Auteur Sujet: Papa, 9 ans déjà que tu as emporté une partie de mon coeur avec toi.  (Lu 5964 fois)

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pequenalunaverde

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C'est comme si c'était hier, je me rappelle de maman et mon frère qui m'attendaient devant la gare en fin de journée, par un bel après-midi enneigé d'hiver. Je me rappelle de cette sensation étrange, que font-ils là à m'attendre? Mon frère me sert dans ses bras, pour la toute première fois de sa vie.. Maman me dit : Papa a eu un accident...
A ce moment-là je ne comprends pas, je pense à un accident en voiture, les routes étant enneigées, ce n'est pas grave, pourquoi toute la famille est si calme, nous irons voir papa à l'hôpital...
Nous nous dirigeons ensuite vers la voiture...durant le trajet du retour, personne ne parle de papa,  parle de banalités…
Nous arrivons à la maison, je suis presque soulagée de sortir de ce vase clos au silence qui me glace le sang... Arrivée dans le salon, toute la famille est là, les grands-parents, les tantes et oncles, les cousins... Le salon paraît à présent si petit et l'ambiance est pesante, si loin des réunions familiales chaleureuse habituelles.
On me dit de m’asseoir. Je n’ai pas envie de m’asseoir, je veux juste savoir… Maman me dit «  papa a eu un accident…il….est mort, il s’est suicidé ».
Et là, toute la famille réunit me regarde, le visage absent et le regard vide…Les mots sont arrivés jusqu’à mon esprit mais je n’en déchiffre par le sens. Tout s’enchaîne, je me sens emportée dans un tourbillon. Le téléphone n’arrête pas de sonner, les gens disent qu’ils pensent à nous.
Maman me dit qu’il a laissé une lettre pour nous, que si je veux la voir elle pourra me la montrer plus tard. J’attends que toute la famille soit partie, et là seule je prends cette lettre avec délicatesse. Et là, j’ai l’impression d’accéder aux secrets de ton âme. J’avais vécu 18 ans à côté de toi sans comprendre qui tu étais réellement et que saignais en silence. Comme tu l’avais toujours fait, tu prenais soin de nous, en t’excusant de ton geste qui allait nous faire souffrir. Tu voulais tellement nous préserver que tu as préféré disparaître en silence loin dans la maison, dans une chambre d’hôtel paisible à la campagne. Tu t’es endormi seul dans la nuit, toute en douceur, comme à ton habitude. Tu ne voulais pas que nous assistions à cela, alors dans ta lettre tu avais demandé aux policiers de prévenir en tout premier ton frère afin qu’il vienne constater le décès.
Tu as dit dans ta lettre que tu « préférais disparaître plutôt que de faire semblant de vivre ». Je pense très souvent à cette phrase dans ma vie, essayant de l’utiliser comme motivation pour aller toujours à l’essentiel, sans faux semblant.
Soudain, je repense au jour précédent sa mort. J’étais assise dans la cuisine, à réviser des cours d’allemands pour le bac.. Papa, tu essayais d’engager la conversation avec moi, mais moi je t’ignorais, car j’avais ce test d’allemand important le lendemain. Tu voulais sans doute me dire au revoir, et moi je n’ai pas compris, je n’ai pas vu ta détresse. Pendant de longues minutes j’étais en face de toi,  sans te voir, sans me douter une seule seconde que cela serait mes dernières paroles avec toi. Je repense souvent à ces dernières minutes passées avec toi, durant lesquelles ce fichu bouquin d’allemand  que je déteste à présent me préoccupait plus que toi.J’aurais tellement voulu échanger plus avec toi durant des quelques minutes, si j’avais su je t’aurais serrée dans mes bras pour ne plus jamais te lâcher. Ensuite, tu t’es levé, tu es allé te préparer car tu devais partir soit disant 2 jours en déplacement pour le travail. Sauf que ce déplacement pour le travail était en fait un aller simple pour le ciel. Tu as ensuite dit chacun des 3 prénoms de tes enfants suivi de «  au revoir » puis tu as serré fort maman et a dit «  On se voit jeudi » avec un grand sourire. Sauf que cela fait 9 ans et plus de 430 jeudis et tu n’es toujours pas rentré.

