Je ne sais pas par où commencer, ni quels sont les mots qu'il faut.
Mon papa a choisi de mourir il y a une semaine. Je suis son unique fille de 25 ans.
Nous avions été séparés pendant plus de 15 ans à cause d'une séparation très compliquée avec ma mère qui a tout fait pour me "garder pour elle". J'ai réussi à m'en détacher et à retrouver mon père, à 18 ans.
Depuis nous nous réapprivoisions, peu à peu. Des lettres, des petites cartes, des visites, des photos, des petites blagues.
On ne se disait pas, foutue fierté, qu'on s'aimait et qu'on était heureux de se retrouver.
Ma mère continuait de nous ennuyer, chacun de notre côté, avec des demandes d'argent, des menaces. Elle me disait souvent, quand j'habitais encore chez elle, haïr mon père de toutes ses forces. Il ne l'aimait plus non plus. Depuis que je revoyais mon père, ma mère a beaucoup fait de chantage au suicide. Plusieurs fois même, des lettres d'adieux, des décomptes sur mon répondeur, des mots horribles ...
... et puis mardi dernier, c'est arrivé. Sauf que c'est Papa qui est parti. (colère en sourdine contre elle) Je ne comprenais pas pourquoi je ne parvenais plus à l'avoir au téléphone. Nous échangions encore des sms, il me disait qu'il était fatigué et un peu déprimé par sa retraite récente, mais qu'il allait s'habituer. Il disait que sinon ça allait, qu'on se parlerait plus tard.
Et j'ai appris.
Depuis je vis dans un état de "pause" permanent, je pleure dès que la nuit tombe. J'ai récupéré son médaillon de baptême et je m'y accroche comme une noyée ou presque. Il avait envoyé une lettre à son frère pour expliquer son geste. Je n'ai rien retrouvé qui me soit adressé. Et dans sa maison, mes lettres avaient disparues. Je ne comprends pas. Je ne lui en veux pas, je comprends que dans sa tête, il n'avait plus d'autre solution.
Il était fort, vous savez, mon Papa. Le plus fort de tous. Le plus digne.
Je pleure ce qu'il ne verra pas. J'ai l'impression qu'une partie de moi est partie avec lui.
J'ai l'impression que je me suis renfermée en moi-même, je ne supporte que le silence et la réflexion. Je suis aphone depuis quelques jours.
Il me manque. Le vide est insupportable. Le quotidien est si mécanique. J'étais quelqu'un de plutôt artistique, coquette, malicieuse. J'ai perdu tout cela, et honnêtement, cela sonnerait faux si ça revenait.
Je sais seulement que ça brûle en moi et que mes yeux fondent à chaque pensée pour lui.
J'ai peur qu'il n'ait pas su assez tout le bonheur que nos retrouvailles m'ont apporté.
Je donnerais tout pour lui parler, même en rêve.