Auteur Sujet: Une rage difficilement contenue  (Lu 29885 fois)

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Hors ligne Denpaolig

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Une rage difficilement contenue
« le: 15 janvier 2018 à 00:47:58 »
Bonsoir,

Je me suis racontée sur le fil de discussion "Vivre le deuil de son conjoint". Peut-être n'aurais-je pas dû poster mon histoire à cet endroit-là mais plutôt ici. Ca n'a pas grande importance, me direz-vous ? Un peu, tout de même car je ne me reconnais pas dans les histoires d'amours avortées que je lis sur l'autre fil.
Moi, j'ai un gros problème... C'est la colère... Cette colère qui gronde en moi depuis le suicide du papa de mes enfants, il y a bientôt 9 mois et le suicide de mon frère, il y aura 30 ans dans quelques jours... Je n'arrive pas à en sortir. Elle m'envahit en permanence. Elle est en moi de façon quasi-permanente. Je consulte un psy mais je ne vois pas d'amélioration de ce côté-là ! Lire un écrit ici, où je comprends qu'un passage à l'acte est envisagé,  me plonge dans une rage folle. Je ne comprends pas,  alors qu'on a vécu l'effroi de la mort d'un proche,  qu'on puisse s'ouvrir à d'autres sur l'intention de s'ôter la vie.
On vient de perdre quelqu'un, on en souffre atrocement et on veut infliger la même chose à ceux qui restent (enfants, familles... ? Je ne comprends pas.  Je n'accepte pas cet égoïsme. Je ne le tolère pas. Ca me met dans une rage effroyable. Je n'arrive pas à garder mon calme même derrière un écran d'ordinateur !
Est-ce que je suis la seule ici à ressentir une colère dévastatrice suite au geste égoïste d'un proche ?
Est-ce que je suis la seule ici à en vouloir à des gens comme mon frère  ou comme le papa de mes enfants qui n'en ont rien eu  à foutre de ceux qui restent ?
Je souffre de voir mes enfants souffrir du manque terrible de leur papa, de l'incompréhension de son geste, de l'angoisse que son geste a provoqué chez eux. Je LE maudis et ma rage est phénoménale.
Je ne veux pas être dans le jugement mais je veux essayer de comprendre pour essayer de trouver l'apaisement.
Comprendre comment on peut infliger un tel dénouement à ses propres enfants, à sa propre famille ?
Comment on garde son calme devant un tel égoïsme ?

Muriel.

Hors ligne Eva Luna

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Re : Une rage difficilement contenue
« Réponse #1 le: 15 janvier 2018 à 03:45:09 »
La rage et  la colère phénoménales sont tes émotions envahissantes de maintenant et elles te consument...
Je ne sais pas comment tu peux les expulser de toi... les sortir, les user, ...Muriel,mais les partager ici avec nous, sans trop juger... c'est déjà énorme...

Je sais juste que c'est rarement par égoïsme mais plus par désespoir, pas trop plein de souffrance, par absence d'autre solution à ce moment là...par pensée tordue de ce sera mieux sans moi pour eux... par attaque de dépression...que les gens mettent fin à leurs jours, prisonniers de leur logique mortifère et fausse...c'est rarement un vrai choix...

La douleur immense de voir souffrir impuissante, vos enfants, par sa faute, par son geste fatal...rajoute de la souffrance à la souffrance...et c'est insoutenable...

Je crois qu'il faudrait aller en parler encore et encore avec un bon psy qui supportera ta haine momentanée...pour ne pas la faire porter aux enfants...pour leur permettre de garder une belle image de ce papa qui a cru qu'il n'y avait pas d'autre solution à cet instant là mais qui les aimait et qui t'aimait...


