Auteur Sujet: mort de mon père quand j'avais cinq ans et suicide de ma femme  (Lu 1041970 fois)

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mort de mon père quand j'avais cinq ans et suicide de ma femme
« le: 22 décembre 2014 à 13:59:56 »
En ces jours de fêtes, je vais essayer de communiquer sur ce forum. La souffrance est très lourde par moments. Je vis à 56 ans les séquelles de deux deuils très difficiles à supporter. La mort de mon père (provoquée par la négligence de son administration) quand j'avais presque 4 ans, ce qui a entrainé, après une enfance très difficile, des attaques de panique quand j'avais 19 ans. J'ai rencontré une femme qui elle souffrait d'avoir été violée à 14 ans et laissé un enfant à l'adoption à 15 ans. Nous avons essayé d'apaiser nos souffrances mutuellement, mais cela n'a pas marché du tout parce que cela s'est terminé par son suicide à 42 ans.
J'essaie pour mes enfants de montrer bonne figure, mais parfois je craque et je n'ai plus envie de vivre. J'ai l'impression d'être dans un tunnel dont je ne me sortirai jamais. Ma femme avait décidé de me quitter quelques mois avant son suicide, et je lui avais dit "tu vois, tu vas sortir du tunnel" elle m'a répondu "tu parles".
« Modifié: 07 mars 2019 à 02:05:24 par assiniboine »

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Re : mort de mon père quand j'avais cinq ans et suicide de ma femme
« Réponse #1 le: 22 décembre 2014 à 14:02:46 »
Pardon de ne pas vous avoir dit bonjour.

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Re : mort de mon père quand j'avais cinq ans et suicide de ma femme
« Réponse #2 le: 22 décembre 2014 à 14:26:56 »
Bonjour (mais ici on n'a que faire des conventions, l'important est de partager nos mots et nos maux),
Est-ce récent le suicide de ta femme ? Est-ce cela qui a déclenché tout ce trop plein ?
Nous comprenons ici que c'est difficile tout cela...
Alors nous te souhaitons beaucoup de courage, accroche toi du mieux possible à tes enfants.
Douces pensées.

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Re : mort de mon père quand j'avais cinq ans et suicide de ma femme
« Réponse #3 le: 22 décembre 2014 à 14:44:11 »
Merci pour ton message Delphinita,
Le suicide de ma femme date de 2002. Je suis passé par toutes sortes de phases difficiles. Je me suis replié sur moi même pendant une dizaine d'années. Et j'essaie de me reconstruire maintenant. Mais ce n'est pas facile. J'ai coupé les ponts avec mes quelques amis et je me retrouve bien seul maintenant, mais j'ai mes deux enfants.
Depuis deux ans, j'ai repris un travail à mi temps, pour me resocialiser mais c'est assez difficile. Malgré la fatigue de reprendre les relations sociales et de me concentrer sur des tâches plutôt que de ressasser mon passé. En dehors du boulot, je ne sors pas, sinon promener mes chiens.
J'ai de gros moments de cafard oû j'ai envie de partager avec des personnes ayant subi aussi des deuils difficiles.

