
Comme on l’aurait fait avec eux, pour eux.

Être fidèle à ceux qui sont morts,
C’est vivre comme ils auraient vécu, c’est les faire vivre en nous,
C’est transmettre leur visage, leur voix, leur message aux autres.
Ainsi la vie des disparus germe sans fin.

Je ne sais pas si je dois me dire croyant.
Je ne puis dire : je crois en Dieu.
Je ne puis dire non plus : je crois…

Ce que je sais seulement,
C’est que la mort ne détruit pas l’amour que l'on portait
A ceux qui ne sont plus…

Je le sais parce que tous les jours je vis avec les miens…

Ce que je sais aussi, c’est que la vie doit avoir un sens.
Ce que je sais encore, c’est que l’amour est la clé de l’existence.
Ce que je sais enfin, c’est que l’amour, le bien, la fidélité et l’espoir

Triomphent finalement toujours du mal, de la mort et de la barbarie.

Tout cela, je la sais, je le crois…

Dieu est-il au creux de ces certitudes ?
Je ne sais pas… Je cherche…


Martin Gray auteur d'au nom de tous les miens
 
« Modifié: 11 juillet 2016 à 20:36:00 par Cinderella »
" Les étoiles ne sont peut-être pas des étoiles…mais plutôt des ouvertures dans le ciel…d’où l’amour de nos disparus se déverse et nous illumine, pour nous faire savoir qu’ils sont heureux. "

« Le rêve est l'aquarium de la nuit. » Victor Hugo

Hors ligne loma

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Re : Ils sont toujours vivants
« Réponse #1 le: 11 juillet 2016 à 22:12:22 »
Ce texte me touche particulièrement, Martin Gray a perdu toute sa famille par deux fois, d'abord dans les camps d'extermination nazis, puis en 1970  dans l'incendie de sa maison proche de Cannes il perd son épouse et ses quatre enfants.

J'avais été très perturbée à l'époque, je n'avais pas 10 ans et j'habitais les environs.

Et maintenant, je me demande comment peut-on survivre à cela ?

Merci Cinderella pour ce texte
"si un jour je meurs et qu'on m'ouvre le coeur, on pourra lire en lettres d'or ... je t'aime encore"  William Shakespeare

Hors ligne qiguan

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Re : Ils sont toujours vivants
« Réponse #2 le: 08 août 2016 à 15:35:47 »
je suis très touchée par ce texte
car au long de mon deuil Martin dans mon cerveau a été un guide ...
en effet j'avais lu ses premiers livres quand je l'ai connu lors d'une formation à l'accompagnement en 94/95
je n'oublierai jamais ce qu'il nous a transmis
le travail "scolaire" demandé à partir de ses livres m'a beaucoup fait grandir à l'époque ... et m'a servi souvent et surtout pendant le début du deuil.
Martin est mort quasi 2 ans après le décès de Jean à 2j près
cela me touche
son décès m'a touchée ..
le rappel des beaux textes aussi
citations diverses
http://dicocitations.lemonde.fr/citations-auteur-martin_gray-2.php

extrait : le livre de ma vie :
LA MORT

"Tôt ou tard l'épreuve est là, dans sa cruauté insupportable. La mort, l'inacceptable qu'il faut apprendre à accepter.

Il faut savoir que la mort existe. Il faut savoir qu'elle frappera autour de nous, en nous, ce que nous avons de plus cher. Il ne faut pas croire que nous serons à l'abri de cette tourmente. Il na faut pas l'oublier. Il faut savoir que nous serons blessés et que la plaie restera vivante. Toujours. Et qu'il faut vivre malgré tout.

La mort de ceux qu'on aime, la mort des enfants, cela nous semble toujours injuste. Un arbre est déraciné sous lequel on aimait vivre, un arbre est abattu qui n'avait pas encore donné ses fruits.

On sort du cercle de la mort par l'action, par la vie.

