FORUM "LES MOTS DU DEUIL"

Comprendre et vivre son deuil => Après le suicide d’un proche => Discussion démarrée par: Denpaolig le 15 janvier 2018 à 00:47:58

Titre: Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 15 janvier 2018 à 00:47:58
Bonsoir,

Je me suis racontée sur le fil de discussion "Vivre le deuil de son conjoint". Peut-être n'aurais-je pas dû poster mon histoire à cet endroit-là mais plutôt ici. Ca n'a pas grande importance, me direz-vous ? Un peu, tout de même car je ne me reconnais pas dans les histoires d'amours avortées que je lis sur l'autre fil.
Moi, j'ai un gros problème... C'est la colère... Cette colère qui gronde en moi depuis le suicide du papa de mes enfants, il y a bientôt 9 mois et le suicide de mon frère, il y aura 30 ans dans quelques jours... Je n'arrive pas à en sortir. Elle m'envahit en permanence. Elle est en moi de façon quasi-permanente. Je consulte un psy mais je ne vois pas d'amélioration de ce côté-là ! Lire un écrit ici, où je comprends qu'un passage à l'acte est envisagé,  me plonge dans une rage folle. Je ne comprends pas,  alors qu'on a vécu l'effroi de la mort d'un proche,  qu'on puisse s'ouvrir à d'autres sur l'intention de s'ôter la vie.
On vient de perdre quelqu'un, on en souffre atrocement et on veut infliger la même chose à ceux qui restent (enfants, familles... ? Je ne comprends pas.  Je n'accepte pas cet égoïsme. Je ne le tolère pas. Ca me met dans une rage effroyable. Je n'arrive pas à garder mon calme même derrière un écran d'ordinateur !
Est-ce que je suis la seule ici à ressentir une colère dévastatrice suite au geste égoïste d'un proche ?
Est-ce que je suis la seule ici à en vouloir à des gens comme mon frère  ou comme le papa de mes enfants qui n'en ont rien eu  à foutre de ceux qui restent ?
Je souffre de voir mes enfants souffrir du manque terrible de leur papa, de l'incompréhension de son geste, de l'angoisse que son geste a provoqué chez eux. Je LE maudis et ma rage est phénoménale.
Je ne veux pas être dans le jugement mais je veux essayer de comprendre pour essayer de trouver l'apaisement.
Comprendre comment on peut infliger un tel dénouement à ses propres enfants, à sa propre famille ?
Comment on garde son calme devant un tel égoïsme ?

Muriel.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Eva Luna le 15 janvier 2018 à 03:45:09
La rage et  la colère phénoménales sont tes émotions envahissantes de maintenant et elles te consument...
Je ne sais pas comment tu peux les expulser de toi... les sortir, les user, ...Muriel,mais les partager ici avec nous, sans trop juger... c'est déjà énorme...

Je sais juste que c'est rarement par égoïsme mais plus par désespoir, pas trop plein de souffrance, par absence d'autre solution à ce moment là...par pensée tordue de ce sera mieux sans moi pour eux... par attaque de dépression...que les gens mettent fin à leurs jours, prisonniers de leur logique mortifère et fausse...c'est rarement un vrai choix...

La douleur immense de voir souffrir impuissante, vos enfants, par sa faute, par son geste fatal...rajoute de la souffrance à la souffrance...et c'est insoutenable...

Je crois qu'il faudrait aller en parler encore et encore avec un bon psy qui supportera ta haine momentanée...pour ne pas la faire porter aux enfants...pour leur permettre de garder une belle image de ce papa qui a cru qu'il n'y avait pas d'autre solution à cet instant là mais qui les aimait et qui t'aimait...

Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 15 janvier 2018 à 18:24:24
Merci Eva Luna,

J'essaye, je t'assure de comprendre les motivations. J'entends les explications que me donnent le psy et qui rejoignent les tiennes et parfois sur l'instant, je les comprends mais cette compréhension ne dure pas. Dès que je prends un de mes loulous dans mes bras, totalement défait et que je le sens trembler contre moi, que je sens mon chemisier se tremper,  je perds cette ouverture d'esprit. Je comprends que parfois ce qu'on subit est lourd, véritablement lourd, mais qu'on puisse dire ouvertement : "J'ai écrit une lettre d'adieu à chacun", je bloque, j'enrage, j'exulte...
Mon psy m'a dit en effet que parfois la personne ne voit d'autres solutions et se dit "Ils seront mieux sans moi car je suis un boulet pour eux"... Mon mari connaissait mon traumatisme jamais oublié du suicide de mon frère. Il savait combien j'avais "dégusté" à 17 ans. Comment en sachant ça, a-t-il pu faire subir la même chose à ses propres enfants ? Je ne comprends décidément pas... Mais je te rassure, à part une fois, où j'ai lamentablement craqué devant eux, j'arrive à me contrôler devant les enfants. Mon aîné est très en colère contre son papa et me le dit souvent. Je lui dis que moi aussi et que certainement son papa devait en effet beaucoup souffrir pour se suicider mais pour autant à l'intérieur, je suis une furie...
Mon psy a encore un bel avenir avec moi !
Merci en tout cas de m'avoir lue.
Muriel.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Eva Luna le 15 janvier 2018 à 20:51:14
Comprendre avec sa tête...
ressentir avec ses tripes.. ou son cœur...

Parfois il n'y a rien à comprendre...rien de rationnel  en fait.. mystère de l’âme humaine...
 et c'est difficile de devoir "accepter" ça en plus de tout le reste... Reconnaitre la réalité de ça..."c'est comme ça".... me semble plus juste d'ailleurs...pas facile du tout... un si long chemin...

La Furie qui se cache en toi, elle a tout à  fait le droit de ressentir cette rage, cette colère monstrueuse...c'est légitime ...
l'inquiétant c'est quand on ne ressent que ça, qu'on n'a plus aucune ouverture ... et ce n'est pas ta situation...du tout même...
Tu valides le sentiment de colère de ton ainé et c'est bien pour lui...il sait que ce n'est ni honteux; ni destructeur de ressentir ça , qu'on peut le partager et que c'est "normal"...qu'on peut aimer et détester en même temps...et que la colère prend toute la place en ce moment..normal aussi...
C 'est pas le papa qui s'est suicidé; c'est l'homme malheureux...je pense ...
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 15 janvier 2018 à 21:53:22
https://www.lexpress.fr/styles/psycho/comment-faire-son-deuil-apres-le-suicide-d-un-proche_1536290.html

Un long chemin...
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: souci le 16 janvier 2018 à 00:18:58

   La rage, Muriel, le pètard ...

   La mienne reprend au quart de tour dès qu'un(e) indélicat(e) s'en prend à mon deuil ...
   Je te partage une belle peinture d'une douce artiste que j'ai découverte aujourd'hui, Irma Carese ...
   Je trouve qu'elle traduit parfaitement l'alliance de forces vertigineuses et d'équilibres qu'on ressent au contact de la nature ...
   Pour toi, pour t'apporter un peu de paix ...
   Tendrement, Titine.

   (https://www.aht.li/3168742/irmaceresepa.jpg)
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: emi le 16 janvier 2018 à 11:43:27
Muriel,
Nous avons déjà échangé sur mon fil et tu me faisais par de cette colère. Cette colère je l'éprouve aussi, même si ce n'est pas envers mon Amour. Cette colère je la focalise, peut être à tort, contre ses parents et surtout sa mère. Dans mon cas, il n'était pas en dépression, au contraire il avait, on avait plein de projets dont ce petit bébé. Il était chargé psychiquement (d'après ce que me dit ma psy) et a eu une ou plusieurs déconnexion neurologique (pétage de câble), qui ce jour là l'a poussé à cette pulsion meurtrière. Il était très anxieux, jamais sur  de lui, et hypersensible ; il ne supportait pas de voir quelqu'un être mal et le gros poids qu'il portait émotionnellement date d'il y a 20 ans, or ça faisait 7ans et demi que l'on se connaissait. Autant dire que c'est très lointain et même si je savais que cet événement l'avais marqué, je ne pouvais imaginer à quel point. On avait jamais réellement parlé de celà, c'était  assez bref malheureusement. Je me dis maintenant que j'aurai dû"creuser" davantage, lui poser plus de questions mais c'est parce-que je connais l'issue. Quoiqu'il en soit, cet événement est revenu à la surface début novembre et je pense avant avec du recul. Et pour moi, c'est sa maman, qu'il appelait tous les midis qui l'a chargé encore plus émotionnellement en lui faisant par de ses problèmes, de son angoisse qui avait un lien indirect avec cet événement (elle ne l'a pas fait dans le but de le faire souffrir, je crois d'ailleurs qu'elle ne s'en rend pas compte, elle a elle des tendances dépressives).
Désolé je m'égare un peu... Tout ça pour te dire, que je l'ai aussi cette colère. Elle n'ai seulement pas dirigée contre la même personne.