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Re : mort de mon père quand j'avais cinq ans et suicide de ma femme
« Réponse #4 le: 28 décembre 2014 à 16:49:55 »
Mon père est mort à cause d'une négligence de son administration. C'est quelque chose que j'ai du mal à avaler.
De plus ma mère n'a pas voulu voir un thérapeute et notre enfance a été bien difficile pour mon frère, ma soeur et moi.
Un seul exemple, ma mère ne voulait pas fêter Noei; pas de cadeaux, parce que mon père était mort en décembre.
Mon frère était violent, sa façon de réagir à la mort de son papa et au comportement de sa maman. Presque tous les soirs c'étaient de grosses disputes à table et j'allais pleurer sur mon lit et seul mon chien venait me consoler. D'après ma famille, je n'ai pas souffert de la mort de mon père. On m'a caché son départ, et cela a dû remuer le petit cerveau de l'enfant que j'étais.
Ce traumatisme a eu lieu si jeune, sans personne pour me soutenir, et j'ai developpé une grave anxiété dont je n'arrive pas à me débarrasser. 27 ans d'anxiolytiques n'ont bien entendu servi à rien et depuis quelques temps je me suis mis à la méditation.
J'espère que la resocialisation au travail va me permettre d'échanger à nouveau, ce qui est déjà un peu le cas.
Mais en dehors du travail, pas réussi à reprendre contact avec mes anciens amis. Je me sens malheureusement tellement différent des autres, tellement fragile, tellement compliqué.
 Le suicide de ma femme m'a tellement ébranlé psychiquement. Pendant une dizaines d'années à ruminer sur les raisons de son suicide, sur ma responsabilité, sur la sienne, sur celle des thérapeutes.
Quand je ne vais pas bien du tout, je téléphone à suicide écoute, ce qui m'apporte beaucoup de réconfort.
Durant ma vie j'ai porté des fardeaux sans rien dire à personne et maintenant j'ai besoin d"écouter une voix apaisante quand je sombre dans le désespoir.
Il y a 13 ans,, juste après le suicide de ma femme, j'ai cherché une association ou il y avait des endeuillés du suicide et je n'en ai pas trouvée.
Alors maintenant je témoigne tout simplement. J'ai appris sur le site infosuicide qu'il existait des deuils compliqués et malheureusement je crois que j'en ai eu deux à affronter.














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Re : mort de mon père quand j'avais cinq ans et suicide de ma femme
« Réponse #5 le: 28 décembre 2014 à 17:54:05 »
Oui je te confirme que tu as de quoi avoir du mal avec tout cela...
C'est vrai que le suicide est quelque chose de très difficile à vivre pour ceux qui restent.
J'ai deux oncles qui se sont suicidés, je n'étais pas très proche d'eux car ils vivaient relativement loin mais on n'a pas pu s'empêcher de se demander ce qu'on aurait pu faire...
Idem lors du décès de ma soeur, même si c'était une cause naturelle, je me demande encore aujourd'hui : et si j'avais été là, si je l'avais soutenue davantage, etc.
Je comprends aussi les réactions violentes : mon père est invivable depuis... Il doit rejeter sur nous sa colère mais c'est difficile à supporter d'autant que nous sommes déjà éprouvées ma mère et moi..
Il est vrai aussi que l'on se sent un peu étranger à ceux qui n'ont pas connu une telle douleur, un tel désemparement... ce qui ne facilite pas le lien social.
J'en suis moi-même au début mais je te souhaite beaucoup de courage et je pense que c'est bien d'appeler au secours, c'est déjà un premier pas vers la sortie...
A bientôt

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Re : mort de mon père quand j'avais cinq ans et suicide de ma femme
« Réponse #6 le: 28 décembre 2014 à 18:39:08 »
Bonsoir Delphinita,

Chaque deuil est tellement difficile. Si je te comprends bien il n'y a pas si longtemps que tu as vécu ce drame. Je te souhaite alors bon courage. Quand on échange avec d'autres personnes qui doivent traverser le deuil, on se sent moins seul.
Bonne soirée

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Re : mort de mon père quand j'avais cinq ans et suicide de ma femme
« Réponse #7 le: 28 décembre 2014 à 18:52:45 »
on se sent moins seul , c'est vrai
chaque histoire est différente et pourtant la souffrance , la douleur , la détresse... tous ces sentiments , ici , on les partage , on les comprend
alors témoigne , raconte...
tu trouveras toujours quelqu'un pour te répondre même si , hélas , il n'y a pas de solution mais partager et se sentir compris , c'est déjà un soutien certain
moi , ça m'aide beaucoup