Quelques jours plus tard, on reçoit ton urne et je ne réalise pas que tout ce qui reste de toi se trouve dans cette petite boîte...A présent, il faut aller rependre tes cendres là où tu le souhaitait. Et soudain, dans un sursaut, lorsque je vois la poussière blanche s'envoler, je m'effondre, j'étouffe, je n'arrive plus à respirer... Je réalise que cette poussière blanche c'est toi,on est si peu de choses finalement...Hier tu me tenais dans tes bras, aujourd'hui tu t'es transformé en un nuage de poussière, ça fait mal, très mal.


Papa, tu me manques tellement, depuis que tu n’es plus là j’ai l’impression de naviguer entre deux mondes : entre Ciel et Terre. Un grand nombre de fois, j’ai cru t’apercevoir dans la rue, alors j’ai couru à en perdre haleine ! Mais ce n’était pas toi, juste un homme qui te ressemblait. Et à chaque fois ce sursaut de conscience : cela ne peut pas être toi, tu es mort. Chaque fois que je vois des enfants complices avec leur père dans la rue, j’ai mal au ventre, je les envie tellement. Et à contrario, lorsque je rencontre des gens qui ont de mauvaises relations avec leur père je leur en veux : comment pouvez-vous rester fâché avec votre père, il est là juste à côté de vous, vous pouvez faire un pas dans sa direction !

« Il est des évènements qui sortent tout le reste de nos pensées. Certaines circonstances qui nous stoppent net dans notre lancée. Il est de ces réalités qu’on n’était pas prêts à recevoir. Je n’ai pas les mots pour exprimer la puissance de la douleur" ( Grands Corps Malade)

Orchidée

  • Invité
Re : Papa, 9 ans déjà que tu as emporté une partie de mon coeur avec toi.
« Réponse #1 le: 16 janvier 2014 à 07:54:56 »
Bonjour,
Je viens de lire ton histoire, je suis très émue. C'est très dure de perdre un être cher et encore plus dans ces circonstances. C'est vrai qu'après un drame comme celui là, nous sommes différents, comme tu le dis si bien "tu as emporté une partie de mon coeur avec toi", c'est tout à fait çà. Moi j'ai perdu mon fils le 27 Mai 2012, il s'est suicidé aussi.
Je pense très fort à toi et aux êtres chers qui nous manquent et nous manqueront jusqu'à la fin de nos jours.
J'aime aussi les paroles de "Grands Corps Malade", tellement vrai.

Amicalement,
Orchidée

galaad

  • Invité
Re : Papa, 9 ans déjà que tu as emporté une partie de mon coeur avec toi.
« Réponse #2 le: 16 janvier 2014 à 16:16:36 »
bonjour Lucia, quand tu dis qu'il faut profiter de chaque minute de vie comme si c'était la dernière tu as totalement raison. On sait vriament pas ce qui peut nous tomber sur la tête. IL y a à peu près un an, c'était en février 2013 je me promenais vers la faculté de Censier dans le 5 èm arrondissement à Paris et je croise une femme, belle, jeune à qui il manquait un bras mais ce qui était le plus bouleversant c'est qu'elle avait un pansement au dessus du coude, elle semblait être comme dans le coltar, les yeux fixés sur l'horizon. Bon ,voilà désolé pour ce message peut être un peu déplacé mais c'est vrai, on ne sait jamais ce qui peut nous tomber dessus. Bonne journée hivernale.
Galaad

angel78

  • Invité
Bonjour,
Que votre message est beau j en pleure. Vous parlez de votre papa avec tellement d amour.
Et cela fait 9 ans que tu l as perdu et vous sent encore pas bien moi cela fait "que" deux ans et 2 mois j espère ne pas souffrir aussi longtemps.
Votre message ma vraiment ému .
Je vous embrasse.
Angel