Pour ce qui est du passage à l'acte, si nous ne comprenons pas c'est que nous ne sommes pas dans la même douleur, la même souffrance et quelque part heureusement. Je pense réellement qu'ils ne voulaient pas nous quitter mais qu'un problème neurologique ou un évènement quelconque à fait que cette douleur soit insupportable à ce point. Je parle dans mon cas, mais je sais très bien qu'il n'a pas pensé à nous. Même s'il nous a dit dans sa lettre qu'il nous aimait, il était ailleurs, c'était une autre personne. Car je le connais mon Amour, même si émotionnellement je ne savais pas tout de lui, je sais qu'il nous aimait et qu'il n'aurait jamais voulu nous faire de mal, bien au contraire la moindre poussée de fièvre des filles l'inquiétait énormément. Donc s'il avait réellement pensé à nous, au mal que ça nous ferait et bien il ne l'aurai jamais fait. Pour moi ce n'est pas un choix! C'est la seule issue pour eux à ce moment-là. Je te dis ça mais je ne le comprends pas totalement, je crois que le cerveau est hyper puissant, que l'on est bien loin de le connaître.
J'ai échangé avec des personnes suicidaires ou confrontées de près à cette horreur. On m'a parlé d'appel vers la mort, et une autre personne m'a dit qu'elle pensait ne plus être utile, ne plus pouvoir aider sa famille dans cette vie et qu'elle serait plus utile ailleurs (là je pense qu'il faut déjà étre ouvert à la spiritualité avant).
Maintenant chaque cas est différent; entre la pulsion qui brise tout en un instant, la dépression qui s'installe et qui entraîne un véritable projet de mort dans lequel tout est prémédité et le chantage du suicide lié à un ou plusieurs événements....
Et donc chaque ressenti diffère aussi; suivant le suicide en lui même, suivant la personne que nous sommes (psychologiquement et psychiquement), selon la personne que nous étions avant de le connaître, suivant l'entourage...

Je ne sais pas si tu as vu le documentaire qui passe demain soir sur France 5, je l'ai trouvé intéressant même si j'ai trouvé qu'il manquait pour moi, des conjoints endeuillés. En fait, j'aurais aimé avoir le témoignage d'un endeuillé qui soit dans plus dans la même situation que moi, avec des enfants par exemple.
Enfin, c'est une très bonne chose qu'il passe à la TV un soir, même si ce n'est pas une des chaînes principales. Si ça peut ouvrir un peu les yeux aux gens sur la réalité du deuil après suicide, ce sera un bon point.
En tout cas, une phrase de Christophe Fauré m'a interpellée. A un moment il évoque le fait que l'on essaye de savoir ce qui a pu se passer dans la tête de la personne avant qu'il passe à l'acte, voire pour certains de faire les gestes du passage à l'acte ; il dit bien que cette personne n'y a pensé qu'une seule fois et que ceux qui restent eux le ressasse mainte et mainte fois. C'est là que pour moi, ça rejoint vraiment à la pulsion et non à la réflexion ; une fois à suffit.

Je ne sais pas si tout ce que je te raconte là va t'apporter quelque chose ou pas, mais c'est ce qui me vient. Mes pensées sont assez confuses donc j'avoue que j'écris ce qui me vient à l'esprit sans forcément réfléchir et sans faire une réponse structurée. Le suicide nous détraque de partout...

En tout cas, ne soit pas trop dure avec toi. Il faut bien que cette colère sorte! Plus tu l'exprimer à et plus tu t'en déchargera. Et comme m'a dit ma psy, ça peut évoluer, tout n'est pas figé.vJe me dis que cette colère peut changer en terme d'intensité et peut être aussi se déplacer sur quelqu'un d'autre.

Si vraiment tu trouves que la colère t'envahie trop, qu'elle "te bouffe", peut être que voir un autre psy, ou essayer autre chose, à la place mais aussi pourquoi pas en complément pourrai t'aider. Mais fait comme tu le sens surtout!
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: emi le 16 janvier 2018 à 13:42:42
Ce que j'ai du mal à comprendre tout comme toi, c'est ceux qui effectivement souhaite en finir après un tel drame.
Car à moins d'avoir les "mêmes problèmes" que le suicidé, ce qui me paraît un peu dingue d'être exactement dans le même état d'esprit, la même souffrance psychologique et/ou psychique,  eux savent ce que ça fit à ceux qui restent. Ils savent la souffrance que l'on endure, le cahos dans lequel on est subitement plongé... Et ça pour rien au monde je souhaite l'infliger à mes proches et encore moins à mes enfants ! Ils n'ont rien demandés, ils n'ont d'ailleurs même pas demandé à venir au monde, alors pourquoi les faire souffrir après les avoir désirés???
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 16 janvier 2018 à 18:30:19
Merci emi,

Tes réflexions sont pertinentes et très bien exprimées, rassures-toi. Oui je crois qu'au fond de moi et depuis bien longtemps, je "sais" qu'ils doivent terriblement souffrir pour passer à l'acte. Je ne l'accepte tout simplement pas. Quand je lis ici ou ailleurs, les épouses, les maris, les frères, les sœurs, les grands-parents, les proches avoir ce calme que je n'ai pas en parlant de leur "cher disparu", je ne m'y retrouve pas du tout. Mes pensées sont parasitées par l'horreur de leur geste et je ne peux tout simplement pas avoir de pensées sereines envers mon frère, le papa de mes enfants. Je pense souvent à mon frère. Les rares fois où je vais au cimetière le "voir", je l'engueule ! Quand je vais sur la tombe de Pascal, je m'effondre et je le maudis. Je mets du temps à m'en remettre à chaque fois. Ils me manquent tous les deux mais c'est véritablement de la colère qui coule dans mes veines. J'envie les gens qui trouvent le détachement nécessaire pour reléguer leur colère aux oubliettes. J'avais dit que je me renseignerai davantage sur la méthode EMDR, je crois que je n'ai plus le choix. Mais j'aurai voulu trouver les ressources en moi pour leur accorder mon pardon et me sentir de ce fait apaiser...
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 16 janvier 2018 à 18:31:31
J'ai omis de te remercier Titine pour ce fondu très apaisant...
Prenons soin de nous...
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Eva Luna le 16 janvier 2018 à 21:08:36
Je ne suis pas "apaisée" non plus...
et le lien intérieur... je ne sais pas ce que c'est...
tu n'es pas la seule à ne pas tout faire bien comme il faut...
le deuil est une abomination à vivre pour certains..
la rage coule dans tes veines...
le "néant" coule dans les miennes...
il y a , pour certains endeuillés, en plus du deuil, quelque chose de traumatique qui empêche d’avancer si on n'en tient pas compte...tous les psy ne v savent pas forcément faire avec nos composantes les plus sombres...

Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Federico le 16 janvier 2018 à 23:52:21
Une rage noire difficilement contenue...

Pourtant... je peux au moins me recueillir là où il repose en paix... Raphaël est enterré dans le cimetière de son village... je peux aller le "voir"... je peux lui parler... je peux lui porter des fleurs... je sais où le trouver ! c'est déjà très important !

J'ai également pu le ramener à la maison... dans sa chambre... où son grand père paternel, son tonton, son frère, sa maman et moi son papa, nous avons pu le veiller pendant 48 h... c'est ce qui m'a immédiatement sauvé la vie une première fois... pouvoir Etre et Veiller sur Raphaël pendant 48 h ... chez lui, chez nous, à la maison ! tous ensemble !

Il était absolument magnifique dans sa chambre... beaucoup de visites pendant la journée durant  ces 2 jours !... beaucoup d'émotions, souvent insoutenables... des témoignages inoubliables... des mots, des gestes, des pleurs... puis la nuit, 2 nuits de veille ! ESSENTIEL ! VITAL... puis le jour de son enterrement, pas de cérémonie à l'église... sobre, humble recueillement... de la maison direction le cimetière où beaucoup de jeunes, beaucoup de monde attendait Raphaël pour un adieu sans musique...  dénuement absolu... avec seules quelques lectures puis dans un livre... d'innombrables messages collectifs et personnels pour lui pour nous !
Une immense majorité de jeunes... émouvant, déchirant ! formidables jeunes !
Le soir... beaucoup sont restés ensemble ... en hommage !