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Re : mort de mon père quand j'avais cinq ans et suicide de ma femme
« Réponse #8 le: 28 décembre 2014 à 21:14:00 »
Bonsoir Mamoure et merci pour ton message,

Oui, nous connaissons tous la souffrance, la douleur......
Quand les décès sont loin dans le temps, on a un peu honte d'avoir encore des moments difficiles.
Mon problème à moi c'est que j'ai developpé des problèmes psychologiques comme l'agoraphobie (avec la mort de mon père et mon enfance difficile) qui ont été difficiles à supporter pour ma femme. Ce sentiment de culpabilité qui a tellement perturbé ma vie après le suicide.
Ma famille, perturbée par le décès de mon père et ses conséquences, n'ont pas su m'aider après le suicide. Je leur en ai voulu, surtout que cherchant de l'aide auprès de mon frère, il m'a dit de me suicider et que le mari de ma soeur a dit à ma fille quelques mois après la mort de sa maman que je n'avais pas été à sa hauteur. Des propos qui m'ont fortement blessé.  Beaucoup d'autres mots qui m'ont fait du mal. Par exemple en 2008, j'avais demandé un boulot de reclassement que l'on m'a refusé, l'expert psychiatre qui suivait mon cas m'a dit que c'était parce qu'ils ont pensé que j'étais nuisible à la bonne ambiance d'un service. Ce n'était pas vraiment une bonne chose à dire, même si à l'époque mon psychiatre ne me prenait que 10 mns par séance tous les 15 jours et me bourrait de médicaments, ce qui ne devait pas me donner une très belle tête
Il y a deux anx, j'ai demandé un autre expert psychiatre qui a accepté que je retravaille. On devait me mettre en invalidité psychologique mais tout au fond de moi, avec ce qui m'était arrivé et la façon dont j'avais été soigné, je ne pouvais accepter.
Un peu après la reprise du travail, ma fille m'a dit qu'elle retrouvait son père et qu'elle avait bien besoin de moi. Car totalement dans ma souffrance, je n'avais pas été un papa idéal pendant ce deuil difficile.
Donc maintenant je dois garder le cap et je viens partager avec vous.

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Re : mort de mon père quand j'avais cinq ans et suicide de ma femme
« Réponse #9 le: 28 décembre 2014 à 21:46:55 »
Un article intéressant...qui t'aidera à mieux comprendre peut etre et à trouver des ressources.. ailleurs aussi...

Comment faire son deuil après le suicide d'un proche?
Par Christophe Fauré publié le 07/05/2014 à  16:53, mis à jour le 12/05/2014 à  10:42

Le deuil après le suicide d'un parent, d'un enfant, d'un conjoint ou d'un ami est un deuil à part.
Christophe Fauré, psychiatre auteur d'un livre sur le sujet, explique les conséquences psychologiques de ce deuil traumatique.

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Comment faire son deuil après le suicide d'un proche?

Culpabilité, risque de dépression, colère... Les conséquences psychologiques d'un deuil après le suicide d'un proche sont nombreuses.



Quand tout bascule

Il a tout essayé pour aller mieux, mais il ne voit plus d'autre issue; elle a tenu secret ses problèmes pendant des mois, mais rien ne s'apaise en elle, elle n'a plus d'espoir. Progressivement ou de façon soudaine, la voie du suicide apparaît alors à leurs yeux comme la seule et unique solution pour mettre un terme à leur souffrance. C'est la seule manière de trouver la paix. Néanmoins, happés dans le gouffre de leur propre angoisse, ils ne réalisent pas que cette paix tant recherchée a un terrible prix pour leurs proches: le suicide va en effet plonger parents, enfants, conjoints, amis dans un effroyable tourment qui pourra les engloutir pendant des années -parfois même pendant toute une vie. Cet article aborde, de façon non exhaustive, ces multiples enjeux psychologiques du deuil après suicide.
Un deuil traumatique