Hors ligne Denpaolig

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Re : Une rage difficilement contenue
« Réponse #2 le: 15 janvier 2018 à 18:24:24 »
Merci Eva Luna,

J'essaye, je t'assure de comprendre les motivations. J'entends les explications que me donnent le psy et qui rejoignent les tiennes et parfois sur l'instant, je les comprends mais cette compréhension ne dure pas. Dès que je prends un de mes loulous dans mes bras, totalement défait et que je le sens trembler contre moi, que je sens mon chemisier se tremper,  je perds cette ouverture d'esprit. Je comprends que parfois ce qu'on subit est lourd, véritablement lourd, mais qu'on puisse dire ouvertement : "J'ai écrit une lettre d'adieu à chacun", je bloque, j'enrage, j'exulte...
Mon psy m'a dit en effet que parfois la personne ne voit d'autres solutions et se dit "Ils seront mieux sans moi car je suis un boulet pour eux"... Mon mari connaissait mon traumatisme jamais oublié du suicide de mon frère. Il savait combien j'avais "dégusté" à 17 ans. Comment en sachant ça, a-t-il pu faire subir la même chose à ses propres enfants ? Je ne comprends décidément pas... Mais je te rassure, à part une fois, où j'ai lamentablement craqué devant eux, j'arrive à me contrôler devant les enfants. Mon aîné est très en colère contre son papa et me le dit souvent. Je lui dis que moi aussi et que certainement son papa devait en effet beaucoup souffrir pour se suicider mais pour autant à l'intérieur, je suis une furie...
Mon psy a encore un bel avenir avec moi !
Merci en tout cas de m'avoir lue.
Muriel.

Hors ligne Eva Luna

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Re : Une rage difficilement contenue
« Réponse #3 le: 15 janvier 2018 à 20:51:14 »
Comprendre avec sa tête...
ressentir avec ses tripes.. ou son cœur...

Parfois il n'y a rien à comprendre...rien de rationnel  en fait.. mystère de l’âme humaine...
 et c'est difficile de devoir "accepter" ça en plus de tout le reste... Reconnaitre la réalité de ça..."c'est comme ça".... me semble plus juste d'ailleurs...pas facile du tout... un si long chemin...

La Furie qui se cache en toi, elle a tout à  fait le droit de ressentir cette rage, cette colère monstrueuse...c'est légitime ...
l'inquiétant c'est quand on ne ressent que ça, qu'on n'a plus aucune ouverture ... et ce n'est pas ta situation...du tout même...
Tu valides le sentiment de colère de ton ainé et c'est bien pour lui...il sait que ce n'est ni honteux; ni destructeur de ressentir ça , qu'on peut le partager et que c'est "normal"...qu'on peut aimer et détester en même temps...et que la colère prend toute la place en ce moment..normal aussi...
C 'est pas le papa qui s'est suicidé; c'est l'homme malheureux...je pense ...

Hors ligne Denpaolig

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Hors ligne souci

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Re : Une rage difficilement contenue
« Réponse #5 le: 16 janvier 2018 à 00:18:58 »

   La rage, Muriel, le pètard ...

   La mienne reprend au quart de tour dès qu'un(e) indélicat(e) s'en prend à mon deuil ...
   Je te partage une belle peinture d'une douce artiste que j'ai découverte aujourd'hui, Irma Carese ...
   Je trouve qu'elle traduit parfaitement l'alliance de forces vertigineuses et d'équilibres qu'on ressent au contact de la nature ...
   Pour toi, pour t'apporter un peu de paix ...
   Tendrement, Titine.

   