OUI, j' ai été avec Raphaël mort pendant 48 heures ...

 Et je sais désormais où m'asseoir près de lui mais Il vit désormais avec moi... toujours dans mon cœur.

Papa de Raphaël.

Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Vee le 17 janvier 2018 à 16:51:25
Bonjour Denpaolig,

C'est mon premier post sur le site, mais ce n'est pas la première fois que je m'arrête sur tes posts et que je m'y vois en miroir.

Mon mari, - dont j'étais séparée depuis 3 ans mais pas divorcée -, s'est suicidé il y a 2ans et demi. Je lui en veux terriblement car il a laissé derrière lui deux enfants, d'aujourd'hui 11 et 14 ans. Je lui en veux pour ce qu'il leur a fait, à eux.

Le problème est d'autant plus complexe qu'il parait au yeux de tous, - y compris des miens, d'une certaine manière -, comme une victime, prisonnier de ses propres dissonances qui l'ont mené à faire un choix totalement déraisonnable et extrême. Cette rage, je la couve au fond de moi, j'ai presque honte quand je la vois sourdre. Pourtant, elle est là, violente et puissante.

Je lui en veux parce qu'il a refusé de voir qu'il n'allait pas bien, parce qu'il s'est violemment refusé à accepter qu'il était en dépression profonde, qu'il nous a fait vivre un enfer pendant des années; je lui en veux de ne pas avoir vu ce qui était évident pour moi: qu'il était gravement malade et que, oui, une maladie psychique, çà se soigne. Je lui en veux de n'avoir penser qu'à lui, à sa souffrance personnelle et avoir fait fi de la notre, obnubilé par sa propre personne. Je ne comprends pas comment sa souffrance personnelle, si grande soit elle, ait pu passer devant l'amour qu'il disait avoir pour ses enfants. Une part de moi le juge durement, sans lui faire le moindre cadeau.

Une autre part de moi sait qu'il est allé au-delà de ses forces; que, oui, il aimait ses enfants bien qu'il les aient laissés; une part de moi regrette le compagnon de route irremplaçable et ses fragilités; une part de moi veut qu'il reste un père pour ses enfants et cette part se dit que le passé est le passé et que cette rage est vaine.

En fait, il m'arrive de me laisser des moments, à moi, seule, pour laisser cette rage m'envahir, pour l'accepter, pour qu'elle ne me submerge pas, qu'elle ne vienne pas colorer la mémoire de leur père que je transmets aux enfants. Un jour, s'ils la ressentent aussi, je partagerai la mienne, mais de tous les sentiments (nombreux) que je peux éprouver au sujet de leur père, celui-ci est celui qui reste tu.

Merci de l'avoir partagé, du coup. Je me sens un peu moins seule... :)
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 17 janvier 2018 à 18:25:20
Bonjour Vee,

Un temps , je me suis dit, en découvrant ce forum, que j'avais poussé la mauvaise porte. Trop d'amour pour le/la disparue que je ne ressentais pas pour Pascal. Comme toi, j'ai lu les témoignages avant d'oser me raconter, raconter l'horreur. Et puis, je pense qu'il y a autant de façon de vivre le deuil qu'il y a de morts et c'est ce qui m'a décidée à ouvrir ces deux  fils de discussion (Bis repetita et Une rage difficilement contenue). Je ne trouve pas l'apaisement car systématiquement, c'est l'horreur du geste qui me revient à la figure. Les temps calmes (il en existe tout de même), j'essaye de ressentir ce qui a pu le pousser à ce geste. J'essaye de me mettre à sa place et parfois oui, j'y arrive et me dis que je comprends son geste. Que le ras-le-bol, l'injustice, le désespoir d'une situation peut donner l'illusion que le tableau est beaucoup plus noir qu'il ne l'est en réalité. Et que parfois on ne voit que le noir qui a tout envahi. Le recul manque à ce moment-là et c'est là que survient le "raptus suicidaire". L'instant, la fraction de seconde qui fait basculer de l'autre côté. Mais ma rage revient très vite car je sais que son geste était pensé, réfléchi, prémédité. Il a apporté une corde sur son lieu de travail. La réflexion a chassé le raptus suicidaire (l'acte sur un coup de tête).
Le raptus suicidaire serait quand, au volant d'une voiture, je braque brusquement pour m'encastrer dans une voiture, un poids lourd. Dans le cas de Pascal, l'acte est préparé. Donc, il a forcément pensé à ses enfants (j'en suis d'autant plus persuadée qu'il a envoyé un mail quelques minutes avant de se suicider à son avocat où il nomme chacun de ses trois enfants). Et c'est là que ma rage contre lui ressurgit.
J'essaye de me servir de cette rage pour faire quelque chose de positif (à la demande de mon psy). A part briquer plus fort les sols, m'acharner sur les tapis avec l'aspirateur, je n'ai pas encore trouvé comment transformer cette rage froide en quelque chose de positif... Je creuse !!!
Je me rends compte avec ton témoignage Vee qu'en effet, je ne suis pas la seule. Je ne sais pas s'il faut en ressentir une forme d'apaisement, une sentiment de normalité... Je ne sais pas...
Prends bien soin de toi et de tes enfants...
Muriel.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: minou38 le 17 janvier 2018 à 18:52:08
a regarder ce soir, l'émission sur la 5. peut-être ça va être intéressant ! amitiés
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Vee le 18 janvier 2018 à 10:25:50
Je trouve que j'ai mille raisons de lui en vouloir.

Il n'y a pas eu de raptus suicidaire non plus chez nous. Mais une longue préméditation avec une volonté de blesser post mortem tous ceux qui l'avaient blessé, lui.

Ce suicide a été un meurtre par procuration. Il a soigneusement choisi la manière (suicide à l"hélium; donc achat de matériel et logistique un peu complexe); il a envisagé de tuer ses enfants (trop de bouteilles d'hélium achetées pour lui tout seul). Il a choisi la mise en scène avec soin (consciemment ou insconciemment, d'ailleurs, car il s'est tué dans le fauteuil où j'ai passé mon temps à allaiter nos enfants, leur raconter des histoires, le fauteuil maternant et maternel... preuve à mes yeux qu'une des clefs était dans sa relation aux femmes et notamment à sa mère). Il a voulu que le monde entier sache qu'il était une victime. Il a passé la nuit a envoyer des mails incendiaires en accusant les uns et les autres d'être coupables de son mal-être. Les mails et les lettres laissées dans tous les sens sont incohérents, démontrent l'étendue de sa folie et de sa paranoia. IL a laissé un testament très ambigu qui a eu pour effet , de fait, de déshériter ses propres enfants.

J'ai passé la première année à déminer les micro bombes qu'il a laissé sur mon chemin et sur celui des autres.. de ses amis qui n'avaient rien vu venir, de sa famille qui gardait la tête dans le sable et trouvait en moi une responsable facile, de ses collègues qui sont venus me trouver pour avoir du réconfort. Tout le monde s'est imaginé que, sous prétexte que nous étions séparés, son sort ne m'importait plus, que je n'avais plus de sentiments, que j'étais blindée et j'ai tout reçu en pluie battante: les démarches administratives ubuesques (il s'est tué à l'étranger; officiellement, je suis la veuve; j'étais toujours sur le bail, etc..), le trop plein de chagrin des autres, ceux qui m'ont dit que j'avais du bol, que j'étais enfin débarrassé d'un type qui ne me causait que du tort, ceux qui pensaient que j'étais la coupable pour avoir voulu la séparation...

Pendant deux ans, je n'ai pensé qu'à une seule chose: les enfants. Comment les protéger ? Comment les aider à surnager ? rester à l'abri des paroles des gens qui pensent qu'il n'entendent rien ?

Un jour, la psy qui suivait ma fille m'a fait remarquer que beaucoup de chemin avait été fait et qu'elle ne voyait pas l'utilité de continuer à se voir à haute fréquence. Que j'avais fait du bon travail. J'ai souri et j'ai lancé d'un ton faussement détaché "boh, vous savez, moi je vous l'amène, je suis juste chauffeur....."
Elle a bondi sur ces pieds et s'est ecrié que non, que j'avais fait un boulot de malade, que peu de parents survivants pouvait faire ce que j'avais fait. Cela m'a fait un bien fou. Cela ne veut pas dire que le travail est fait; tous les parents survivants le savent. On vit en équilibre instable en permanence et à jamais.

