Bonjour à toutes et à tous !
Je suis arrivée sur ce forum par hasard, et j'ai pu découvrir le message de Petite fleur bleue datant du 5 février dans lequel elle nous fait part de son expérience et ainsi essayer d'expliquer comment peut on en arriver au suicide. Plusieurs d’entre vous lui ont répondu que ce témoignage les aidait ; j’ai donc décidé de faire la même chose : vous racontez mon histoire. Cela risque d’être un peu long, aussi bon courage à ceux qui me liront, j’espère que mon expérience vous aidera, même si ce n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan qu’est l’épreuve du deuil.
Je viens d’avoir 21 ans il y a quelques jours, et ma mémoire d’éléphant me permet d’affirmer que j’ai toujours eu tendance à déprimer, déjà toute petite (maternelle, école primaire). Cette situation a évolué alors que j’étais en 4ème : sans raison particulière, j’ai commencé à me sentir mal dans ma peau, à pleurer seule dans ma chambre tous les soirs, et à penser au suicide. Je me scarifiais (encore une pratique difficile à justifier… Je dirais qu’il s’agit là de matérialiser cette « douleur invisible » par une douleur physique), me sentais nulle, inutile, grosse, moche, bête… Bref, la totale. Je pensais tout le temps au suicide, j’étais vraiment mal mais personne ne remarquait rien, même pas mes parents qui avaient pourtant toujours été présents pour moi. Cette situation a fini par s’arrêter ; mes pensées morbides, suicidaires, les scarifications et ce mal être se sont en allés comme ils étaient venus, presque du jour au lendemain.
La déprime/dépression m’a laissée tranquille jusqu’à mes 18 ans. J’étais alors avec un garçon depuis 2 ans lorsque du jour au lendemain, il décida de me quitter (pour une autre). Rien de grave me direz-vous, les chagrins d’amour ça arrive ! Mais pour moi, le ciel me tombait sur la tête, mon monde s’écroulait littéralement. Une douleur lancinante mais omniprésente, débilitante, un clavaire, une affliction, un désespoir infini, une souffrance incommensurable… Je manque de mots pour qualifier le « truc » qui ne m’a pas lâchée la grappe durant les deux ans qui ont suivi cette séparation. Je ne mangeais plus, ne dormais plus (je ne compte plus les nuits blanches sans fermer l’œil une seule minute), je passais mon temps à pleurer sur mon sort, à m’apitoyer sur cette rupture que je ressentais clairement comme un abandon, j’étais désagréable avec tout le monde, je ne sortais plus, je répondais à peine aux messages de mes amis, je voulais juste être seule et me laisser mourir. Mais se laisser mourir n’est pas chose facile, ça prend du temps quand même .. ! J’ai donc décidé d’accélérer les choses. Je ne savais pas encore quand, je ne savais même pas si j’allais prévoir une date, mais je n’en pouvais plus de cette douleur impalpable présente 24/24h, 7/7 jours… J’avais juste envie de ne plus rien ressentir, j’étais obsédée par cette souffrance qui ne me laissait aucun répit. Evidemment j’ai pensé à mes proches, mais j’étais complètement anesthésiée, obnubilée par mes propres problèmes. Je n’en pouvais plus, j’étais au bout du rouleau, je ne vivais plus, je survivais. J’étais l’ombre de moi-même. Chaque jour qui passait était une épreuve de plus et chaque matin je me demandais si le soir venu je serai encore vivante. Je faisais des « crises de folie » (c’est comme cela que je les appelle, ne sachant pas ce que c’est et n’en ayant parlé à personne) durant lesquelles je pleurais tellement que j’étais secouée de partout (un peu comme une crise d’épilepsie, j’étais secouée de spasmes), je souffrais tellement que je me frappais, me tirais les cheveux, me tapais la tête contre les murs… Je m’auto flagellais, je me punissais d’aller mal. Effectivement, c’est vicieux une dépression : non seulement on va mal, mais en plus on se sent coupable d’aller mal. Je me disais « certaines personnes ont une vie 1 milliard de fois pire que la tienne, de quoi tu te plains ? ». Je ne comprenais pas pourquoi j’allais aussi mal, et pourquoi tous mes efforts (j’ai changé de ville, me suis fait de nouveaux amis, j’ai pris des antidépresseurs, j’ai vu plusieurs psys…) n’y changeaient rien…