Hors ligne emi

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Re : Une rage difficilement contenue
« Réponse #6 le: 16 janvier 2018 à 11:43:27 »
Muriel,
Nous avons déjà échangé sur mon fil et tu me faisais par de cette colère. Cette colère je l'éprouve aussi, même si ce n'est pas envers mon Amour. Cette colère je la focalise, peut être à tort, contre ses parents et surtout sa mère. Dans mon cas, il n'était pas en dépression, au contraire il avait, on avait plein de projets dont ce petit bébé. Il était chargé psychiquement (d'après ce que me dit ma psy) et a eu une ou plusieurs déconnexion neurologique (pétage de câble), qui ce jour là l'a poussé à cette pulsion meurtrière. Il était très anxieux, jamais sur  de lui, et hypersensible ; il ne supportait pas de voir quelqu'un être mal et le gros poids qu'il portait émotionnellement date d'il y a 20 ans, or ça faisait 7ans et demi que l'on se connaissait. Autant dire que c'est très lointain et même si je savais que cet événement l'avais marqué, je ne pouvais imaginer à quel point. On avait jamais réellement parlé de celà, c'était  assez bref malheureusement. Je me dis maintenant que j'aurai dû"creuser" davantage, lui poser plus de questions mais c'est parce-que je connais l'issue. Quoiqu'il en soit, cet événement est revenu à la surface début novembre et je pense avant avec du recul. Et pour moi, c'est sa maman, qu'il appelait tous les midis qui l'a chargé encore plus émotionnellement en lui faisant par de ses problèmes, de son angoisse qui avait un lien indirect avec cet événement (elle ne l'a pas fait dans le but de le faire souffrir, je crois d'ailleurs qu'elle ne s'en rend pas compte, elle a elle des tendances dépressives).
Désolé je m'égare un peu... Tout ça pour te dire, que je l'ai aussi cette colère. Elle n'ai seulement pas dirigée contre la même personne.

Pour ce qui est du passage à l'acte, si nous ne comprenons pas c'est que nous ne sommes pas dans la même douleur, la même souffrance et quelque part heureusement. Je pense réellement qu'ils ne voulaient pas nous quitter mais qu'un problème neurologique ou un évènement quelconque à fait que cette douleur soit insupportable à ce point. Je parle dans mon cas, mais je sais très bien qu'il n'a pas pensé à nous. Même s'il nous a dit dans sa lettre qu'il nous aimait, il était ailleurs, c'était une autre personne. Car je le connais mon Amour, même si émotionnellement je ne savais pas tout de lui, je sais qu'il nous aimait et qu'il n'aurait jamais voulu nous faire de mal, bien au contraire la moindre poussée de fièvre des filles l'inquiétait énormément. Donc s'il avait réellement pensé à nous, au mal que ça nous ferait et bien il ne l'aurai jamais fait. Pour moi ce n'est pas un choix! C'est la seule issue pour eux à ce moment-là. Je te dis ça mais je ne le comprends pas totalement, je crois que le cerveau est hyper puissant, que l'on est bien loin de le connaître.
J'ai échangé avec des personnes suicidaires ou confrontées de près à cette horreur. On m'a parlé d'appel vers la mort, et une autre personne m'a dit qu'elle pensait ne plus être utile, ne plus pouvoir aider sa famille dans cette vie et qu'elle serait plus utile ailleurs (là je pense qu'il faut déjà étre ouvert à la spiritualité avant).
Maintenant chaque cas est différent; entre la pulsion qui brise tout en un instant, la dépression qui s'installe et qui entraîne un véritable projet de mort dans lequel tout est prémédité et le chantage du suicide lié à un ou plusieurs événements....
Et donc chaque ressenti diffère aussi; suivant le suicide en lui même, suivant la personne que nous sommes (psychologiquement et psychiquement), selon la personne que nous étions avant de le connaître, suivant l'entourage...

Je ne sais pas si tu as vu le documentaire qui passe demain soir sur France 5, je l'ai trouvé intéressant même si j'ai trouvé qu'il manquait pour moi, des conjoints endeuillés. En fait, j'aurais aimé avoir le témoignage d'un endeuillé qui soit dans plus dans la même situation que moi, avec des enfants par exemple.
Enfin, c'est une très bonne chose qu'il passe à la TV un soir, même si ce n'est pas une des chaînes principales. Si ça peut ouvrir un peu les yeux aux gens sur la réalité du deuil après suicide, ce sera un bon point.
En tout cas, une phrase de Christophe Fauré m'a interpellée. A un moment il évoque le fait que l'on essaye de savoir ce qui a pu se passer dans la tête de la personne avant qu'il passe à l'acte, voire pour certains de faire les gestes du passage à l'acte ; il dit bien que cette personne n'y a pensé qu'une seule fois et que ceux qui restent eux le ressasse mainte et mainte fois. C'est là que pour moi, ça rejoint vraiment à la pulsion et non à la réflexion ; une fois à suffit.

