Bonjour à tous,
Vos témoignages m'ont sincèrement touchés. Le plus difficile est de réussir à se confier, et je dois dire que jusqu'ici je n'y suis pas parvenue, c'est pour cela que je viens chercher de l'aide, souvent j'ai peur que l'on me juge , ou que les gens me voient différemment, je me dis qu'en me confiant ici ce sera différent...
Cela fait un an que mon papa s'est suicidé.
Depuis petite je vis avec un vide, son alcoolisme le rendait méchant à mon égard. Le divorce de mes parents n'a rien arrangé. J'ai essayé tant bien que mal de vivre avec, il m'a fait si mal par les mots qu'il employait quand il s'adressait à moi, que le seul moyen que j'ai trouvé pour me protéger ait été de lui tourner le dos, de m'éloigner, j’espérai au plus profond de moi qu'un jour ça s'arrangerait, qu'un jour nous ayons une relation père-fille, je me suis sentie tellement abandonnée toutes ces années, mais depuis qu'il est parti c'est le néant, mes rêves et illusions se sont écroulées, il n'y a pas un jour où je ne me reproche pas de l'avoir écarté de ma vie, je me sens coupable de pas avoir été à la hauteur, de ne pas l'avoir accepté comme il était.
Si j'avais été plus présente pour lui peut être que ça aurait été différent, j'ignorais sa souffrance, j'ignorais ses problèmes, et il est parti en pensant être seul, il est parti en pensant que je ne l'aimais pas. Je me sens tellement coupable je ne me le pardonnerai jamais.
Je me sens seule, je n'arrive pas à parler aux gens. Très peu de personne sont au courant, les retours m'ont fait tellement de mal que je n'ai même pas envie de me confier à qui que ce soit « Ça doit être dur pour tes frères, eux qui étaient proche de lui » la culpabilité est encore plus grande lorsque j’entends ce genre de chose, les gens n'ont aucune idée du mal que ça peut faire de ne pas avoir un papa proche de soi, j'aurais tellement voulu que nos rapports soient différents. Et je le regrette, maintenant il n'est plus là, maintenant c'est trop tard. J'aurais tellement voulu savoir qu'il m'aime, maintenant qu'il est parti il ne pourra jamais me le dire, et je ne pourrais jamais le lui dire, et ça me fait mal.
La moindre allusion au suicide : « de toute façon c'était qu'un lâche pour se suicider », me déchire le cœur, pour qui se prend-on pour juger le suicide comme de la lâcheté, pour qui se prend- on pour parler de chose que l'on ne connaît pas. Je suis fatiguée de faire semblant, fatiguée de sourire, fatiguée d'essayer d'être « normale », je n'en peux plus d'écouter les petits problèmes de tout le monde. Je ne dirais pas que je suis devenue « insociable » mais complètement décalée, le problème est que je suis en colère parce que les gens parlent sans savoir, jugent sans connaître, se plaignent sans arrêt, sans vraiment savoir ce qu'est souffrir, ce qu'est le deuil.
C'est pour cette raison que je préfère ne rien dire, je pense aux gens qui n'ont plus personne, je pense à mon frère qui en perdant son père a perdu son confident, son meilleur ami, sa moitié.
J'ai la chance d'avoir une maman formidable, qui depuis toujours sait qu'il m'a manqué un papa, et qui a tout fait pour combler ce manque. Mais aujourd'hui je ne peux pas lui parler de ce que je ressens, je sais que ça la fait souffrir d'avoir trois enfants en deuil, et je n'ai pas envie de lui faire encore plus de peine.
Souvent j’entends « faut aller de l'avant, faut faire son deuil », « aller de l'avant »... c'est dur de vivre avec cette impression d’être bloquée dans le passé, et de subir le présent. Je n'avance pas je rame, j'essaie de m'accrocher comme je peux, mais c'est de plus en plus difficile de se lever le matin pour affronter la journée et les pensées sombres.