Auteur Sujet: vivre après le suicide de mon papa  (Lu 20052 fois)

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Noiram

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vivre après le suicide de mon papa
« le: 20 mars 2013 à 20:27:33 »
Bonsoir,

Mon papa s'est suicidé, il y a tout juste deux mois, en se jetant sous un train... Je l'avais eu au téléphone la veille, tout allait bien, il était plein de projets... Je n'arrive pas à comprendre son geste, ça me hante, jour et nuit. Je ne comprends pas, d'autant plus que tout me semblait bien aller dans sa vie, mais il parait que c'est souvent le cas, tout semble bien aller et d'un seul coup, sans que l'on ne comprenne, la personne a un geste suicidaire. Mon père était quelqu'un de fort, solide. Rien ne lui faisait peur, "à chaque problème sa solution" disait-il... Son geste est tellement opposé à la personne qu'il était. Tout le monde ne cesse de me dire combien il nous aimait ma sœur et moi, même si je le sais, une partie de moi ne peut s'empêcher de se dire que s'il nous aimait tant que ça, il ne nous aurait pas fait ça... Mais il parait que dans ces cas là, la personne est complétement irrationnelle et que si sa décision est prise, rien ne peut la retenir. Je ne comprendrai probablement jamais son geste, il n'a pas laissé de lettre. Chaque jour est plus difficile, l'absence et le manquent se font ressentir chaque jour davantage. J'ai 23 ans, ma sœur 20, on nous dit que sa décision de partir ne doit pas compromettre les nôtres... Pour le moment, c'est plus l'instinct de survie qui prédomine que l'envie réelle de vivre. Depuis une semaine surtout, tout est plus difficile, dormir, me lever le matin... Rien n'a de saveur.
À ceux qui ont vécu un drame semblable, comment l'avez-vous vécu ? Quelques années après, comment le vivez-vous ? J'ai l'impression que plus rien n'ira jamais bien...
Merci de vos réponses.

flora71

  • Invité
Re : vivre après le suicide de mon papa
« Réponse #1 le: 20 mars 2013 à 21:14:48 »
c'est pas que plus n'ira jamais bien mais c'est le fait que ta vie sera completement differente....

j'ai perdu mon mari le 8 janvier, tout comme toi un homme fort avec plein de projets en tete dont celle d'aller en voyage tt les 2 en republique dominicaine !!!

et voilà ma vie a basculé, j'avance et je bouge enormement, c'est l'instint de survi car si je commence a m'isoler, je sais que j'aurai du mal a m'en sortir......mes enfants sont demandeurs.

et comment va ta maman?

Noiram

  • Invité
Re : vivre après le suicide de mon papa
« Réponse #2 le: 20 mars 2013 à 21:30:36 »
Mes parents sont divorcés depuis 9 ans, ils avaient de très mauvaises relations depuis. Elle est choquée évidemment, mais elle s'en remet... C'est pour la compagne de mon père que c'est difficile, elle n'a rien vu venir.

Noiram

  • Invité
Re : vivre après le suicide de mon papa
« Réponse #3 le: 20 mars 2013 à 21:44:48 »
Et tes enfants, comment le vivent-ils ?

flora71

  • Invité
Re : vivre après le suicide de mon papa
« Réponse #4 le: 21 mars 2013 à 08:56:59 »
c'est l'anniversaire de ma fille et de mon garçon dans quelques jours donc c'est difficile.

Comme ma fille me dit "tu as bientôt 42 ans et toi tu as ton papa et ta maman", moi mon 12eme anniversaire sera sans mon papa !!"

Voilà dans l'etat d'esprit ou ils sont !!!