Je ne sais pas si tout ce que je te raconte là va t'apporter quelque chose ou pas, mais c'est ce qui me vient. Mes pensées sont assez confuses donc j'avoue que j'écris ce qui me vient à l'esprit sans forcément réfléchir et sans faire une réponse structurée. Le suicide nous détraque de partout...

En tout cas, ne soit pas trop dure avec toi. Il faut bien que cette colère sorte! Plus tu l'exprimer à et plus tu t'en déchargera. Et comme m'a dit ma psy, ça peut évoluer, tout n'est pas figé.vJe me dis que cette colère peut changer en terme d'intensité et peut être aussi se déplacer sur quelqu'un d'autre.

Si vraiment tu trouves que la colère t'envahie trop, qu'elle "te bouffe", peut être que voir un autre psy, ou essayer autre chose, à la place mais aussi pourquoi pas en complément pourrai t'aider. Mais fait comme tu le sens surtout!

Hors ligne emi

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Re : Une rage difficilement contenue
« Réponse #7 le: 16 janvier 2018 à 13:42:42 »
Ce que j'ai du mal à comprendre tout comme toi, c'est ceux qui effectivement souhaite en finir après un tel drame.
Car à moins d'avoir les "mêmes problèmes" que le suicidé, ce qui me paraît un peu dingue d'être exactement dans le même état d'esprit, la même souffrance psychologique et/ou psychique,  eux savent ce que ça fit à ceux qui restent. Ils savent la souffrance que l'on endure, le cahos dans lequel on est subitement plongé... Et ça pour rien au monde je souhaite l'infliger à mes proches et encore moins à mes enfants ! Ils n'ont rien demandés, ils n'ont d'ailleurs même pas demandé à venir au monde, alors pourquoi les faire souffrir après les avoir désirés???

Hors ligne Denpaolig

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Re : Une rage difficilement contenue
« Réponse #8 le: 16 janvier 2018 à 18:30:19 »
Merci emi,

Tes réflexions sont pertinentes et très bien exprimées, rassures-toi. Oui je crois qu'au fond de moi et depuis bien longtemps, je "sais" qu'ils doivent terriblement souffrir pour passer à l'acte. Je ne l'accepte tout simplement pas. Quand je lis ici ou ailleurs, les épouses, les maris, les frères, les sœurs, les grands-parents, les proches avoir ce calme que je n'ai pas en parlant de leur "cher disparu", je ne m'y retrouve pas du tout. Mes pensées sont parasitées par l'horreur de leur geste et je ne peux tout simplement pas avoir de pensées sereines envers mon frère, le papa de mes enfants. Je pense souvent à mon frère. Les rares fois où je vais au cimetière le "voir", je l'engueule ! Quand je vais sur la tombe de Pascal, je m'effondre et je le maudis. Je mets du temps à m'en remettre à chaque fois. Ils me manquent tous les deux mais c'est véritablement de la colère qui coule dans mes veines. J'envie les gens qui trouvent le détachement nécessaire pour reléguer leur colère aux oubliettes. J'avais dit que je me renseignerai davantage sur la méthode EMDR, je crois que je n'ai plus le choix. Mais j'aurai voulu trouver les ressources en moi pour leur accorder mon pardon et me sentir de ce fait apaiser...

Hors ligne Denpaolig

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Re : Une rage difficilement contenue
« Réponse #9 le: 16 janvier 2018 à 18:31:31 »
J'ai omis de te remercier Titine pour ce fondu très apaisant...
Prenons soin de nous...

