Bonsoir,
Curieux de me lancer dans un post sur ce forum que je viens de découvrir. Ecrire ici c'est un peu lancer une bouteille à la mer pour moi.
J'ai 41 ans, j'ai rencontré mon mari il y a 20 ans. On a tout fait, tout construit ensemble. On s'était pacsé dès que ça a été possible, le 2 novembre 1999. On s'est marié dès que ça a été possible, le 26 octobre 2013. Il était ma moitié, mon compagnon, il me conseillait dans ma vie pro, il faisait partie de moi. Je me voyais vieillir à ses côtés, on avait une vie sympa et remplie de voyages, même si comme tous les couples on avait notre lot de galères.
Le 18 décembre 2017 il s'est pendu dans le parking de la résidence. La "chance" que j'ai eue c'est que je ne l'ai pas découvert moi. En rentrant du bureau il avait laissé une lettre que j'ai retrouvée sur la table de la salle à manger, j'ai appelé deux amis et la Police, et ils l'ont retrouvé quelques dizaines de minutes plus tard.
Sa lettre était datée du 12 septembre, et en faisant quelques recherches j'ai découvert qu'il avait acheté la corde le 17 mai. Il m'avait laissé une chemise avec tout de prêt: résiliation de sa carte UGC illimité, résiliation de sa ligne téléphonique, etc. C'est lui qui gérait tout l'administratif et qui faisait l'intendance, et il m'avait mis des post-its en m'indiquant qu'il ne restait plus qu'à documenter la date du décès...
Il avait des soucis professionnels depuis avril, et il a été licencié en juin. J'avais bien senti que c'était difficile pour lui, mais j'étais à des années lumières d'imaginer que c'était difficile à ce point là. Pierre se sentait une responsabilité énorme pour faire mon bonheur et il était terrifié à l'idée que son chômage pourrait durer et nous empêcher de partir en vacances ou de faire de belles choses. Si seulement il avait compris que j'aurais toujours été plus heureux avec lui même avec des difficultés financières que tout seul...
Ma vie s'est effondrée, je me retrouve dans tous les "clichés"... Je n'ai pas changé les draps pour garder son odeur, je viens de me faire faire des lunettes de vue en reprenant ses montures, je porte ses pulls, je vais probablement reprendre son rôle de président du Conseil Syndical de la résidence. Parfois je me surprends à aller super bien. Au bureau les gens ont été formidables, de mes équipes à mon boss. Et puis soudainement je dois fermer la porte car les larmes arrivent et je ne peux contrôler l'océan de tristesse qui m'engloutit.
Il est décédé à 46 ans, il restera jeune et beau toute la vie dans mon souvenir. Mais il nous restait tellement de choses à vivre. Je lui en veux et surtout je m'en veux. Si j'avais moins bossé, si j'étais rentré plus tôt, si je ne l'avais pas laissé tant de soirées tout seul pour le boulot... Il a tellement souffert
La cérémonie pour son départ a été extraordinaire, avec une émotion terrible. Si seulement il avait vu ce parterre de fleurs et tous les gens qui l'aimaient. Mais lui ne s'aimait pas assez et portait trop de doutes, trop peu d'assurance, trop peu d'estime en lui.
Je me dis qu'il faut que je consulte, on m'a aussi conseillé de trouver un groupe de parole, mais je ne sais pas encore trop vers qui me tourner. Je voudrais penser à lui sans pleurer, mais d'un autre côté j'ai tellement peur de l'oublier, d'oublier sa voix, l'odeur de sa peau. J'ai peur de vieillir sans lui. Il est la moitié de ma vie, mais quand je me retrouverai à 80 ans il ne sera plus que le quart de ma vie. Il me manque tellement, je ne trouve plus d'adjectif pour donner de la force à ce "tellement"...
Bref, mon témoignage ressemble probablement beaucoup trop à des centaines d'autres.
Merci aux modérateurs qui font vivre ce forum, c'est une belle plateforme d'échanges.
Bonne soirée,
Cédric