Auteur Sujet: Mon copain s'est suicidé  (Lu 6292 fois)

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Mon copain s'est suicidé
« le: 02 janvier 2021 à 00:59:32 »
Bonjour.

Voilà un mois bientôt que mon copain s'est suicidé. Nous habitions dans un appartement au 5e étage, et un matin, il s'est levé, a allumé le wifi, son ordinateur, pour entamer sa journée de télétravail, sauf qu'à 9h30, il a sauté du balcon. J'ai été réveillée par la police qui a sonné chez moi vers 10h. Ils cherchaient d'où pouvait provenir ce jeune homme. Ils m'ont d'abord posé des questions pour essayé de l'identifier, et grâce aux photos affichés sur les murs, ils n'ont pas tardé à me confirmer que c’était lui. Ils m'ont d'abord dit qu'il était tombé, que les pompiers s'occupaient de lui. Je me souviens avoir été dans une espèce de réalité parallèle, je ne comprenais pas bien ce qui m'arrivait à ce moment. Les policiers m'ont faite assoir dans sa chaise, et couverte avec son peignoir. Les pompiers sont arrivés ensuite. Et un Officier de Police Judiciaire. Ils n'ont ensuite pas tardé à m’annoncer la pire chose que j'ai pu entendre. "Votre conjoint est mort". "Il est mort ?" J'ai répété. Les pompiers ont pris ma tensions, les policiers m'ont demandé la pièce d'identité de mon conjoint, que j'ai mis une éternité à retrouver dans son portefeuille. L'OPJ m'a parlé ensuite, mais je ne me souviens plus de ce qu'il m'a dit, c'est peut être lui qui m'a annoncé le décès. Les choses s'embrouillent un peu, tout est allé très vite et en même temps ça été la journée la plus longue de ma vie.

J'ai ensuite été emmené aux urgences psy de ma ville par les pompiers. Dans le camion j'ai pu appeler ma mère. "J'arrive" m'a t-elle dit.
Aux urgences j'ai attendu, et j'ai vu un psychiatre et une infirmière. Ils ont évalué mon état. Le psychiatre a eu ma mère au téléphone qui était perdu de son coté. Le psychiatre l'a rassurée, car j'allais "bien".
Ma mère est arrivée avec mon frère, on est retourné dans mon appartement, il fallait que je prépare une valise et que je prenne mon chat pour aller chez ma mère. Entre temps j'ai été auditionné par l'OPJ. Évidemment, leur boulot étant de voir s'il y a un homicide. J’étais la seule personne présente dans l'appartement. Mais heureusement ma parole n'a jamais été remise en doute par la police.

Au commissariat j'ai vu les parents de mon copain. Après je suis retournée à mon appartement finir cette valise, attraper mon chat, et on est parti. Heureusement pour moi, je n’étais pas obligée de rester dans cet appartement. Je sis retournée chez ma mère. Dans la voiture, la mère de mon copain m'a appelé, elle m'a imposé de garder le secret du suicide à ses parents et à son second fils, le petit frère de mon copain. Je n'ai pas eu mon mot à dire, mais je n'ai jamais cautionné un tel mensonge, et ça me met très en colère. Un mois après, le petit frère de mon copain ne sait toujours pas que son frère s'est suicidé. Ses parents ont dit à tout le monde que c’était un accident lié à une maladresse. Le truc impossible, mon copain était particulièrement habile, et c’était physiquement impossible de tomber involontairement par dessus la terrasse.

Ces dernières semaines ont été éprouvantes. La préparations des obsèques, vider notre appartement, mon cerveau qui passe du déni, à la tristesse ou à la colère. Je sais que c'est normal, que les phase du deuil face à un suicide sont différentes de celles face à un autre type de décès. Ça fait des semaines qu'avec ma mère on discute pour comprendre. J'en suis venue à plusieurs explications. Même si je ne saurais jamais ce qu'il s'est vraiment passé à ce moment là, il y a des petits signes, des petites choses qui m'ont laissé penser qu'il portait cette chose sombre en lui.
C’était quelqu'un de très calme, très bienveillant, mais qui subissait beaucoup de pression, et qui avait beaucoup de mal à s'en protéger. Il n'a jamais pu en fait.
Cet été lorsque nous sommes parti en vacances, il m'a parlé d'une période sombre datant de quelques années, qu'à cette époque il ne voyait pas le sens de sa vie, il ne comprenait pas pourquoi il devait faire tout ça. Mais il m'avait dit que depuis qu'on était ensemble, il n'avait plus ces pensées. J'ai eu tellement peur quand il m'a parlé de ça. Il avait les larmes aux yeux. Probablement une des seule fois où je l'ai vu triste.

Ce qui est le plus fou dans sa mort, c'est qu'il n'y avait rien qui pouvait me laisser penser qu'il souffrait à ce point. Il n'a jamais été dépressif, je ne l'ai jamais vu en colère ou triste. Il était dans un contrôle en continue. Bien sûr lorsqu'on était tous les deux on riait beaucoup, il savait être parfois extravagant, mais il n'exprimait jamais ou très rarement une émotion négative. Et je pense que c’était le problème. Je pense que ce qu'il s'est passé le jeudi 3 décembre à 9h30, c'est que quelque chose à explosé en lui, qu'il s'est fait submerger par un truc sombre, et que la seule solution pour lui c’était de mourir. Il n'y a eu ni pensée, ni émotions, juste un appel impossible à ignorer.