Le deuil après un suicide est un deuil à part. C'est avant tout un deuil traumatique. Dans environ 50% des cas, le suicide se déroule au domicile et ce sont les proches -conjoints, parents ou enfants- qui découvrent le corps. Cette découverte effrayante peut induire l'apparition d'un syndrome de stress post-traumatique qui se caractérise notamment par des "flashs" envahissants de la scène initiale et un état de stress chronique où on se sent sans cesse sur le qui-vive, comme si une nouvelle catastrophe allait survenir. Ce syndrome ne part pas de lui-même: il nécessite un traitement spécifique (EMDR) qui ne sera pas développé ici (voir le site www.emdr-france.org).
La culpabilité

Même si elle est présente dans d'autres deuils, la culpabilité dans le deuil après suicide revêt une intensité considérable chez les proches. Elle est quasiment omniprésente avec de lourdes conséquences psychiques: 

La quête du "pourquoi?"

Quasiment aucun proche n'échappe à cette quête: ils lisent encore et encore tous les courriers, mails et messages de la personne disparue, rencontrent ses amis -"Vous a-t-il dit quelque chose? Semblait-elle différente?..."-, élaborent mille et une hypothèses pour tenter de comprendre l'incompréhensible.

Cette quête obsédante du "pourquoi ?" perdure parfois pendant des années, sans jamais totalement s'interrompre. Même si elle semble démesurée aux yeux de l'entourage, elle n'a rien d'anormal. Elle fait partie intégrante du travail de deuil: les personnes directement touchées par le suicide ont besoin de cheminer par elles-mêmes vers l'acceptation du fait qu'elles ne trouveront jamais de réponses définitives. Parvenir à ce difficile constat marque souvent une étape importante dans le déroulement du deuil.

La culpabilité favorise l'émergence de "punitions" que s'inflige plus ou moins consciemment la personne en deuil pour expier ce qu'elle perçoit être sa "faute"

La culpabilité porte étymologiquement l'idée de faute (culpa, en latin). L'idée de faute implique l'idée de punition ou d'expiation. Ainsi, il est très fréquent d'observer, chez la personne en deuil, la mise en place d'interdits qui peuvent considérablement restreindre son champ de vie: elle s'interdit d'être heureuse, ne s'autorise aucun plaisir, aucun succès, aucune gratification. Elle se condamne si elle se surprend à prendre du bon temps -"Je n'ai plus le droit de rire ou de m'amuser, car mon fils/mon conjoint/mon parent... s'est suicidé !" 

L'ultime punition qu'une personne en deuil après suicide peut s'infliger est la mort elle-même: "Je veux me suicider: je mérite de mourir à mon tour". C'est un risque non négligeable du deuil après suicide et il justifie en soi une aide psychologique professionnelle s'il est trop prononcé. Ce désir de mort n'est cependant pas univoque: il peut refléter le désir de s'approcher au plus près du ressenti de la personne disparue, afin de mieux comprendre son geste, ou encore le désir de le rejoindre dans la mort.
Un risque dépressif plus important

La personne en deuil après suicide est plus vulnérable à la survenue d'une dépression. En effet, le geste suicidaire entraîne chez les proches une baisse parfois très sévère de l'estime de soi avec une remise en question de la qualité de l'amour qu'ils ont donné à la personne décédée -"Mon amour ne sert à rien; il n'a pas su retenir à la vie la personne que j'aime; il n'a aucune valeur; je n'ai aucune valeur ". Ce désaveu violent nourrit un sentiment d'échec personnel, surtout chez un parent. De plus, le suicide est parfois perçu comme un rejet ou un abandon délibéré de la part de la personne suicidée. Ce ressenti majore toutes les blessures narcissiques et autres carences préexistantes au suicide. 