Mélie

  • Invité
Re : vivre après le suicide de mon papa
« Réponse #5 le: 21 mars 2013 à 12:24:26 »
je reviens de temps en temps sur le forum et je constate toujours avec beaucoup de peine que le suicide traverse toujours d'autres vie que la mienne (mon fils ainé s'est suicidé en oct 2010;il allait avoir 29 ans, il a laissé une compagne de 26 ans, deux jeunes enfants à l'époque qui étaient âgés de 21 mois et 4 ans et demi. Depuis comme vivons nous ?  notre belle fille a retrouvé depuis un nouveau compagnon, elle vit mieux que nous bien sûr, même si la blessure restera à tout jamais, pour nous parents c'est plus compliqué, nous apprenons à cloisonner nos pensées, nous vivons des moments cycliques avec  le manque et la peine, et pour les enfants de mon fils le manque aussi revient régulièrement surtout pour l'ainé mais le petit parle aussi à présent de ce manque.
les raisons du geste suicidaire ?  même si nous pouvons en avoir quelques explications, elles nous échappent cependant, et c'est pourquoi il faut arriver à gérer la colère par moment, mais bien vite nous nous reprenons, cherchons à travers ce qui nourrit la vie des moments d'apaisement comme nos petits enfants et nos deux autres enfants qui sont adultes. les amis aussi et nous avons aussi été accompagnés par les psy, cela peut  aider surtout si l'on n'arrive plus à avancer et que la perte de sommeil dure longtemps.
Flora, je sais que cela est effectivement très douloureux d'avoir le sentiment de n'avons pas pu retenir ce geste de ne l'avoir pas pressenti, de le vivre comme un abandon (comment as t'il pu faire cela, as t'il vu les conséquences ? 
la lecture, le partage pourront peut-être vous donner quelques clés, sur cette souffrance qui mène au suicide.
je vous souhaite de trouver la force, de trouver les aides nécessaires pour ce long chemin à parcourir.
ici vous aurez aussi toujours une écoute sincère. chaleureusement à vous !

Mélie

  • Invité
Re : vivre après le suicide de mon papa
« Réponse #6 le: 21 mars 2013 à 12:27:26 »
petite erreur de lecture puisque c'est à Noiram bien sûr que je m'adressais avant tout
bien sincèrement à toutes

marie-o

  • Invité
Re : vivre après le suicide de mon papa
« Réponse #7 le: 22 mars 2013 à 07:46:54 »
Noiram,

mes 2 fils (25 et 22 ans) ont perdu leur père par suicide cela fait plus d'un an,
à l'heure d'aujourd'hui, ils s'inscrivent dans leurs projets de vie

je leur ai dit que leur père les aimait plus que tout, mais ils ont ressenti doute et culpabilité de ne pas avoir pu ou su le retenir, ils se sont sentis abandonnés, ils ont eu de  la colère, le geste de leur père est comme un boulet à leur cheville

 le geste suicidaire gardera sa part de mystère, c'est un geste provoqué par une souffrance intolérable d'une maladie psychique , je compare cela à un infartus du psychisme,

Quand les gendarmes sont partis, je leur ai dit que nous rentrions dans une période de notre vie où nous aurons besoin de puiser au plus profond du respect , tolérance et indulgence vis à vis des autres et de nous même, cela s'est vérifié , et, je suis très fière d'être leur mère, car nous avons réussi tous les 3 à construire une relation différente mais plus respectueuse , plus tolérante
ils ont pu en parler avec moi, avec des amis ou un psy
ils ont toujours beaucoup de tristesse en eux,  beaucoup de questions,
 mais ils ont envie de vivre ,
 leur regard sur la vie  a changé, comment pourrait-il en être autrement?
 ils vont plus à l'essentiel ,
 mais comme beaucoup d'hommes , ils s'expriment peu , et ils veulent , je pense, me protéger
En tant que mère je respecte leur choix et leur chemin de vie , leur travail de deuil qui est bien différent du mien

prends soin de toi, trouve un lieu où quelqu'un pourra t'écouter et t'aider dans ton travail de deuil
et exprime ton chagrin... laisse les larmes couler
viens dire tes ressentis tes doutes ton désaroi ton chagrin ici
j'espère avoir pu t'apporter un début de réponse et un peu de soulagement
amitié et douceur

Orchis
« Modifié: 22 mars 2013 à 07:57:12 par orchis »

Noiram

  • Invité
Re : vivre après le suicide de mon papa
« Réponse #8 le: 22 mars 2013 à 19:24:38 »
Merci à tous pour vos réponses, vos témoignages et vos messages de soutien. Ce n'est pas facile en ce moment... Au quotidien, je ne peux pas vraiment en parler. Je fais mes études dans une autre ville que ma ville d'origine où habitait mon père et où habitent encore ma famille restante et mes amis. Ici j'ai quelques amis mais personne à qui je n'ai pu dire la raison de la mort de mon père. Personne ne m'a demandé et je n'ai pas osé non plus le dire. Cela me pèse, je voulais en parler à une amie avec qui je suis en cours hier, on a abordé la mort de mon père (sans parler de la cause )et de ma difficulté à le surmonter, elle m'a raconté qu'il y a deux ans, une de ses amies avait perdu son père et qu'elle lui en parlait constamment, pleurait etc. Je me suis dis que ça "tombait bien", qu'elle saurait donc m'aider mais elle a enchainé sur le fait que c'était fatiguant de l'entendre se lamenter sans cesse et que c'était déprimant... Je me suis dit que ce n'était donc pas la personne à qui en parler... J'ai l'impression que de toute façon, personne ne comprend ce que je ressens. J'ai ma sœur au téléphone chaque jour, c'est évidemment la seule qui puisse comprendre, nos conversations me font du bien, mais au téléphone, c'est moyen. J'en parle à mon compagnon, avec qui je vis depuis deux ans, mais ce n'est pas évident, j'ai l'impression qu'il ne comprend pas vraiment non plus. Je me sens seule... J'aimerais appeler mon père, on se téléphonait régulièrement depuis que j'ai quitté ma ville natale il y a un an et demi, chaque fois ça durait au moins vingt minutes, on avait toujours quelque chose à se raconter, l'actualité à commenter, plein de choses. Nos conversations me manquent tellement. J'ai l'impression que rien ne peut venir combler ce manque.