La veille nous avions appelé nos familles pour prévoir les fêtes, fait notre sapin, rangé notre garage, regardé Love Actually, et nous étions enlacé avec beaucoup de tendresse. Je suis tellement reconnaissante d'avoir passé une belle dernière soirée avec lui.

Il n'a rien laissé derrière lui, aucun mot. Tout était à sa place. Je suis convaincue qu'il n'y avait rien de prévu, que ça s'est imposé à lui et qu'il n'a pas eu le choix.

Évidemment, j'essaye de trouver des explications, pour survivre à ce drame qui m'est tombé dessus sans prévenir.

Voilà, merci d'avoir pris le temps de lire.

Hors ligne dom1

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Re : Mon copain s'est suicidé
« Réponse #1 le: 02 janvier 2021 à 02:41:54 »
Bonsoir,

Je viens de lire et j'éprouve le besoin d'écrire quelques mots ici.
Est-ce à cause de cette période particulière que je le fais ?
Peut-être.
Peut-être aussi pour dire que cette période particulière de notre agenda social cristallise certaines émotions.
Je ne sais si ce calendrier est propice à plus de cas de suicide ( je ne connais pas les statistiques ), mais je pense qu'il est en mesure de mettre en évidence des brisures profondes capables de générer des crises psychologiques dépressives graves.
L'enfance et les diverses vicissitudes familiales, l'adolescence et ses expériences, ses remises en causes profondes laissent parfois dans les cerveaux de tout un chacun des séquelles qu'il faut passer le reste de son existence à " gérer ".
Certains ou certaines d'entre d'entre-nous, plus fragiles ou peut-être plus sensibles, ne peuvent pas y faire face réellement et sombre, un jour particulier ou à une  période particulière, dans un choix morbide qui a pour objet de faire cesser la souffrance dans laquelle ils baignent et se perdent.
Rien, ( hormis peut-être une psychothérapie fine et ciblée), ni personne, fusse-t-elle aimée, n'est en mesure de les sauver de cette dérive morbide d'une violence extrême.
Un jour, un moment, une minute, une seconde, dans un basculement irrationnel, il ou elle choisit de sortir du carcan de cette souffrance devenue  insupportable.
Ce geste leur appartient à eux seuls, et on ne peut pas, car on en a ni la compétence, ni le droit, y porter un jugement réellement étoffé et réaliste.
Reste ( pour ceux qui vivent et subissent ce geste, les proches ), de faire avec, c'est-à-dire sans.
Et chacun ou chacune de nous, ( qui traîne aussi ses propres casseroles ), s'engage dans un chemin chaotique et délicat.
Tu es sur ce chemin. Il est cabossé, difficile et ardu.
Et lorsqu'on avance sur les chemins de ce type, il vaut mieux être bien accompagné.
Il vaut mieux aussi mettre toutes les chances de son côté.
Mon expérience, comme d'ailleurs toutes les autres, peuvent servir dans ce qu'elles ont de similitudes.
Tu comprendras qu'il y en a.
Inspire toi de celles-ci.
Les mots déni, culpabilité, remords, incompréhension, regrets, colère,  ressentiment, etc, reviendront régulièrement à tes yeux et tes oreilles.
Les sautes d'humeur, régulièrement, te prendront par la main pour bousculer ta monture sur ce chemin, te faisant pleurer, reculer, douter.
Accepte-les.
S'il y a des similitudes évidentes, il y a bien évidemment des particularités liées à lui et à toi, à votre histoire, votre originalité.
Et de ce fait, ce chemin est unique et n'appartient qu'à toi-même.
Sur celui-ci, il te faudra avancer à ton rythme, parfois seule, parfois à reculons, mais tu avanceras.
Le fait même que tu exprimes par ces mots, ta situation, est un bon signe.
Je pense que tu empruntes ce chemin dans le bon sens.
Chacun ou chacune de ceux qui ont subi cette violence suicidaire qui frappe les proches, ceux qui les aimaient et parfois même ceux qui les côtoyaient simplement, sont fragilisés psychologiquement à l'extrême.
Je pense qu'il ne faut pas hésiter à se faire aider par un ou plusieurs professionnels compétents ( ils existent - en évitant autant que possible, les incapables, les charlatans et autres opportunistes de toutes obédiences ), qui te permettront de faire face à cette expérience personnelle unique, déterminante et fondatrice.

Pour finir, tu pourras voir et lire des témoignages positifs qui pourront, j'espère, te procurer du courage et t'aider dans ton parcours,
N'hésite pas à t'exprimer régulièrement, ici ou ailleurs, avec tes proches, c'est un autre et bon moyen " d'avancer ".

Je t'embrasse.

Domi...



« Modifié: 03 janvier 2021 à 14:46:14 par dom1 »