Il faut vouloir survivre à la mort. Il faut construire par l'action, par la pensée, des barrages contre le désespoir. La mort des êtres chers c'est un cyclone qui vous aspire, où l'on peut se laisser entraîner, où l'on peut se laisser noyer. Il faut s'éloigner du cyclone. Il faut vouloir survivre.

Croire, c'est vouloir vivre. Vivre jusqu'au bout malgré la mort. Croire, c'est croire en la vie. Et donner la vie c'est combattre la mort. Car la vie doit chasser la mort. A chaque printemps l'arbre refleurit. Et l'automne alors, et l'hiver, ne sont plus que des saisons parmi d'autres. Il faut que l'homme apprenne à voir la mort comme un moment de la vie.

Il ne faut pas forcer le cours des choses naturelles. Il est un temps pour la souffrance et un autre pour la guérison.

Etre fidèle à ceux qui sont morts ce n'est pas s'enfermer dans sa douleur. Il faut continuer de creuser son sillon : droit et profond. Comme ils l'auraient fait eux-mêmes. Comme on l'aurait fait avec eux. Pour eux. Etre fidèle à ceux qui sont morts c'est vivre comme ils auraient vécu. Et les faire vivre en nous. Et transmettre leur visage, leur voix, leur message aux autres. A un fils, à un frère, ou à des inconnus, aux autres quels qu'ils soient. Et la vie tronquée des disparus alors germera sans fin.

En soi, seulement en soi et par soi, on peut décider de vaincre le désespoir de la mort. Puis il faut se tourner vers les autres. Vers la vie innombrable. Un arbre survit d'abord par ses racines. Mais sans le soleil il dépérit. Les autres sont notre soleil.

L'homme est mortel. La vie individuelle un jour cesse. Ceux qu'on aime meurent. Mais il y a toujours des enfants qui naissent. Il y a les hommes, cette vie aux milliards de visages qui se poursuit et s'amplifie. Alors les autres, ceux qui demeurent, ceux qui naissent, l'ensemble des hommes, continuent de faire vivre ceux qui sont morts. La mort ne peut être vaincue que par la fraternité avec les autres. Je ne meurs pas puisque je suis partie d'un tout vivant.

La mort, c'est toujours la grande épreuve. Le vide qui s'ouvre tout à coup sous nos pas. Le fuir ne sert à rien. Il faut apprendre à le regarder. Et aussi à le contourner.

L'homme d'aujourd'hui, la société d'aujourd'hui excluent, masquent le malheur et la mort. Alors ils nous frappent comme des météorites tombant sur nous. Nul ne peut y échapper. Car ils sont partie de la vie. Tout homme doit apprendre à les affronter.

Il faut bannir du monde tout ce qui peut tuer la vie. La vie, il faut la défendre de la mort. Et parfois il faut la donner pour protéger les hommes de ceux qui sont les partisans de la mort : bourreaux et systèmes qui font de la mort leur instrument. Mais une idée n'est grande, une cause n'est juste, que si la protection de la vie est en leur coeur.

Contre l'angoisse de la mort il faut dresser le barrage de la vie, il faut s'ouvrir à l'infinie beauté du monde. Il faut se fondre dans le mystère du ciel étoilé. Il faut devenir partie de ce grand tout en perpétuel mouvement, partie de l'univers vivant.

Considérer la mort avec les yeux ouverts. Parce qu'elle est inéluctable. Ne pas craindre, ne pas abdiquer devant elle. L'admettre et la combattre. Et faire naître en soi la sagesse quand le moment vient.

Quand elle frappe autour de soi : les êtres qu'elle abat, ils continuent de vivre dans le souvenir de ceux qui demeurent. Ils vivent encore parce que l'univers est une éternité qui se transforme. Et l'homme est une parcelle de cet univers et donc de cette éternité. Comme l'univers, il se transforme. Sa mort, ce point où la vie éclate, est un passage. Car la vie dans l'univers ne cesse pas : elle est éternelle. Et la mort n'est que la fin d'une forme de la vie. Qui renaît ailleurs, sous mille formes nouvelles.
"
"il est plus facile de désintégrer un atome qu'un préjugé" A. Einstein
"Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque" René Char