Aujourd'hui, le plus dur est passé, mais il reste la colère, intacte, une énorme fatigue morale (et accessoirement, 20 kilos en plus). En fait, je commence à m'inquiéter. Je n'ai goût à rien. Je ne me projette dans rien. J'ai l'impression que ma vie est terminée et que je n'ai plus qu'à attendre la fin. Et qu'en plus, je ne peux même pas me suicider pour couper court, parce qu'on a déjà fait le coup aux enfants !!!!
En fait, je me sens apaisée, finalement.. mais trop... tout glisse sur moi sans prendre prise. Sauf cette colère, qui croupit.

Je ne sais pas non plus comment la transformer en quelque chose de positif. Peut-être qu'en prendre acte est un premier pas...
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 18 janvier 2018 à 17:23:27
Bonjour Minou38,

J'ai regardé l'émission. Ma fille de 15 ans est venue la regarder avec moi. Nous avons pleuré ensemble, main dans la main. Et puis, en réaction à certains propos, ma fille évoquait son papa et nous avons même réussi à un rire d'une anecdote. Je pense que je regarderai à nouveau seule pour mieux entendre.
Ma fille me faisait la réflexion qu'elle ne pouvait s'identifier aux histoires car il n'y avait que les témoignages de parents en deuil parlant de leur enfant, de sœurs parlant de leur frère mais aucune parole d'enfants ou d'adolescents concernés. Ni aucun "double suicide" comme dans mon cas.
Une phrase de Christophe Fauré (qu'on connaît bien ici) m'a fait très peur. Il disait que parfois les endeuillés voulaient se caler au plus près des émotions des suicidés et qu'il se mettait dans la même situation (une corde autour du cou...). Là, il évoquait le cas d'une épouse dont le mari s'était suicidé par arme à feu et qu'elle était allée jusqu'à introduire l'extrémité du canon dans sa bouche pour "ressentir" les mêmes sensations et essayer de comprendre son geste... Ca m'a fait froid dans le dos car moi, après le suicide de mon frère, c'est en pensée et seulement en pensée que je l'ai fait... Je me suis mise en danger (alcool, vitesse au volant...) mais je n'ai jamais pensé à mettre le fusil de chasse -canon démonté- dans ma bouche.


Pour revenir à la colère qui m'habite, elle est très présente également chez ma fille qui me disait hier "Mais, nous, maman ? Nous, il n'a pas pensé à Nous". Elle parlait d'elle et de ses deux frères.
C'est inimaginable pour moi d'accepter qu'il aie pensé aux enfants et qu'il aie commis l'irréparable malgré tout. Comment a-t-il pu se dire "Ils seront mieux sans moi, je suis un boulet"... Si tant est qu'il se le soit dit... Et c'est encore plus terrible de répondre à ses enfants "Si, j'en suis sûre, il a pensé à vous"... Comment puis-je penser qu'une telle réponse pourrait satisfaire ma fille et apaiser ses angoisses ?
D'un côté, répondre "Non, il n'a pas pensé à vous" et j'imagine les pensées de ma fille "Il n'a même pas pensé à nous, on ne comptait pas" et de l'autre côté, répondre "Si, il a pensé à vous" et d'entendre "Il ne nous aimait donc pas assez pour faire ça... Le "Je ne sais pas" est la vérité mais la vérité est-elle apaisante, satisfaisante ?

Prenons soin de nous...

Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: emi le 18 janvier 2018 à 22:55:14
Malgré la lettre très décousue que ma laissé mon Amour, malgré le fait qu'il parle de nous, je reste persuadée que ce n'était pas lui à ce moment là. Il était comme "possédé". En tout cas ça ne lui ressemble pas du tout, il n'aurait jamais fait du mal à ses enfants, il les aimait trop. Mes filles sont encore petites, mais je leur dit, et sur conseil de ma psy, qu'il avait la tête ailleurs. En gros il n'a pas pensé.

Pour toi comme pour moi, c'est inconcevable de se donner la mort, car psychologiquement et psychiquement (et même malgré ces terribles épreuves) nous sommes "saines" si je peux dire ça comme ça. Nous ne sommes pas chargées d'émotions et de souffrances enfouies. On ne peut donc pas savoir, pas imaginer ce qui a pu se passer dans leur tête. On ne connait pas non plus tout leur vécu avant notre rencontre. On sait que ce qu'ils nous ont dit, et je pense que même ça l'on  l'interprète inconsciemment en fonction de notre propre vécu. C'est pour ça que pour ma part  je ne lui en veux pas, car pour faire ça, pour laisser autant de monde, il faut vraiment être mal.

Je te dis tout ça, et pourtant je me pose toujours la question de savoir ce qu'il a pensé. Je suis pleine de confusions...
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Federico le 19 janvier 2018 à 05:43:23

Ma colère est très rarement dirigeait contre mon fils...
Par contre, j'éprouve de la rage contre la société humaine et de la haine contre la vie !
Société infréquentable... monde inhospitalier, carrément inhabitable... 
Putain et salope de vie !

Federico
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 19 janvier 2018 à 22:44:34
Oui Federico,

Ce monde est terrifiant. Les nouvelles du monde sont anxiogènes et je me dis que je laisse à mes enfants un bien triste monde de désolation et de violences de tout genre... Et quand la violence nous touche plus particulièrement par le suicide d'un de nos proches, le reste du monde passe au second plan voire aux oubliettes. Plus rien d'autre n'a d'importance puisque notre monde a été dévasté... Personnellement, tout comme toi, après le suicide de mon frère, j'ai ressenti une haine profonde pour le monde entier.  Et c'est avec un plaisir sadique que j'assénais  les détails glauques de la mort de mon frère avec la volonté de choquer. Une volonté de faire souffrir autant que je souffrais. Je le regrette aujourd'hui mais je ne savais pas comment faire pour crier mon désespoir. Il faut remonter en 1988, Christophe Fauré n'avait pas encore écrit son livre sur le suicide ! Je ne comprenais absolument pas ce que je vivais, ni si ce que je vivais était normal ou pas... Mes parents étaient aux abonnés absents... Bref, j'avais perdu tous mes repères et j'ai accumulé des comportements négatifs, néfastes pour moi et pour les autres.
Aujourd'hui, avec  la mort de Pascal qui a réveillé les souvenirs terribles de la mort de mon frère, je leur en veux à tous les deux. . A Pascal tout d'abord, parce qu'il a réveillé le cauchemar enfoui, parce qu'il a agi en égoïste, parce qu'il a osé faire du mal à mes enfants,  parce qu'il nous a abandonnés, parce que sa mort est violente...
A mon frère, parce qu'il a osé l'insoutenable en ma présence, parce que j'ai toujours vécu les circonstances de sa mort (le fait que je sois seule avec lui et qu'il ait attendu que je sois rentrée pour se suicider) comme une punition, parce qu'il était jeune, beau, intelligent, et qu'il avait toute la vie devant lui, parce qu'il me manque terriblement...

La différence entre hier et aujourd'hui, c'est qu'aujourd'hui, ma colère n'est tournée que vers eux. Elle est forte, envahissante, perturbante. Je n'ai pas envie de dire qu'elle est destructrice parce que je trouve que j'affronte plutôt bien la situation. Je tiens ma force de mes enfants.
Prends bien soin de toi Federico...
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 19 janvier 2018 à 23:41:25
Vee,

Le suicide que tu vis est d'autant plus difficile qu'il laisse penser en effet que sa volonté était de punir, de blesser, de meurtrir...
Ca me fait penser à un fait d'hiver raconté par la journaliste Laurence Ferrari, il y a quelques années. Un père s'était suicidé en se jetant d'un pont avec sa fille de quelques années. Sa volonté première était de punir sa femme qui avait quitté le domicile conjugal suite à la jalousie maladive de son conjoint. En la privant de sa fille, il savait que jamais elle ne l'oublierait LUI !!!
C'est absolument terrifiant ! Machiavélique !

Ceux qui t'ont dit "bienheureuse de ne plus subir cet homme" ne savent pas combien leur absence est envahissante, omniprésente et que cette absence est un véritable poison...

Je ne connais pas grand chose à la législation mais il me semble avoir déjà entendu que l'on ne pouvait pas déshériter totalement ses enfants.

