Bonjour Marjo,
Il y a bien longtemps que je ne suis plus venu sur ce site. Mais j'y suis tellement venu auparavant, j'y trouvais le moyen d'écrire ce que personne autour de moi ne pouvait comprendre, partager et être aidé de personnes qui se trouvaient dans le même torrent de douleur que moi.
Dans ma phase de reconstruction, j'ai éprouvé le besoin de trouver une autre voie pour me raccrocher à la vie.
J'avais envie de t'écrire (je m'autorise le tutoiement) car le drame que tu vis es tout récent et que tu demandes de l'aide.
Après la mort de mon compagnon, si cela peut être un conseil, j'ai fait totalement abstraction et fuit toutes les personnes dont les propos ou l'attitude me dérangeaient, qu'elles soient animées par de la bienveillance maladroite ou de la bêtise.
Faire le vide des ondes négatives autour de toi (combien de fois j'ai quitté un repas, une discussion, parce que je me sentais simplement mal, pas disposé à écouter qui que ce soit... et le faire sans avoir à se justifier : soit les personnes sont intelligentes et respectent les évidences, soit c'est hors de leur portée et on ne peut rien pour elles).
C'est de la survie, peut être protéger les très proches qui sont dans la même détresse que toi... et c'est tout!
Ma stratégie : l'évitement, fermer la porte pour se protéger et ne pas laisser de prise aux interventions inappropriées, sans avoir à s'expliquer. Le suicide sollicite déja durement notre cerveau... pas la peine de lui en rajouter, inutile de chercher à se battre, faire simplement bloc.
Le suicide est un acte très dur à encaisser.
Je trouve beau le fait que tu sois reconnaissante envers ton frère pour les précautions qu'il a prise, ne pas éprouver de colère ou ne pas éprouver de reproche à son égard est quelque chose de bien. Tu éprouveras certainement de la colère, de la rage, plus tard, pour le geste, mais pas forcément pour lui.
Le suicide est un acte difficile, terriblement culpabilisant pour l'entourage proche et moins proche, une caisse de raisonnance qui peut se répercuter à l'infini : la colère, les phrases maladroites, les agressions verbales, sont aussi un moyen, il me semble, d"ejecter" la colère hors de soi, en l'adressant aux autres. Et dans cet exutoire, les proches du défunt sont malheureusement en première ligne.
Il est important de ne pas entretenir cette colère en retour, afin de faire en sorte qu'elle ne s'alimente pas inutilement. Face à cet acte, on éprouve tous de la colère sans savoir forcément contre qui ou vers quoi l'orienter (vers la personne perdue qui est sont propre meurtrier, contre sa famille, ses amis, ses collègues, contre l'acte en lui-même, contre la société, contre le corps médical qui n'a pas vu, contre ses enfants, contre l'injustice etc...la machine tourne en boucle, jusqu'à l'infini).
Je te dirais de te donner du temps pour toi, tout simplement.
Cela fait presque 4 ans pour moi. La vie a repris son cours, je vais bien. Je profite surtout énormément des amis, des moments de partage. Il y a toujours des moments d'émotions, de peine, mais ils sont plus rares (merci à la psy ;-)).
Je te dis cela pour te rassurer, te montrer que tu oublieras, mais pas la personne partie. C'est la plus grosse difficulté : ne pas se laisser absorber par le drame, le mettre de côté, et cultiver, de manière apaisée, la mémoire de ton frère, parvenir à extraire sa propre personnalité de ce "foutoir de souffrance", de manière à cultiver un beau souvenir de lui, de faire en sorte qu'il continue d'exister, sans que sa vie et tout ce qu'il a apporté ne se limite à cette fin tragique. Cela viendra avec le temps.