Durant plus d’un an, j’avais régulièrement la sensation d’être à moitié folle : je traquais mon ex (j’avais certains mots de passe…), je lui ai fait croire que j’étais enceinte et qu’il était le père, je fouillais dans ses mails et effaçais certaines offres d’emploi (oui oui, je suis allée jusque là), j’allais parler aux filles qu’il draguait pour lui « casser son coup »… Bref j’ai honte de raconter toutes ces choses ignobles que j’ai pu faire, mais je sais qu’à l’instant T je ne me rendais pas compte de ce que je faisais… J’étais beaucoup trop mal pour raisonner correctement, pour réaliser ce que j’étais en train de faire… Je ne voulais qu’une chose : le récupérer et être heureuse à nouveau, quoi qu’il m’en coûte, et peu importe ce que je devais faire pour ça. Il va sans dire que si je n’avais pas développé de dépression, je n’aurais sûrement pas fait toutes ces choses affreuses… J’étais à la fois en colère et infiniment vide, je me sentais comme le néant : rien, voilà ce que j’étais.
On entend souvent que le suicide n’est pas une solution, et c’est faux. C’est une solution, mais pas la bonne. Or à ce moment là je n’avais plus que celle-ci pour me soulager, pour enfin arrêter ce calvaire que je subissais. Je l’ai souvent dit, j’aurais préféré qu’on me casse tous les os du corps un par un plutôt que de ressentir ça, tellement cette souffrance m’était insupportable. J’avais déjà fait des « petites tentatives » avec lesquelles je m’étais loupée (pas assez de médicaments je suppose), et une fois de plus personne n’avait rien remarqué, même pas mes parents.
Le 1er mars 2012, alors que j’étais au fond du gouffre (je ne pouvais même plus creuser), alors que même pleurer était devenu insignifiant comparé à la douleur que je pouvais ressentir en moi, alors que tout me semblait sans intérêt, alors que même mes proches n’arrivaient plus à m’arracher un simple sourire, j’ai découvert que mon ex copain avait une copine depuis 2 semaines, et j’ai eu droit aux photos en prime… ça a été radical : moi qui ne pleurais plus depuis des semaines, je me suis mise à déverser un torrent (que dis-je, un fleuve, un océan entier !!) de larmes, et j’ai pris ma décision. Cette nouvelle et ces photos m’avaient achevée. Il devait être 4h du matin lorsque j’ai décidé de vider la pharmacie. Gober ces cachets et les faire passer avec de l’alcool. J’étais décidée, vraiment. Je pleurais beaucoup en avalant les médicaments… C’était à la fois horrible et une espèce de soulagement intense : « c’est bon, tu vas enfin arrêter de souffrir »… Une fois cette chose faite, je me suis couchée, et j’ai attendu. J’ai commencé à me sentir mal physiquement, à voir flou… J’ai eu peur et j’ai envoyé un message à ma maman, qui a rappliqué in extremis dans ma chambre pour me faire vomir…
En juin j’ai commencé à aller vraiment mieux, en décembre je pensais être guérie (6 mois sans symptômes) et depuis fin janvier rebelote… Je ne pense pas passer à l’acte, mais j’en ai marre de me battre contre quelque chose qui finira visiblement par toujours revenir… J’ai déjà passé 2 ans atroces et je ne pense pas avoir le courage d’affronter une seconde dépression. Le suicide reste une option, bien entendu, mais avec mon expérience et le fait que je me sois rapprochée de ma maman je pense ne plus essayer.
J’espère sincèrement que ce témoignage vous aura aidés, à comprendre, à pardonner, ou autre.
Si vous avez des questions j’y répondrai sans problème!
Je vous souhaite beaucoup de courage dans votre deuil, et espère (encore une fois) que mon expérience aidera certains d’entre vous dans cette épreuve.