Moi, j'ai trinqué avec des amies à la pension de reversion... Chacun son délire !!! lol

Concernant ton manque d'envie, je la comprends et je pense qu'elle est normale. La fatigue physique, émotionnelle, psychique surtout est forte et coupe l'envie. Tu t'ouvriras à nouveau quand tu te sentiras prête. Moi, je pense qu'en neuf mois, j'ai dû prendre 10 kilos (je ne monte plus sur une balance depuis longtemps mais mes pantalons parlent...). Cette après-midi, j'ai essuyé une réflexion d'une de mes collègues de travail qui m'a asséné que je ne faisais que manger (accessoirement, je travaille aussi...) (je venais de manger un carré de chocolat suite à un coup de stress)... Je m'en fous de leurs réflexions à la con, je préfère manger du chocolat que de prendre des anti-dépresseurs. Je sais bien que je fais du mal à mon corps mais j'ai fait le choix de me sortir du traumatisme du deuil par ma seule volonté et l'aide d'un psy. Mais je n'ai aucune volonté pour résister au chocolat !!! Y'a des batailles qui sont perdues d'avance ! Quand je me sentirais mieux, moins en colère (on y croit !!!), je consulterai pour mon poids. Pour le moment, ce n'est pas ma priorité.

As-tu des ami(e)s qui sont présent(e)s et bienveillant(e)s auprès de toi ?  Si c'est le cas, oses leur demander de l'aide... Moi, j'ai perdu mes meilleures amies dans cette histoire... Mais je suis tout de même un peu entourée et soutenue par des collègues de travail qui depuis le temps qu'on se connaît (19 ans) sont devenues des amies. Je sais que je peux compter sur elles même si je me trouve assez renfermée aussi avec un manque de motivation pour sortir... Ca reviendra pour toi comme pour moi, crois-moi ! Moi qui adorais sortir avant, je me complais à la maison. Je n'ai pas besoin de faire d'effort de maquillage, de toilette... De toute façon, l'image que je renvoie en ce moment est loin d'être glamour... C'est ça la clé, il faut changer l'image que l'on renvoie aux gens ! Se bichonner, se maquiller, se pomponner, se coiffer, faire une coupe et une couleur, aller chez l'esthéticienne...et renvoyer l'image de quelqu'un de sûr, de fort, de beau, de vivant avec de jolies rondeurs... Allez, Vee, je compte sur toi !!!

Je t'envoie toute la douceur dont je suis capable. Je te souhaite de retrouver l'envie, d'être heureuse, d'être en paix...

Muriel.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: souci le 20 janvier 2018 à 13:21:30
   Chers "enragé(e)s",

   Ô  le CHOCOLAT !
   Un peu de douceur voluptueuse dans ce monde brutal ...
   Comme je comprends ...
   Si c'était possible, je ne mangerais QUE du chocolat ... mais même ça c'est pas possible ... je regrossis et je veux pas ... je veux faire tout bien, alors que tout est FOUTU ! Suis-je cinglée !

   La VIOLENCE, ah, celle-là, on peut dire qu'on l'a avalée tout rond tout cru avec le suicide d'un proche ...
   Nous avons été percutés si impitoyablement que nos amortisseurs ont cassé !
   C'est cela que ne peuvent comprendre "les autres" ...
   Nos amortisseurs sont cassés ...
   Alors on fait ce qu'on peut, mais ...

   Fort émue par vos histoires, M.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 22 janvier 2018 à 19:04:17
Bonsoir Souci,

Je te cite : "Si c'était possible, je ne mangerais QUE du chocolat ... mais même ça c'est pas possible ... je regrossis et je veux pas ... je veux faire tout bien, alors que tout est FOUTU ! Suis-je cinglée !"

Enfin quelque chose dans ce cataclysme  que l'on a la possibilité de maitriser ! Son poids ! LOL Moi, j'abandonne, je ne le maîtrise absolument pas et je m'en fous totalement !!! On verra ça à un autre moment ! Quand dans la tête, la tempête se sera calmée !!!

Oui, Souci, en voilà des témoignages qui me parlent !

Je vous envoie toute la douceur  du monde !

Muriel.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 23 janvier 2018 à 18:34:56
Bonbsoir,

Je l'ai souvent dit sur l'autre fil de discussion que ma colère se nourrissait des petites et grandes épreuves que je suis amenée à vivre. Hier, mon p'tit bonhomme d'amour n'a pas pu aller à l'école à cause de maux de ventre (encore...). A 7 heures du matin, j'ai crié !!! Après qui ? Après mon p'tit bonhomme... Après les cris, je me suis sentie la dernière des merdes car il n'y est pour rien mon 'tit cœur. La journée a été éprouvante. Aujourd'hui, il y est allé... Mais pour autant, je me sens tellement minable d'avoir eu ce type de réaction... Ce n'est évidemment pas contre lui que je voulais crier ! D'ailleurs, dans la voiture, après avoir déposé ma fille à l'école, les vitres ont tremblé... Je l'ai déjà dit, je LE maudis... Jamais devant les enfants mais dans ma tête, au cimetière, dans les silences... Ici...

Merci de m'avoir lu...
Courage à tous et toutes...
Muriel.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: emi le 23 janvier 2018 à 22:20:51
Compliqué de s'occuper des enfants quand autant d'émotions nous submergent.
C'est déjà dur d'élever des enfants à deux, ça l'est encore plus seule, alors seule portant un deuil ...
Je m'en veux aussi à chaque fois que j'ai des réactions disproportionnées. Ils ne sont effectivement pour rien dans tout ça ; ils subissent c'est tout. Mais je suis sûre que tu essaies de faire du mieux que tu peux et c'est ça le plus important. Nous ne sommes pas infaillibles, et nous avons malheureusement beaucoup à gérer. Tu es une bonne maman, ça se sent dans tout ce que tu dis. Et même si cette colère te bouffe, tu ne lâche pas, tu te bats. J'espère pouvoir réussir à faire face comme toi.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 25 janvier 2018 à 18:30:18
Emi,

Les moments de révolte sont explosifs mais j'arrive à me ressaisir mais ça reste incroyablement violent. Je sors épuisée de ces moments-là et je me rends bien compte que rien de positif ne ressort de cette violence qu'elle soit intérieure ou pas d'ailleurs. 9 mois hier et aucune acceptation de son geste jusqu'à présent...
Ma fille me disait hier qu'elle me trouvait moins fatiguée et plus présente avec eux. C'est son ressenti mais j'avoue que tous les soirs, je suis ravie de me coucher totalement vidée... Je suis une boulimique de livres et la lecture m'occupe l'esprit, je psychote moins... Mais j'avoue aussi que parfois, je me rends compte que je ne retiens pas ce que j'ai lu car mon esprit est parti vagabonder... Inlassablement, je reprends ma lecture... Je me dis aussi que heureusement que j'ai un dérivatif qui fonctionne car je n'ose imaginer les nuits blanches que certains doivent passer à psychoter...
Bon courage à toutes et tous...
Muriel.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 28 janvier 2018 à 20:54:14
Je voudrais pouvoir justifier mes colères noires (ce soir contre mon petit dernier) en mettant tout sur le dos de Pascal mais si je veux être totalement juste et honnête avec moi-même, il n'est pas entièrement responsable de ces explosions. Bien sûr que parfois, la violence de son acte est le déclencheur de quelque chose de très violent chez moi (pensées ou gestes) mais ce soir, je n'ai juste pas supporté l'opposition avec mon ,petit dernier qui est venu spontanément s'excuser, un peu plus tard, de son irrespect.  Moi qui ait toujours privilégié le dialogue et l'humour, ce soir c'était du grand n'importe quoi. Aucune maîtrise de mes pensées, aucun recul nécessaire pour déminer la situation... J'ai tellement de violence en moi que je mélange tout et les hurlements que je devrais réserver à Pascal, je les assène à mes enfants...
J'ai honte, tellement honte de moi...
Mon psy a encore de beaux jours devant lui...

