Bonjour Lapuce
je viens de lire tous tes messages et la première chose que je veux te dire, c'est que je te comprends et que je suis de tout coeur avec toi.
Tu demandes comment ont réagi famille et belle famille quand un être cher a disparu dans les conditions horribles que nous connaissons ici.
Chaque cas est différent, je crois.
Personnellement , je n'ai pas eu un seul mot ; pas un ... ni du côté de ma propre famille, ni du côté de la famille de mon fils disparu.
Il a donc fallu que je réagisse seule ; je n'étais pas en France mais à l'étranger et j'ai reçu un appel de la police de Rennes. C'était trop tard le soir pour que je la rappelle. J'ai donc appelé mon ex mari, me doutant qu'une chose grave venait d'arriver et c'est lui qui m'a appris sans ménagement que notre fils venait de décéder en se jetant du 5ème étage.
Il ne voyait plus son fils ; je ne pouvais donc pas échanger avec lui.
Je croyais mon enfant à l'abri, puisqu'il était hospitalisé ; J'avais d'excellents rapports avec lui ; je le savais mal, mais entre de bonnes mains, croyais-je ! quand il pouvait sortir trois heures par semaine, j'avais trouvé une association durant mon absence ; un éducateur le prenait en charge. J'étais rassurée ; j'avais tort.
Paradoxalement, c'est le fait de me retrouver seule qui m'a permis de ne pas craquer. Il fallait que je fasse appel à tout ce qui me restait d'énergie pour continuer à vivre. Et je voulais vivre dignement. J'ai donc mobilisé toutes mes forces ; je me suis interrogé ... en quoi est-ce que je crois vraiment ? Il a fallu que je fasse un véritable bilan ; que je creuse en moi très profondément pour me sonder, pour mieux me connaître et comprendre ce qui me motivait, ce en quoi je croyais sincèrement. Plus de faux fuyant, plus d'à peu près , plus de faux semblant ; il me fallait ... être, tout simplement ; pour assumer cette épreuve ô combien cruelle et inacceptable quelque part !
Il a fallu que je compte sur moi-même et tout en moi s'est mobilisé pour cela.
Mon fils m'avait laissé un journal dans lequel il disait qu'il m'aimait ; comme pour toi, Lapuce, l'amour de ta vie t'a dit ou t'a laissé une lettre dans laquelle lui aussi exprimait tout l'amour qu'il avait pour toi et pour vos enfants.
C'est important cela ; ça m'a aidée ... je ne me suis pas sentie coupable et toi non plus tu ne l'es pas ; en général, personne ne devrait se sentir coupable d'un suicide, d'ailleurs, sauf cas exceptionnel.
J'ai vu une association qui me permettait d'être écoutée ; cela m'a soutenue aussi d'entendre d'autres personnes endeuillées exprimer leurs ressentis. On se sent moins seule quand on sait que d'autres personnes partagent nos souffrances.
J'ai vu un psy aussi, une seule fois ... il m'a dit que mon fils avait vécu sa vie .... rien ne pouvait aller contre cela, selon lui et ça m'a aussi fait réfléchir. J'ai accepté alors le départ de ce fils unique.
Que te dire ? N'attends pas trop de la famille ; elle aussi est souvent très désorientée et se sent maladroite, gênée, elle ne sait pas comment se comporter ... ce n'est pas de la méchanceté ni de la mauvaise volonté, non ; c'est une certaine impuissance face à ce qui nous dépasse. La mort et surtout la mort brutale, le suicide, incommode ; oui, ça fait peur et ça paralyse les gens quelque part ; ils ne savent pas comment se comporter face à cela ! Il ne faut pas leur en vouloir.
Tu as tes enfants ; quelle chance ! ils ont besoin de toi, de sentir que tu es là, que tu les aimes et les protèges. Tu as, rien que par eux, un sens à donner à ta vie ... ils t'aideront ; grâce à eux qui vont grandir, apprendre, enregistrer plein de choses, évoluer, se transformer, tu te sentiras utile, aimée et tout l'amour que tu leur apporteras te sera rendu mille et mille fois.
Je sais, cela paraît facile de dire cela aujourd'hui quand la souffrance est encore si cuisante, si dure à supporter ; mais petit à petit, si tu crois en ce que tu fais ; si tu penses à l'amour de ta vie comme à une étoile qui te guide et t'épaule quand c'est trop dur ; tu verras ta vie progressivement va changer. Elle va prendre plus de poids et ce qui compte réellement aussi ; les choses superficielles vont peu à peu s'émousser, disparaître pour laisser la place à l'essentiel. Tu seras fière de toi et ton enfants aussi ... quelque part l'amour de ta vie, également, bien sûr.
Courage, Lapuce, tu n'es pas seule ; je suis certaine aujourd'hui que si nous demandons de l'aide, intérieurement, nous recevons du soutien ; je l'ai expérimenté et continue à le faire. Par la pensée, je t'envoie plein d'ondes d'amour et de lumière. Prends soin de toi ; sois douce avec toi ; accorde toi la paix intérieurement ; tu verras, c'est possible.
Bonne soirée Lapuce
Yuna