De même, le suicide entraine un vécu de perte de sens plus marqué qu'au cours des autres deuils. Beaucoup de proches en deuil font part d'un sentiment de futilité de l'existence et de perte de repères par rapport à ce qui guidait auparavant leurs choix et leurs décisions. Il peut en résulter, pour certains, l'abandon de projets avec une plus grande difficulté à réinvestir leur existence après le temps du deuil.

Enfin, il est reconnu que le deuil après suicide est un facteur de risque d'augmentation du risque suicidaire chez les proches en deuil. Sans pour autant aller jusqu'au passage à l'acte, il est toujours important d'identifier les "équivalents suicidaires" ou autres comportements à risque auxquels s'expose, plus ou moins consciemment, la personne en deuil avec une réelle ambivalence quant au désir de mort: mise en faillite personnelle, abus d'alcool, de drogues, mise en situations de relatif danger (sports extrêmes, par exemple)... L'identification négative au comportement suicidaire et au destin de la personne suicidée est parfois massive.
La honte et la stigmatisation

En lien direct avec la culpabilité, la honte est un ressenti caractéristique du deuil après suicide, même si toutes les personnes en deuil ne l'éprouvent pas. Elle s'accompagne généralement d'un vécu de stigmatisation sociale. La honte expose notamment à deux complications:

Le sentiment d'indignité qui découle de la honte majore le sentiment de solitude du deuil. De plus, la personne en deuil après un suicide a souvent tendance à s'auto-exclure des réseaux de soutien (qu'ils soient amicaux, associatifs ou professionnels psy) sur la base d'un raisonnement du type: "Je ne suis pas digne d'être aidé. Je ne le mérite pas car moi-même je n'ai pas su aider mon proche en souffrance ". La personne en deuil se plaint et souffre de la pauvreté de son réseau de soutien, alors qu'elle est souvent elle-même à l'origine de cet appauvrissement.

La honte enferme fréquemment la personne en deuil dans le silence: elle n'ose pas parler des circonstances du décès de son proche et elle peut même construire un autre scénario où le décès fait suite à un accident ou à une maladie foudroyante. Ce silence peut se transformer en secret de famille. Il est capital de tout mettre en oeuvre pour en sortir.
La colère

Le suicide fait violence à la personne en deuil et celle-ci riposte souvent à cette violence par la colère. Les cibles de cette colère sont multiples: elle peut se focaliser sur autrui, dans une recherche de boucs émissaires (médecins, psychiatres, collègues de travail, conjoint...) qui pourraient endosser la responsabilité du geste suicidaire. Elle est parfois dirigée contre soi avec une frontière très floue entre colère et culpabilité. 

La colère contre la personne disparue est une spécificité du deuil après suicide. Comme le souligne Michel Hanus dans son ouvrage Le deuil après suicide, "la spécificité première de ce deuil est d'avoir été provoqué par celui ou celle dont on est en deuil ". Celui qui tue et celui qui est tué se confondent: que devient alors la haine de la personne en deuil contre le meurtrier qui est en même temps la victime? Cette colère n'est bien sûr pas toujours présente mais elle est parfois niée ou refoulée car il est trop culpabilisant d'être en colère contre quelqu'un qui s'est infligé une telle violence. 
Le soulagement et l'ambivalence

Il est parfois difficile pour certains proches en deuil de reconnaître, en plus de la peine, un certain soulagement après le suicide. Dans des situations extrêmes de perturbations majeures du quotidien -alcoolisme sévère, comportements chaotiques de la personne suicidaires avec tentatives de suicide à répétition mettant en danger l'équilibre familial, hospitalisations multiples en psychiatrie, fugues...-, le suicide est perçu comme la fin d'un calvaire, tant pour la personne disparue que pour ses proches. Ce constat est néanmoins extrêmement difficile à admettre. L'accompagnement du deuil aide à mettre des mots sur cette douloureuse ambivalence. 
Un vécu de peur et d'anxiété

De nombreuses personnes en deuil après le suicide d'un proche font part de l'ébranlement de leur sentiment de sécurité fondamentale à exister dans le monde. 