Muriel.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 01 février 2018 à 17:51:29
Et mon notaire qui m'envoie SA taxe d'habitation... Non mais il rigole lui, j'espère !!! Rien, je ne paierai plus rien !!! Evidemment que je vais être obligée de payer mais j'enrage (une fois de plus !) contre Pascal qui me met dans une situation financière catastrophique !!!! Ras-le-bol ! RAS-LE-BOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOL !!!
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Charlottine le 06 février 2018 à 00:02:06
Bonsoir,

Je souhaitais réagir à votre message sans aucun jugement bien sûr, on ressent ce que l'on ressent et on fait comme on peut avec. Vous m'excuserez, je n'ai pas eu le courage de lire toutes les réponses.
Je ne sais pas si on peut en vouloir à qui que ce soit, à ceux que l'on a perdu ou à ce que l'on peut envisager de faire, et surtout parfois les mots dépassent nos pensées même quand elles sont si noires. J'ai perdu mon papa il y a 6 mois (un fossé énorme). Je ressens pleins de choses à la fois, beaucoup de personnes de mon entourage ont été en colère ça a été leur première réaction. Comment avait-il pu faire ça alors qu'il savait que c'était moi qui allait rentrer et le trouver?
Moi je ne suis pas en colère après lui, je sais combien il était en souffrance, mais ça ne veut pas dire que je ne suis pas en colère bien au contraire, mais contre d'autres personnes à commencer par moi-même d'avoir attendu l'irréparable pour comprendre que sa maladie était au moins aussi grave qu'un cancer. Je pense que chacun gère à sa manière. Les premiers mois, et ça m'arrive encore, je me dis à quoi bon de vivre tout ça, c'est quoi le but ? Le soir quand je me couche mon cerveau imagine le même geste que lui sur moi, et ces images et ce ressenti viennent tous seuls sans que je ne demande rien.
L'autre soir j'ai rêvé de mon père qui me disait qu'il fallait que je lui pardonne, alors moi j'ai envie d'interpréter ça comme un signe de l'au-delà (et pourtant je ne suis pas croyante), peut-être qu'un psy dirait que finalement je lui en veux de façon refoulée. Parfois, mieux vaut ne pas trop se poser de question et prendre les choses comme elles viennent.

Et tes enfants sont-ils en colère eux aussi? Est-ce qu'ils parviennent à en parler avec toi?
Bien à toi.
Charlotte.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 11 février 2018 à 17:05:42
Bonjour Charlotte,

Oui, mon aîné de 19 ans laisse très souvent exploser sa colère. Il va au cimetière, tape dans ce qu'il y trouve... A la maison, il s'enferme et pleure... Il se saoule en soirée.  Il se confie parfois mais pas toujours. Les manifestations sont plus visibles chez mon aîné, ce qui ne veut pas dire que les 2 autres ne souffrent pas. Mon petit dernier somatise et manque souvent l'école à cause de maux de ventre. Ma fille vient souvent se réfugier dans mes bras et se laisse aller à pleurer...
Je recueille tout ça sans rien dire sur l'instant. Mais ma colère se nourrit de tous ces moments difficiles qu'ils sont amenés à ressentir ou à vivre. Et ma colère explose aussi quand la coupe est pleine !!!

La colère peut être en effet ressentie de plusieurs manières et évidemment pas forcément contre le suicidé... Moi, c'est contre lui depuis 9 mois...

Bon courage à tous,

Muriel.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Alma le 16 février 2018 à 10:00:31
Bonjour,

            Bien que mon père se soit suicidé il y a presque vingt-cinq, j'ai encore des réserves de colère pour longtemps. Je pense à Tardi qui dit : " Je trouve plus d'inspiration dans la hargne que la joie de vivre.  La hargne c'est positif à la différence de la haine qui est stérile. " Et  toi, tu as déjà eu à passer par toutes les étapes d'un deuil par suicide : l'identification, la culpabilité, le chagrin, la mise en danger....  Tu dis que rien de positif ne sort de cette colère. Pourtant il me semble qu'elle est pour l'instant une force  vitale. Tu sais que s'effondrer, se détruire, s'en prendre à soi même, fuir les problèmes,  faire des hypothèses ne sont pas des options. Alors tu es une combattante et tu affrontes.  C'est injuste et tu enrages.  Peut-être peux-tu au moins t'autoriser à éprouver de la rage...
             Ce n'est pas la colère qui t'épuise: c'est une souffrance  et une responsabilité au quotidien qui épuiserait n'importe qui. Puis-je suggérer une dernière chose fondée sur mon ressenti et mon vécu? de tous les états qui peuvent être engendrés par un deuil par suicide, c'est à dire un abandon volontaire, la colère, la hargne c'est ce lui qui entrave le moins l'action. Dans tes messages, même lorsque tu t'en veux d'avoir explosé devant tes enfants, même lorsque tu en veux à ton conjoint, ce qui ressort c'est cet amour immense.  Ma mère ne s'est jamais autorisée à exprimer la moindre colère. Etre spectateur d'un parent anéanti d'angoisse et de culpabilité n'est pas la meilleure des sensations pour un enfant. Mais je ne la juge pas, c'était sa manière de réagir, sa manière d'aimer aussi. Et elle a tenu bon au final.
         Nous aimerions tous n'être que paix, amour, acceptation et reconnaissance pour l'amour que nous avons reçu et donné. En attendant, il y a la vie et il faut prendre des décisions et être là.
        J'espère vraiment qu'un jour tu pourras te permettre d'éprouver d'autres émotions. En attendant, je suis très admirative devant tes réactions et ta lucidité. 

Bon courage à ta famille et à toi,

Aurélie

           
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 06 juin 2018 à 22:18:46
Bonsoir à toutes et tous !

Que de longs mois se sont passés depuis ma dernière visite sur ce fil de discussion...
La rage présente en moi s'est apaisée. Je reste en colère contre lui. Mais mes colères sont moins fréquentes, moins violentes surtout... Nous avons déménagé il y a presqu'un mois et nous sommes tous les 4 heureux de ce changement. Il est très bénéfique pour moi. La maison m'apaise. Je ne me réfugie plus au lit, dans le sommeil, dès qu'un coup de blues apparaît, d'ailleurs ici je n'ai pas eu de coup de blues du tout. C'est étonnant le pouvoir d'un changement tel que celui-là. De nouveaux repères, un nouvel environnement, et oui aussi des travaux de rafraîchissement de la maison... Valérie Damidot, sors de ce corps !!! J'ai envie de dire que la colère ressentie contre Pascal est toujours présente mais comme tapie sous un tapis... Elle est là mais tant que je ne soulève pas le tapis, tout va bien. Mes enfants sont souriants, détendus et ne se réfugient plus systématiquement dans leur chambre mais déambulent dans la maison, refont des jeux de société ensemble. Ils ont chacun invité des potes à la maison au gré des week-end et je les vois insouciants à nouveau, joueurs, taquins. Quelle transformation ! Du coup, par effet boomerang, je vais bien. J'ai réussi à obtenir un plein temps à mon travail avec un joli challenge à la clé. Et même si ces heures de travail en plus sont moins confortables (plus question d'aller chercher les enfants à l'école et de rentrer avec eux, là ils se débrouillent tous seuls et prennent le bus), je trouve que je suis plus sereine et encore mieux organisée qu'avant.
Je sens chez mon aîné de 19 ans, qui a signé la semaine dernière les papiers de la succession de son père, de la colère toujours mais elle s'exprime moins à la maison. Il est plus calme. Même si en sortant de chez le notaire, la colère a rejaillit fortement, elle ne s'exprime plus dans la violence de gestes provocateurs de destruction de biens... Elle s'exprime par des mots posés accompagnés de poings serrés malgré tout. Il ne veut toujours pas entendre parler de psy...

Ma puce, 15 ans, est partie 8 jours avec son école à Barcelone au mois d'avril (mois anniversaire de son père et du décès de son papa). J'appréhendais ce voyage surtout car il se passait sur une période sensible et au final,  je la trouve plus sûre d'elle, moins à fleur de peau, plus sereine également. Elle a renoué avec ses amies qu'elle a invitées à dormir à la maison. Il y a encore quelques semaines, elle ne l'aurait pas fait. Elle se sert de l'humour comme défense et peut parfois choquer par des réflexions glauques ou en tout cas très noires mais n'appelle-t-on pas cela de k'humour noir, elle y excelle ! Ça lui permet de mettre de la distance avec sa douleur. Elle est sacrément forte ma puce !

Par contre, chez mon petit dernier, les tics qui dévorent son visage sont selon moi, l'expression d'une très grande fragilité, d'une bataille qu'il se livre à lui-même. L'homéopathe lui a prescrit un traitement pour 3 mois. On verra... Il a invité également des copains à venir dormir à la maison. C'était joyeux et terriblement vivant.

Moi, je les regarde tous les trois et je les trouve formidables de courage. Ils ont toujours été ma force, ils le sont encore et le seront à jamais. Nous n'habitons plus aussi près du cimetière et du coup aucun n'y est retourné depuis plusieurs semaines. J'avoue moi non plus... Pas envie... Plus envie... Plus besoin d'aller y cracher ma colère ????

Voilà, j'avais envie de vous dire qu'après la tempête, le calme revient...

Bon courage à vous, prenez soin de toi...

