Bonsoir Christine,
L'alcoolisme est malheureusement un sujet tabou et honteux en France. Pourtant une centaine de personnes meurent chaque jour à cause de l'alcool. Même en faisant tout ce qu'on peut on ne peut pas faire à la place de l'autre...On ne peut pas toujours être derrière l'autre...Oui on peut s'en sortir mais combien s'en sortent vraiment
Evidemment que le suicide est un faux choix, si ils avaient pu vivre autrement, sans cette maladie, parce que c'en est une, ils l'auraient fait. C'est une addiction qui aliène tellement. En voyant mon ami en manque bien des fois, j'ai compris...J'ai tout fait pour l'empêcher de boire, je lui ai parlé des heures durant, rassuré, calmé ses angoisses, je l'ai accompagné chez des médecins, en cure, j'ai gueulé, je l'ai secoué, je lui ai même pendant toute une semaine caché ses chaussures (c'était ce qu'on appelle un sevrage forcé), petit à petit, je le voyais reprendre ses esprits jusqu'a la prochaine rechute...
Je ne sais pas si le geste de votre fils était réfléchi ou non...un choix ou non mais ce qui est sur c'est qu'à ce moment là il a du penser que c'était le mieux à faire. Se libérer. Et n'en doutez pas il est libéré. Je pense qu'il est vraiment important de ne pas être trop cartésien, de ne pas penser que la mort est une fin. Et il est, aussi je crois, important, de penser à l'autre de manière positive. Même si ça peut sembler absurde, se dire qu'il est mieux, qu'il est libéré de ses souffrances et qu'il va poursuivre son chemin...ailleurs.
Je suis entrain de lire un bouquin très interressant de Christophe Fauré "Après le suicide d'un proche : vivre le deuil et se reconstruire" Je vous le conseille...
Il y a quelque chose qui m'interpelle dans votre récit, c'est lorsque vous dites que vous l'avez eu la veille au téléphone et que vous n'avez pas su entendre son mal-être...Christine, j'ai aussi eu mon ami au téléphone, je savais que ça pourrait arriver un jour mais rien ne laissait présager que ça allait être maintenant. C'est bizarre mais pendant toute une semaine après le départ de Vincent, j'ai eu envie d'en finir, je n'avais jamais eu d'idées suicidaires avant cela. Chaque journée était un combat, j'y pensais mais ça n'occupait pas mon esprit 24/24 c'était comme des moments ou tout semblait insurmontable, et à ce moment là je me disais c'est le moment et à chaque fois quelque chose m'en a empêché, quelque chose de bête, genre mon chien qui se fait la mal' et qui faut que je récupère. C'est comme un moment de folie. Pendant cette fameuse semaine, la seule chose qui me faisait du bien, la seule idée c'était de me voir sauter d'un pont, c'est bête mais du coup j'ai compris que pour lui, pour eux c'était certes du désespoir mais aussi l'idée que la souffrance ne serait plus là. Dans ces moments, la seule chose qui m'a retenu n'a été ni mes parents, ni mes amies que j'aime pourtant infiniment, la seule personne qui m'a retenu ça a été mon chien bizarrement. Ce n'est pas que l'amour que vous lui portiez et qu'il vous portait n'était pas "assez" c'est juste qu'on est seul face à sa mort et face à sa vie. On est les seul à pouvoir se retenir.
Je me doute qu'en tant que maman, vous devez vous demander ce que vous avez "loupé" mais il y a le libre arbitre...Et effectivement à ce moment il a choisi d'arrêter son chemin ici. IL faudra du temps pour lui pardonner, et pour vous pardonner. Je ne pense pas que vous ayez loupé quoi que ce soit Christine...Je pense que l'alcool est une putain de merde (excusez moi l'expression).
Vous l'avez aimé, écouté, aidé. J'aurais tant aimé que Vincent est une mère comme vous. On croit toujours qu'on aurait PU faire plus mais on a fait ce qu'on a pu.
Ce soir toutes mes pensées vont vers vous.
Je vous embrasse.
Julie