Hors ligne Eva Luna

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Re : Une rage difficilement contenue
« Réponse #10 le: 16 janvier 2018 à 21:08:36 »
Je ne suis pas "apaisée" non plus...
et le lien intérieur... je ne sais pas ce que c'est...
tu n'es pas la seule à ne pas tout faire bien comme il faut...
le deuil est une abomination à vivre pour certains..
la rage coule dans tes veines...
le "néant" coule dans les miennes...
il y a , pour certains endeuillés, en plus du deuil, quelque chose de traumatique qui empêche d’avancer si on n'en tient pas compte...tous les psy ne v savent pas forcément faire avec nos composantes les plus sombres...


Hors ligne Federico

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Re : Une rage difficilement contenue
« Réponse #11 le: 16 janvier 2018 à 23:52:21 »
Une rage noire difficilement contenue...

Pourtant... je peux au moins me recueillir là où il repose en paix... Raphaël est enterré dans le cimetière de son village... je peux aller le "voir"... je peux lui parler... je peux lui porter des fleurs... je sais où le trouver ! c'est déjà très important !

J'ai également pu le ramener à la maison... dans sa chambre... où son grand père paternel, son tonton, son frère, sa maman et moi son papa, nous avons pu le veiller pendant 48 h... c'est ce qui m'a immédiatement sauvé la vie une première fois... pouvoir Etre et Veiller sur Raphaël pendant 48 h ... chez lui, chez nous, à la maison ! tous ensemble !

Il était absolument magnifique dans sa chambre... beaucoup de visites pendant la journée durant  ces 2 jours !... beaucoup d'émotions, souvent insoutenables... des témoignages inoubliables... des mots, des gestes, des pleurs... puis la nuit, 2 nuits de veille ! ESSENTIEL ! VITAL... puis le jour de son enterrement, pas de cérémonie à l'église... sobre, humble recueillement... de la maison direction le cimetière où beaucoup de jeunes, beaucoup de monde attendait Raphaël pour un adieu sans musique...  dénuement absolu... avec seules quelques lectures puis dans un livre... d'innombrables messages collectifs et personnels pour lui pour nous !
Une immense majorité de jeunes... émouvant, déchirant ! formidables jeunes !
Le soir... beaucoup sont restés ensemble ... en hommage !

OUI, j' ai été avec Raphaël mort pendant 48 heures ...

 Et je sais désormais où m'asseoir près de lui mais Il vit désormais avec moi... toujours dans mon cœur.

Papa de Raphaël.

« Modifié: 17 janvier 2018 à 00:48:39 par Federico »
- Espérer, c'est avoir la force de sourire avec un cœur qui ne cesse de pleurer
- Qui pourrait me dire maintenant ce que je dois dire, écrire, croire, penser ou faire ? Personne ! je suis LIBRE !

Hors ligne Vee

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Re : Une rage difficilement contenue
« Réponse #12 le: 17 janvier 2018 à 16:51:25 »
Bonjour Denpaolig,

C'est mon premier post sur le site, mais ce n'est pas la première fois que je m'arrête sur tes posts et que je m'y vois en miroir.

Mon mari, - dont j'étais séparée depuis 3 ans mais pas divorcée -, s'est suicidé il y a 2ans et demi. Je lui en veux terriblement car il a laissé derrière lui deux enfants, d'aujourd'hui 11 et 14 ans. Je lui en veux pour ce qu'il leur a fait, à eux.

Le problème est d'autant plus complexe qu'il parait au yeux de tous, - y compris des miens, d'une certaine manière -, comme une victime, prisonnier de ses propres dissonances qui l'ont mené à faire un choix totalement déraisonnable et extrême. Cette rage, je la couve au fond de moi, j'ai presque honte quand je la vois sourdre. Pourtant, elle est là, violente et puissante.

Je lui en veux parce qu'il a refusé de voir qu'il n'allait pas bien, parce qu'il s'est violemment refusé à accepter qu'il était en dépression profonde, qu'il nous a fait vivre un enfer pendant des années; je lui en veux de ne pas avoir vu ce qui était évident pour moi: qu'il était gravement malade et que, oui, une maladie psychique, çà se soigne. Je lui en veux de n'avoir penser qu'à lui, à sa souffrance personnelle et avoir fait fi de la notre, obnubilé par sa propre personne. Je ne comprends pas comment sa souffrance personnelle, si grande soit elle, ait pu passer devant l'amour qu'il disait avoir pour ses enfants. Une part de moi le juge durement, sans lui faire le moindre cadeau.