Muriel.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Bmylove le 07 juin 2018 à 09:48:00
Merci de partager tout ça avec nous, il faut du courage non seulement pour affronter ces émotions, mais aussi pour oser les mettre en mots.
Tu m'aides beaucoup, à travers tes msg. Je chemine.
Je t'embrasse, à très vite.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 07 juin 2018 à 22:17:13
Je crois fermement qu'écrire est une véritable thérapie. En relisant des posts plus anciens, je pleure de toute cette violence qui se déchaînait en moi, de ce mal être. Mais aujourd'hui, je me rends compte du chemin parcouru en 30 ans pour mon frère et en un peu plus d'un an pour le papa de mes enfants. L'écriture m'a incroyablement aidée à sortir toutes cette colère.
Tu y arriveras Bmylove, laisses-toi le temps... C'est très récent te concernant.
J'ai fait des pauses aussi. Je ne suis plus venue sur le forum pendant quelques jours avant d'y revenir puis j'ai espacé de quelques semaines et enfin quelques mois. Je me trouvais égoîste de ne plus être là pour ne serait-ce qu'envoyer un petit mot d'encouragement mais ma tête me disait d'essayer de penser à autre chose. Ces temps de pause sans le forum étaient aussi utiles. Y venir me soulageait également. Il faut trouver son équilibre.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: emi le 08 juin 2018 à 12:11:53
C'est ça, ne pas se forcer. Écrire quand on le peut et surtout quand on le souhaite. Je remarque que pour moi aussi il y des moments où je veux écrire, et d'autres ou je n'en ai pas du tout l'envie au  contraire. Par contre, je continue de venir vous lire quotidiennement, ça c'est encore un besoin quotidien.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 08 juin 2018 à 21:19:01
Oui c'est vrai que moi aussi même si certains soirs je n'ai pas envie d'écrire, je lis très souvent les histoires des autres. Pas du voyeurisme non, juste garder en tête que je ne suis pas toute seule à vivre l'impensable.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 11 juin 2018 à 21:50:59
Un recommandé dans ma boîte aux lettres... Un courrier du Tribunal de Grande Instance... Je n'ai rien compris. Je le relirais demain. Mon cerveau percutera sans doute demain !

Oui demain, ce sera plus doux, moins agressif, moins remuant !


Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Bmylove le 12 juin 2018 à 08:47:16
Sûrement une bonne nouvelle.  ::)
Je suis avec toi de tout coeur pour ce qui ne sera, j'espère, pas grand-chose.

Je me reconnais tellement dans ton histoire que c'en est touchant. Mon mari pensait être un boulet, il le disait. Un suicide qui en rappelle un autre... Mon mari a choisi (oui, c'est le terme) la pendaison pour "tenter comme mon cousin" (ce sont ses mots dans un de ses derniers sms).
Sachant qu'il savait quel traumatisme ça avait été pour moi, et pour ma tante qui a découvert son fils.
Ils ont quoi dans la tête, quand ils font ça ????
Et je me sens quand même coupable, j'envie ta colère des premiers mois.
Je vais lire et relire tes posts pour m'en imprégner.

Bises :P
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 13 juin 2018 à 22:48:00
Oui, la colère quand elle sort est salvatrice... Elle devient poison quand elle ne s'exprime pas. C'est pour cette raison que je voudrais que mon aîné aille consulter mais il refuse. Il me dit que me parler lui suffit. Mais le problème est que je n'ai pas le recul nécessaire et que je refuse d'avoir ce rôle auprès de lui. Je suis sa mère pas sa psy? Il ne peut pas tout me dire alors qu'à un psy, pas de tabou, pas d'interdit... Et d'ailleurs, je ne veux pas entendre les choses qui le rongent, le chagrinent. Qu'est-ce que j'en ferai après ?

Qu'est-ce qu'ils ont dans la tête au moment où ils passent à l'acte ? Mystère...

Que la force soit avec nous, en nous...
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Bmylove le 14 juin 2018 à 08:05:20
Si ton fils ne souhaite pas consulter, c'est qu'il ne se sent pas prêt.
Il est nécessaire que la demande vienne de lui.
Cette demande arrivera peut-être au moment où tu t'y attendras le moins.
A-t-il qqun à qui se confier, à part toi ? Ou un exutoire ? Le sport, la musique ?

S'il dit que te parler lui suffit, c'est déjà très bien. Apparemment, il ne te livre pas de choses qui te dérangent, mais tu crains qu'il le fasse ? Tu sembles poser des limites très claires, il doit savoir qu'il ne peut pas tout te dire.
Mais tu peux le lui redire...
Il y a sinon la possibilité d'une thérapie familiale.  L'objectif est différent, mais cela peut faire émerger une demande de prise en charge individuelle.

Je t'embrasse très fort !
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 14 juin 2018 à 17:45:36
Bonjour Bmylove,

J'ai en fait très peur -non pas d'entendre ce que mon fils aurait à me dire ou voudrait me dire- mais plutôt de ne pas savoir l'aider ou d'être de mauvais conseil. Et que son stress, sa colère, son mal être  dégénèrent et s’amplifient et d'arriver à l'inverse ce que je voudrais qu'il se passe (l'apaisement, l'acceptation, la reconstruction). J'ai très peur d'un risque accru d'une dépression chez lui, même si, il ne montre aucun des signes "visibles" de la dépression. Et pour être totalement honnête, j'ai une peur viscérale qu'il prenne le même chemin que son papa. Je le redis, il n'en montre aucun signe mais mon frère non plus, Pascal non plus ne les ont pas manifesté avant leur suicide... Mon aîné a des agissements parfois inquiétants (alcoolisation, jeux d'argent...) mais pas de baisse de moral flagrante. Alors, évidemment, je l'écoute quand on parle, je le conseille mais je finis toujours par lui rappeler qu'il a la possibilité de consulter...
Douce soirée,

Muriel.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Bmylove le 14 juin 2018 à 18:28:26
C'est bien normal que tu aies peur.
C'est pour les raisons que tu évoques  que la thérapie familiale peut avoir du sens :  explorer les problématiques transgénérationnelles et les mythes familiaux.
Et éventuellement pour que chacun,  s'il le souhaite et comme il le souhaite, puisse exprimer ses souffrances ou son besoin d'être aidé.

Je te souhaite une très douce soirée, je t'embrasse.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: emi le 14 juin 2018 à 22:36:02
Et pour être totalement honnête, j'ai une peur viscérale qu'il prenne le même chemin que son papa. 

Cette peur je la connais ! Trop peur que ça se reproduise...
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Bmylove le 15 juin 2018 à 07:00:02
Je ressens aussi cette peur. Elle me taraude même de plus en plus.
Elle est normale, je pense, étant donné ce que nous traversons.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 15 juin 2018 à 22:51:39
C'est une peur induite à l'origine par le suicide de mon frère et réveillée par le décès de Pascal . J'adorais mon frère. Il était un super grand frère pour moi. Il était tellement vivant, tellement souriant, tellement beau. Je n'ai rien vu, je ne suis pas la seule à n'avoir rien vu - ses deux meilleurs amis n'ont rien vu non plus. Je n'ai pas de culpabilité sur le fait de ne rien avoir vu. J'en ai pour ne pas avoir compris qu'il allait passer à l'acte. J'ai vu la boîte à fusil en-dessous de la table basse du bureau de mon père. J'ai vu la cartouche sortie du paquet posé sur cette table. Et je ne me suis même pas posée de questions. Je ne lui ai pas posé une seule question sur le fusil, la boîte de cartouches. Je lui ai juste demandé ce qu'il faisait là (sous-entendu à la maison, puisqu'il était 1/2 pensionnaire et qu'il ne déjeunait pas à la maison d'ordinaire)... Par contre, quand j'ai entendu le bruit de la détonation, j'ai revu la cartouche, le fusil... Trop tard... Et là, j'ai été envahie par la culpabilité. J'aurais dû... J'aurais pu lui parler... Pardon Frédéric, j'aurais dû. Tu me manques tellement, je t'aime. Oh que tu me manques depuis 30 ans ! Tu m'aurais rassurée, tu m'aurais chambrée, tu m'aurais épaulée... Je t'aime.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Bmylove le 16 juin 2018 à 09:06:53
J'ai envie de citer J.D. Nasio :
"Ce qui fait mal, ce n’est pas de se séparer mais de s’attacher plus fort que jamais à l’objet perdu… (Il ajoute) si avec cette thèse à l’esprit vous écoutez un sujet endeuillé qui vous parle de la douleur qui l’étreint depuis la perte d’un être cher, vous serez sans doute étonné. Etonné de sentir que sa douleur n’est pas tant de ne plus avoir près de soi l’être aimé, mais de l’avoir présent, plus présent que jamais ».