marie-o

  • Invité
Re : vivre après le suicide de mon papa
« Réponse #9 le: 24 mars 2013 à 08:57:20 »
Bonjour Noiram,

trouver une bonne oreille est difficile
l'idéal est d'en avoir plusieurs pour justement ne pas "lasser" les autres avec notre douleur
il est souvent difficile pour les autres d'avoir une bonne écoute, ils sont dans leur propre dynamique, ils ne savent pas comment faire, que dire et cela leur demande de l' énergie, il est difficile aux autres de comprendre ce que nous ressentons
Tu fais tes études loin de tes proches,
je sais qu'il y a des lieux d'écoute pour les étudiants  à la fac
peut être pourrais tu t'en rapprocher?
il est important pour toi d'exprimer tes ressentis, tes émotions, ici est une possibilité, mais elle n'est pas suffisante.

Je te souhaite beaucoup de douceur
Amicalement
Orchis

Mélie

  • Invité
Re : Re : vivre après le suicide de mon papa
« Réponse #10 le: 24 mars 2013 à 14:45:47 »
Bonjour Noiram,

trouver une bonne oreille est difficile
l'idéal est d'en avoir plusieurs pour justement ne pas "lasser" les autres avec notre douleur
il est souvent difficile pour les autres d'avoir une bonne écoute, ils sont dans leur propre dynamique, ils ne savent pas comment faire, que dire et cela leur demande de l' énergie, il est difficile aux autres de comprendre ce que nous ressentons
Tu fais tes études loin de tes proches,
je sais qu'il y a des lieux d'écoute pour les étudiants  à la fac
peut être pourrais tu t'en rapprocher?
il est important pour toi d'exprimer tes ressentis, tes émotions, ici est une possibilité, mais elle n'est pas suffisante.

Je te souhaite beaucoup de douceur

je rejoins tout à fait ce propos, il est difficile pour les autres d'être de bons écoutants, écoutez simplement l'expression de la souffrance de l'autre sans donnez des solutions... peu de personnes y arrivent, j'ai eu besoin d'écrire longuement à une personne qui avait vécu pareil drame, et également j'ai été suivi par une psychologue et une psychiatre qui sont formées à cette écoute, mais comme le dit Orchis, il existe aussi des groupe de parole, j'ai recours aussi à un petit carnet dans lequel, depuis 2 ans, je note régulièrement mon ressenti et quelques mois après je relis, cela m'aide.

l'important c'est de s'exprimer et de ne pas garder les émotions;
sur le forum il y aura toujours cette écoute.
bien chaleureusement

Noiram

  • Invité
Re : vivre après le suicide de mon papa
« Réponse #11 le: 24 mars 2013 à 18:17:08 »
Je vois une psychologue depuis quelques semaines, il me semble que cela m'aide, mais une heure par semaine c'est peu. Ce qui m'embête le plus en fait, c'est la superficialité des rapports entre les gens. Avec les gens avec qui je suis en cours, je m'entends bien, on sort, on fait des trucs ensemble, mais cela reste très superficiel. Ils ne se doutent pas un seul instant de ce que je peux vivre. Je me dis que finalement, ce n'est pas étonnant que des gens se suicident, on peut se sentir très seul et incompris même en étant entouré. Mon père était très entouré, mais pouvait-il réellement se confier ? Est-ce qu'aujourd'hui, le problème ne serait pas que l'on ne prend pas assez soin les uns des autres ? Je sais qu'il est difficile de parler de certains choses, notamment du suicide. Je me rends compte que peu de personnes n'osent me demander réellement comment ça va. Deux mois après la mort de mon papa, les appels se font moins réguliers, seules quelques personnes continuent, et pas toujours celles que l'on pensait. Il y en a même qui appellent pour dire "si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis là, appelle, n'hésite pas" et clac, raccrochent ! Sans même prendre le temps de discuter, de prendre vraiment de mes nouvelles. Les gens ont un vrai problème avec la mort, avec le suicide encore plus. Même le prêtre qui a célébré la cérémonie religieuse pour les funérailles de mon père était embêté que ce soit un suicide !