Une autre part de moi sait qu'il est allé au-delà de ses forces; que, oui, il aimait ses enfants bien qu'il les aient laissés; une part de moi regrette le compagnon de route irremplaçable et ses fragilités; une part de moi veut qu'il reste un père pour ses enfants et cette part se dit que le passé est le passé et que cette rage est vaine.

En fait, il m'arrive de me laisser des moments, à moi, seule, pour laisser cette rage m'envahir, pour l'accepter, pour qu'elle ne me submerge pas, qu'elle ne vienne pas colorer la mémoire de leur père que je transmets aux enfants. Un jour, s'ils la ressentent aussi, je partagerai la mienne, mais de tous les sentiments (nombreux) que je peux éprouver au sujet de leur père, celui-ci est celui qui reste tu.

Merci de l'avoir partagé, du coup. Je me sens un peu moins seule... :)

Hors ligne Denpaolig

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Re : Une rage difficilement contenue
« Réponse #13 le: 17 janvier 2018 à 18:25:20 »
Bonjour Vee,

Un temps , je me suis dit, en découvrant ce forum, que j'avais poussé la mauvaise porte. Trop d'amour pour le/la disparue que je ne ressentais pas pour Pascal. Comme toi, j'ai lu les témoignages avant d'oser me raconter, raconter l'horreur. Et puis, je pense qu'il y a autant de façon de vivre le deuil qu'il y a de morts et c'est ce qui m'a décidée à ouvrir ces deux  fils de discussion (Bis repetita et Une rage difficilement contenue). Je ne trouve pas l'apaisement car systématiquement, c'est l'horreur du geste qui me revient à la figure. Les temps calmes (il en existe tout de même), j'essaye de ressentir ce qui a pu le pousser à ce geste. J'essaye de me mettre à sa place et parfois oui, j'y arrive et me dis que je comprends son geste. Que le ras-le-bol, l'injustice, le désespoir d'une situation peut donner l'illusion que le tableau est beaucoup plus noir qu'il ne l'est en réalité. Et que parfois on ne voit que le noir qui a tout envahi. Le recul manque à ce moment-là et c'est là que survient le "raptus suicidaire". L'instant, la fraction de seconde qui fait basculer de l'autre côté. Mais ma rage revient très vite car je sais que son geste était pensé, réfléchi, prémédité. Il a apporté une corde sur son lieu de travail. La réflexion a chassé le raptus suicidaire (l'acte sur un coup de tête).
Le raptus suicidaire serait quand, au volant d'une voiture, je braque brusquement pour m'encastrer dans une voiture, un poids lourd. Dans le cas de Pascal, l'acte est préparé. Donc, il a forcément pensé à ses enfants (j'en suis d'autant plus persuadée qu'il a envoyé un mail quelques minutes avant de se suicider à son avocat où il nomme chacun de ses trois enfants). Et c'est là que ma rage contre lui ressurgit.
J'essaye de me servir de cette rage pour faire quelque chose de positif (à la demande de mon psy). A part briquer plus fort les sols, m'acharner sur les tapis avec l'aspirateur, je n'ai pas encore trouvé comment transformer cette rage froide en quelque chose de positif... Je creuse !!!
Je me rends compte avec ton témoignage Vee qu'en effet, je ne suis pas la seule. Je ne sais pas s'il faut en ressentir une forme d'apaisement, une sentiment de normalité... Je ne sais pas...
Prends bien soin de toi et de tes enfants...
Muriel.

Hors ligne minou38

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Re : Une rage difficilement contenue
« Réponse #14 le: 17 janvier 2018 à 18:52:08 »
a regarder ce soir, l'émission sur la 5. peut-être ça va être intéressant ! amitiés