Beaucoup de proches reconnaissent vivre dans la peur d'un nouveau suicide dans leur entourage. Ils redoutent un nouveau décès ou une nouvelle catastrophe. Ils font part d'un vécu d'angoisse, d'insécurité où tout devient imprévisible. Celi est source d'une plus grande fragilité et d'une plus grande vulnérabilité face à l'existence.

Lorsque le compagnon ou la compagne s'est suicidé(e), certains conjoints en deuil parlent d'une méfiance à aimer à nouveau ou d'une peur à s'engager à nouveau dans un lien qui pourrait potentiellement être source de souffrance, si le nouveau conjoint venait lui/elle aussi à se suicider. Même si la plupart des personnes sont conscientes de l'irrationalité de ces peurs, elles font néanmoins obstacle à de nouveaux engagements et investissements affectifs et peuvent freiner le retour à une vie affective apaisée.

Les parents en deuil après le suicide d'un des leurs enfants sont confrontés à un sévère remise en question de l'éducation prodiguée à l'enfant disparu. Happés par la peur que tout recommence et qu'un de leurs enfants passent lui aussi à l'acte, certains oscillent entre une rigidification de leur cadre éducatif, s'ils estiment avoir été laxistes auparavant ou, à l'inverse, un assouplissement de ce cadre s'ils sont convaincus avoir exercé une trop grande rigueur sur l'enfant disparu. 
Quel devenir pour une personne en deuil après suicide?

Si vous êtes en deuil après le suicide d'un de vos proches, ce que vous venez de lire peut vous effrayer. Une question s'impose alors: vais-je m'en sortir? Pourrais-je jamais être heureux/se à nouveau? La réponse est oui, mais le chemin de votre deuil sera long et ardu. Il s'étalera très souvent sur plusieurs années mais la souffrance finira par s'apaiser, même si on sait qu'il ne disparaitra jamais totalement.

Je vous invite à relire mon article précédent sur les étapes du processus de deuil pour évaluer où vous en êtes. Mon expérience de plus de 20 ans d'accompagnement des personnes en deuil -et notamment en deuil après suicide- me permet de vous affirmer qu'il y a toujours une lueur au bout du chemin, même si cela vous semble impossible à concevoir aujourd'hui. Mais cela ne se fera qu'à la mesure de l'aide que vous accepterez de vous donner et de recevoir d'autrui: le deuil après un suicide a en effet besoin d'être soigneusement accompagné. Une personne en deuil après le suicide d'un proche a besoin d'aide, même si elle n'en reconnaît pas la nécessité. 

La plupart du temps, votre entourage familial et amical suffira à vous apporter le soutien nécessaire, mais, si les manifestations du deuil se font trop pénibles à supporter, il vous sera peut être utile de vous tourner vers un professionnel -psychiatre ou psychologue- ayant une bonne connaissance du processus de deuil. Ce thérapeute sera notamment en mesure d'évaluer l'impact post-traumatique du suicide et d'identifier une possible décompensation dépressive. 

Pensez aussi à l'aide associative: les associations d'accompagnement du deuil font un remarquable travail: Vivre son deuil - www.vivresondeuil.asso.fr, Phare Enfants Parents - www.phare.org, Jonathan Pierres Vivantes - www.anjpv.asso.fr et bien d'autres. Beaucoup proposent des groupes de paroles et des suivis individuels. 

Je vous le promets: un jour surviendra où vous serez plus en paix, dans un indéfectible et indestructible lien de coeur avec la personne que vous avez perdue.

Le Dr Christophe Fauré est psychiatre-psychothérapeute en pratique libérale à Paris. Il est auteur de nombreux ouvrages chez Albin Michel, dont Vivre le deuil au jour le jour et Après le suicide d'un proche.