Mélie

  • Invité
Re : vivre après le suicide de mon papa
« Réponse #12 le: 24 mars 2013 à 23:12:32 »
bonsoir Noiram
Le malheur qui nous frappe et qui plus est le suicide,  nous isole des autres qui se sentent mal à l'aise. Dans ma  famille même ma propre mère vivait mal le fait qu'on ait besoin d'allumer une bougie, elle voulait à tout prix nous voir sortir de notre deuil, alors qu'il faut du temps beaucoup de temps, notamment lorsqu'il s'agit d'un suicide. Ma propre sœur est au abonné absent....
Le tabou du suicide même si cela s'amenuise à  notre époque c'est surtout l'incompréhension et le jugement que certaines personnes peuvent avoir, et qui montrent combien elle méconnaissent la réalité du suicide, on ne suicide pas par  lâcheté,  on se suicide parce que la souffrance est si intense qu'on ne trouve plus la bonne issue, le cerveau se déconnecte avec l’affect.....
Notre peine c'est de n'avoir pas pu éviter cela, et cela nous remplit de culpabilité pendant longtemps.
Face à l'éloignement des gens, ou la gêne qu'ils nous montrent, en même temps je me dis que je n'aurais peut-être pas fait mieux, si je n'avais pas vécu moi-même cette souffrance.
tendresse à vous

etoiledefee

  • Invité
Re : vivre après le suicide de mon papa
« Réponse #13 le: 27 mars 2013 à 23:41:37 »
Bonsoir, je comprends parfaitement ce que tu ressens, car le 8 janvier 2013 au petit matin, mon papa s'est suicidé,et je n'ai rien vu venir. Je l'ai vu la veille au soir, il n'a rien laissé paraître. Je me sens coupable, comment n'ai je pas vu sa souffrance? Je vois des images terribles, car mon père comme le tien a choisi un départ violent, il s'est suicidé par arme à feu, et c'est moi qui l'ai trouvé...
C'est difficile d'en parler car je crois que seuls ceux qui ont vécu une telle épreuve peuvent comprendre la complexité des sentiments qui nous habitent. Ma maman est complètement perdue. J'ai la chance d'être proche de ma sœur, même si elle vit à 600 km. J'ai vécu deux mois dans une grande parenthèse, une espèce de déni, mais je me rends compte qu'on ne peut pas sortir indemne de tout cela. Ce geste est incompréhensible. J'essaye de me persuader que ce n'est pas un geste de désamour, que celui qui met fin à ses jours est tellement submergé par sa propre souffrance qu'il ne peut pas imaginer le cataclysme qu'il va provoquer et la douleur qu'il va susciter...Je sens aussi qu'autour de moi, les gens considèrent que deux mois 1/2 se sont passés et qu'il faut passer à autre chose... Notre douleur fait peur sans doute, elle renvoie chacun à ses propres angoisses. Ton message m'a touché: toi et ta sœur vous devez sortir plus fortes de cette épreuve. Vous êtes jeunes, ton père a certainement pensé que vous étiez prêtes à affronter la vie, sans se douter à quel point tu avais besoin de lui encore. j'ai 40 ans, mais la douleur est aussi forte. Il n'y a pas d'âge auquel on supporte mieux un tel départ. Je pense fort à toi...

Emlyn

  • Invité
Re : vivre après le suicide de mon papa
« Réponse #14 le: 20 avril 2013 à 22:57:02 »
Bonjour à toutes et tous
Il n'y a pas eu de messages ici depuis presque un mois et pourtant c'est ici que j'ai envie de poster mon premier message.
Je vous lis depuis quelque temps déjà mais je ne me sentais pas prête à écrire.
Mon père s'est pendu le 18 février, demain dimanche cela fera deux semaines que nous l'avons trouvé avec ma mère.
Je ne sais pas trop par quel bout prendre ce deuil, la souffrance est présente en permanence, particulièrement lors des périodes "anniversaire" comme cette semaine.
Je dors mal ces derniers temps, et pourtant j'avance encore mais j'ai peur de la suite, peur d'être submergée par la douleur..
Merci pour vos retours/expérience, aussi pour ceux qui ont perdu un parent, quelqu'un qu'on a toujours connu, qui nous a toujours soutenu, aidé, accompagné, et qui là nous laisse d'une façon infiniment violente..