C'est la plus belle preuve d'amour que de ne pas l'oublier.

Je t'embrasse très fort.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Bmylove le 16 juin 2018 à 12:59:15
Ton état d'esprit au moment du suicide de ton frère, la dissociation et la sidération, je les ai vécus à l'identique.
Impossible aussi pour moi, malgré tous les signes, de comprendre qu'il passait à l'acte.
Notre esprit se protège dans ces moments effroyables, parce que même si on ne réagit pas, on sent qu'il y a qq chose de bizarre et de terrifiant.  C'est une question de survie psychique, tout simplement.
Tu ne pouvais pas comprendre que l'impensable allait se produire, comment aurais-tu pu ?
Tout était étrange, hors réalité, d'après ce que tu évoques. Un peu comme dans un cauchemar.
Il n'a pas cherché à te parler, ma belle, il était déjà un peu parti, rien ne dit qu'il t'aurait répondu.
Lors de certaines de ses TS, les plus graves, mon mari semblait dans un état second, il ne percevait plus rien de la réalité et agissait comme un automate. Il ne gardait aucun souvenir, par la suite, de ce que je lui décrivais.
Il est probable que ce soit le cas de beaucoup de personnes qui mettent fin à leurs jours, d'après ce que j'ai pu lire.

J'ai beaucoup de peine pour toi, je te serre très fort dans mes bras...
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 16 juin 2018 à 21:26:14
Oui Bmylove, la dissociation  et la sidération, c'est bien ça. Un truc qui ne peut s'expliquer que si on l'a vécu !
Ma mère m'a dit après le suicide de mon frère que si j'avais compris son geste et essayé de l'en empêcher, il aurait pu s'en prendre à moi. Je sais qu'elle me l'a dit pour que je ne regrette pas de ne pas l'avoir fait mais je sais que mon frère, jamais ne m'aurait fait de mal, non jamais. Bien sûr, il m'en a fait en se suicidant mais il n'aurait jamais atteint à mon intégrité physique.
Il était tellement doux avec moi, attentif...
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Bmylove le 17 juin 2018 à 04:06:36
Mes proches m'ont dit la même chose : il aurait pu s'en prendre à moi.
Ils ne sont plus vraiment eux-mêmes, quand ils en arrivent à se tuer.
Bruno était le plus gentil des maris, et pourtant...
Soyons heureuses d'être en vie. Ou pas, je ne sais pas.
Mais en tous cas nous avons survécu à l'horreur. Ce n'est pas rien.

Il en faut, de la force, pour ne pas être anéanti dans ces situations extrêmes.

Des warriors et des survivors, voilà ce que nous sommes.
Titre: Re : Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 19 juin 2018 à 21:33:05
Des warriors et des survivors, voilà ce que nous sommes.
Oui, c'est ça, tout à fait ça, des battantes, des gagneuses ! Courage à nous ! Et Bravo nous ! On va y arriver parce qu'on est fortes !!!
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Bmylove le 20 juin 2018 à 08:11:41
Je t'envoie plein de belles choses pour cette journée. :-*
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Bmylove le 14 juillet 2018 à 09:01:46
Un petit coucou en passant, j'espère que tu vas bien ?
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Denpaolig le 14 juillet 2018 à 14:34:53
Oui Bmylove, je vais aussi bien que possible. Je vis les choses positives qui me tombent dessus ou que je provoque, avec intensité et délectation.  Bien sûr, les moments "down" sont toujours difficiles à accepter et à gérer mais je me sens de plus en plus forte actuellement.

Et toi, comment vas-tu ? J'ai lu pour ton déménagement... Une nouvelle étape... Pas facile...

Je t'embrasse fort et en même temps avec toute la douceur dont je suis capable...

Muriel.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Bmylove le 14 juillet 2018 à 15:32:37
Aujourd'hui, ça peut aller.
Un moment de répit.
Je fais le plein de forces pour la prochaine tempête.

Bises
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: mike67 le 28 août 2018 à 09:28:05
Bonjour,

Je me suis permis de lire ton fil et les deux drames auxquels tu as du faire face.
J'ai perdu mon compagnon qui s'est donné la mort, quelques jours après l'avoir quitté.

Ce qui m'interpelle, c'est que contrairement à toi, je n'éprouve aucune colère et je n'éprouverai jamais aucune colère à son égard.

Dans ton cas bien évidemment c'est différent, car tu avait déjà eu la douleur de perdre ton frère et il te laisse seule avec tes enfants.

De mon côté, la colère je l'ai plutot retourné contre moi principalement, et plus indirectement contre sa famille, ou plutôt contre son passé sur lequel je n'ai aucune prise.

Le processus de deuil est très personnel et je ne pense pas qu'il faille nécessairement passer par le sentiment de colère pour que le deuil se fasse. La tristesse, l'expression du manque, les larmes, les regrets, les souvenirs font aussi parti du processus.
Il est bon aussi d'aller doucement vers l'appaisement, pour soit, mais aussi pour le proche qu'on a perdu.
Je pense qu'il ne faut pas oublier que dans ces drames terribles, la première victime est le suicidé.
Dans ton histoire d'ailleurs, tu  faits bien la distinction entre ton frère pour lequel apparemment tu n'éprouves pas de colère, mais surtout des regrets.

J'espère ne pas avoir été maladroit dans mes propos.
Disons que je m'interroge beacoup sur le fait que de mon coté, la colère ne parvient pas à sortir.

Bon courage à toi
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: emi le 30 août 2018 à 08:11:21
Mike, la colère peut arriver plus tard.
Je n'étais pas du tout en colère contre lui au départ et  j'étais plutôt choquée par les gens qui l'étaient et me disaient qu'il n'aurait pas dû nous laisser. Et là après 9 mois et demi, elle s'installe tout doucement. Elle n'est pas forte, elle est très légère, à l'inverse de celle que j'éprouve contre ses parents mais elle est tout de même là. Comme je l'ai mis dans mon fil, c'est dur à accepter car je sais très bien que ça ne pouvait pas être lui à ce moment là, mais je ne peux pas et ne veux pas faire comme si je ne ressentais rien. On a tous des émotions et il faut les accepter afin de se sentir bien.
Tout ça pour te dire que ça viendra peut-être.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: emi le 30 août 2018 à 08:12:55
Muriel, je suis contente de voir que tu profites des bons moments et que tu vas mieux. Tu es une super maman et une femme remarquable, tu mérites le bonheur !
Titre: Re : Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: mike67 le 30 août 2018 à 09:00:03
Mike, la colère peut arriver plus tard.
Tout ça pour te dire que ça viendra peut-être.

Merci EMI,
notre histoire est différente car ton conjoint luttait contre une très grande souffrance.
Dans mon cas, mon compagnon a mis fin à ses jours du fait de l'immense tristesse que la rupture a généré. Il m'aimait à l'infini. Et c'est très douloureux à vivre. Jamais je ne pourrais donc éprouver de la colère contre lui.
Titre: Re : Une rage difficilement contenue
Posté par: Bmylove le 30 août 2018 à 10:20:00
La colère, j'ai les 2 pieds dedans aujourd'hui.
Elle arrive par vagues chez moi. Et là, elle se pointe méchamment.

Je lui en veux de m'avoir retenue prisonnière par son chantage immonde.
Je lui en veux de m'avoir trahie et de n'avoir rien assumé comme d'habitude.
Et puis d'avoir potentiellement bousillé la vie de nos enfants, voire des générations futures.
Il savait qu'on souffrirait, on en avait parlé.
Mais il pensait qu'on serait mieux sans lui. Pauvre Caliméro.
Je lui en veux d'avoir joué la victime toute sa vie, de m'avoir fait culpabiliser à un point tel que c'est maintenant inscrit dans mes gènes.
Et de m'avoir mêlée à son geste abominable, de m'avoir contrainte à le décrocher. Envie de vomir.

Il m' a fait mal, très mal. Il m'a presque détruite. Presque rendue folle.
Il m'a montré que je n'étais pas une femme désirable. Il m'a humiliée et rabaissée.
Pourquoi je l'aime encore ? Parce qu'il n'a été comme ça que les 2 derniers mois.
J'aime l'homme qu'il a été avant. Avant que je découvre le pot aux roses.

C'est épuisant d'aimer et détester en même temps.