Chère Bouillotte,
J’ai dû et je dois toujours me dire moi aussi que ma fille souffrait d’une grave maladie mentale, le syndrome état limite ou borderline qui l’avait amené à l’anorexie qui l’aidait à supporter l’autre maladie. (70% des personnes avec Borderline feraient des tentatives de suicide). Je la savais très fragile et extrêmement sensible depuis sa naissance, mais je ne me doutais pas que cette fragilité lui venait d’une maladie mentale. Je dirais qu’elle était sans aucune protection face aux sentiments et aux événements. Les hauts et les bas se succédaient pour elle tous les jours à toute vitesse. Combien de fois, je lui avais dit qu’il fallait relativiser, mais comment aurait-elle pu. Peu avant de devenir anorexique, elle m’avait dit qu’elle était malade, mais je tentais de la rassurer que ce n’était dû qu’à son âge et que cela allait passer. Jamais, je ne pouvais m’imaginer autre chose. Elle était intelligente et douée pour pleines de choses. Quand elle est tombée anorexique, elle me disait : « Maintenant, on voit que je suis malade. » Elle me disait avoir fait ce qu’on attendait d’elle pendant toute son enfance pour être comme tout le monde tout en se sentant différente. Je me demande à présent, à partir de quand la maladie s’est déclenchée, dès la naissance, à l’adolescence ?
Nous avons appris cette maladie seulement après son décès et seulement parce que nous avons demandé à son dernier psychothérapeute s’il elle avait souffert d’autre chose en dehors de l’anorexie. Si nous n’avions pas appris que c’était possible, nous n’aurions jamais su. Je pense qu’aucun psy n’a jamais dit à ma fille de quoi elle souffrait vraiment alors qu’elle se posait des questions. Tout le monde se focalisait sur l’anorexie. Nous n’avions jamais entendu parler de cette maladie. Sinon, le cours des choses auraient peut-être été différent. Au moins, nous aurions réagi différemment.
Je connais ton désarroi. Apprendre la maladie de son enfant est difficile, même si celle-ci ne le fait plus souffrir.
Il est important que tu puisses parler le plus possible de ton fils maintenant et que tu puisses pleurer : « user son deuil » comme Ch Fauré dit si je me souviens bien.
Je vous embrasse toutes