 

En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/styles/psycho/comment-faire-son-deuil-apres-le-suicide-d-un-proche_1536290.html#Hj6ZE3d3dlkCjwvT.9
« Modifié: 13 février 2015 à 18:29:40 par Webmaster »

Hors ligne assiniboine

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Re : mort de mon père quand j'avais cinq ans et suicide de ma femme
« Réponse #10 le: 29 décembre 2014 à 20:42:36 »
Merci Eva Luna pour cet article de Christophe Fauré. J'avais connaissance de l'existence de ce livre, mais jamais eu l'occasion de le lire, ou plutôt je me disais que c'était trop tard. J'ai bien l'impression que je m'inflige une punition après le suicide de ma femme. Malheureusement, quand j'étais enfant j'avais l'impression que je devais me punir aussi de la mort de mon père, ou du moins je me sentais coupable quand j'étais triste.
Je ne sais pas trop pourquoi je passe un moment difficile et que j'ai de bien mauvaises pensées.
J'ai raconté ma vie sur le site dépression forum, mais personne n'ose me parler.
Je vais relire bien en détail cet article et certainement acheter le livre.
Il n'est jamais trop tard pour aller mieux ????

Hors ligne assiniboine

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Re : mort de mon père quand j'avais cinq ans et suicide de ma femme
« Réponse #11 le: 29 décembre 2014 à 20:50:25 »
Il n'est pas question que je n'aille pas mieux. Ma fille de 27 ans m'a fait part l'autre jour de ses pensées suicidaires et qu'elle avait peur que cela recommence. Elle a dit aussi qu'elle avait besoin de moi. J'aime tellement mes deux enfants qui ont perdu leur maman si douce d'une manière si violente. Nous avons des enfants ma femme et moi, voulions nous qu'ils soient malheureux ? Nous voulions leur bonheur, alors pourquoi tout cela ?
Amitiés à toutes celles et tous ceux qui me lisent.

Hors ligne delphinita

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Re : mort de mon père quand j'avais cinq ans et suicide de ma femme
« Réponse #12 le: 29 décembre 2014 à 23:18:14 »
Oui cela aide de parler à des gens qui comprennent.
C'est pour cela qu'il faut continuer à écrire ici pour comprendre, trouver un moyen de continuer du mieux possible pour les siens et pour soi-même.
J'ai perdu ma soeur il y a deux mois et demi, elle nous manque beaucoup, c'est encore difficile d'intégrer le fait qu'elle n'est plus là...  Et cette période de "fêtes" n'aide pas...
Bon courage !

Hors ligne Mamoure

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Re : mort de mon père quand j'avais cinq ans et suicide de ma femme
« Réponse #13 le: 29 décembre 2014 à 23:38:11 »
Ta fille te l'a dit , elle a besoin de toi
accroche toi à ça...

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Re : mort de mon père quand j'avais cinq ans et suicide de ma femme
« Réponse #14 le: 30 décembre 2014 à 12:23:28 »


Tes enfants sont comme toi, ils ont besoin d'aide, de l'aide d'un professionnel avec la meilleure connaissance possible , du deuil, de ses effets sur le psychisme .

Le suicide, même si on en parle plus , reste un tabou, une honte, avec des jugements de valeurs portés par des personnes qui n'y connaissent rien , alors on n'ose pas en parler, parfois les réponses font très mal , alors que la culpabilité pèse déjà si fort....

Cette culpabilité que tu ressens encore avec le décès de ton papa, et que ta fille doit ressentir avec celui de sa maman....

Cette période (de fêtes de joies ambiante) n'est pas très propice au mieux être, bien au contraire, elle nous renvoie à ceux que l'on a perdu inexorablement.

Tiens bon, soutenez vous ta fille et toi, parlez , envisager une thérapie, ou autres, peut être salutaire....

Je t'embrasse.

zabou
Le souvenir, c'est la présence invisible.
Si j'avais su que je t'aimais tant, je t'aurais aimé davantage.
Mon amour, plus qu' hier et moins que demain.