Je voulais te dire que ta réponse m'a fait du bien.
Au delà des proches, des amis, des vocabulaires psy, il est bon et rassurant d'échanger avec quelqu'un qui nous comprend, sans qu'un jugement soit posé.
Dans la description que tu as donné, j'ai reconnu effectivement Ludovic.
Après sa disparition, j'ai voulu comprendre, chercher des réponses.
Comme tu l'as mentionné, il y a avait effectivement cette peur terrible de l'abandon, le fait de tout faire, à tout prix, pour ne pas perdre l'objet de son amour. Je ne me suis pas rendu compte que c'était une question de survie pour lui.
En dépit de cette faille, Ludovic me paraissait pourtant extrêmement solide, sensé. C'était quelqu'un de réellement brillant, avec la tête sur les épaules. Il était toujours là pour écouter, régler les problèmes de ses proches, mais finalement ne s'exprimait jamais sur ses propres démons, même à moi.
Il me disait qu'il ne supportait pas son travail (il était professeur) : j'avais tendance à minorer cela, car de mon point de vue, je le voyais extrêmement motivé et disponible pour ses élèves. Les lettres de condoléance que j'ai reçu des parents d'élèves, d'élèves ou de collègues vont tous dans ce sens d'ailleurs et rendent hommage au professeur investi et remarquable qu'il était.
Donc je me suis dit que la vérité était ailleurs, pas dans le travail, que la peur de se retrouver seul, abandonné, était pire que tout, effroyable pour lui.
Nous n'avons jamais vraiment été en conflits, car il était calme et cherchait à tout prix à éviter les disputes. Mais, comme pour toi, nous avons eu des phases de questionnement, de doute. J'avais beaucoup de mal à conserver une relation avec un garçon pour qui j'avais l'impression d'être le centre de tout. Et cela me paraissait incompréhensible car il avait tant de passions : il peignait, sculptait, étaint imabattable sur la musique, ciné, littérature... Mais pour que cela tienne, il fallait absolument qu'il ait une bouée, son objet d'amour à ses côtés. Et je pense que son talent, sa culture, finalement, il l'a cultivé pour plaire à sa mère, symboliquement, pour approcher du fils parfait et obtenir son amour.
Hormis le ressenti que j'avais, Ludovic n'a rien laissé transparaître de ses douleurs intérieurs. Aucune tentative de suicide, aucun mot ou allusion. Sauf que sans moi, la vie lui était impossible. Et la méthode utilisée montrait que ce n'était pas une pulsion. Il est parti en douceur (médicaments) mais était déterminé (asphyxie au charbon de bois et il avait scotché toutes les parois de la pièce). D'écrire cela me fait très mal, car je ne comprends pas comment on peut être si mal qu'on décide de se faire du mal à soit même, de renverser le poignard contre soit... alors que Ludovic n'était coupable de rien.
Comme tu l'as mentionné, Ludovic rentrait dans la catégorie des solitaires qui se sont construits seuls.
Il est parti très jeune de sa famille, avait des liens très distancié avec sa famille, il a eu un shéma d'éducation particulier où son référent, sa personne clé qui s'est occupé de lui était son grand père, qui est décédé il y a longtemps. Donc un solitaire, qui trainait un manque affectif depuis toujours, mais hyper sensible, admirable, touchant, courageux, sensé.... quelle tragédie.
Après ce jours tragique où je lui ai fait part de mes difficultés à me retrouver dans notre relation, j'étais un peu dans la même situation que toi : la relation est compliquée, mais d'un autre côté, vivre sans lui me semblait impossible.
J'ai un peu lu tes quelques messages postés... tu n'as pas à culpabiliser, car au delà de toi, ton conjoint avait aussi vos enfants. Quelque part, cela te montre que "sa maladie intérieure" était plus forte que tout. Eng gros, je pense qu'il t'a dit (...même si la culpabilité est plus forte que tout pour nous) :" la maladie est plus forte que tout, pardon, je pars, mais je vous aime".
Et quelque part, je me dis que Ludovic, même si sa vie aurait été autre, avec des enfants à ses côtés, aurait accompli, je le pense, le même geste.
Ce qu'il n'a pas compris, et ce que ton conjoint n'a pas compris, c'est qu'on aurait toujours été là pour eux, quoi qu'il arrive. et c'est très douloureux de se dire qu'ils n'ont pas compris... et on se dit que si on avait été plus aimant, si on avat été plus démonstratif.... les SI.....SI SI, il l'aurait compris.
Mais je pense que Ludo, comme ton conjoint, savait tout cela, mais que le principe même de l'angoisse de l'abandon, était plus fort...
Qu'aurions nous pu faire? Même si Ludo était un mur quand il ne voulait rien dire (les esquives, les non dits, les changements de sujet, les sourires pour dégoupiller, les silences en attendant que les conflits s'appaisent), je regrette de ne pas l'avoir incité à consulter pour parler de ses souffrances à quelqu'un.
Je n'ai éprouvé aucune colère contre lui, je l'ai entièrement retourné contre moi. Je suis peut etre severe, mais il n'avait que moi, et même dans la mort, je persiste à prendre soin de lui et à endosser sa part de souffrance pour qu'il soit le plus appaisé possible.
Je suis très rationnel, mais crois tu à une vie après la mort? Je cherche parfois des signes, je lui parle, je lui demande pardon en pleurant, mais c'est dur car je suis face à l'océan du vide. Je pense que j'ai du mal à comprendre qu'il est vraiment mort, qu'il ne reviendra plus. C'est encore trop compliqué pour moi.
N'hésite pas à continuer à m'écrire, te te répondrai!!
Un IMMMENSE merci
Quoi qu'il arrive, et même si je ne sais pas comment j'organiserai mon futur, car je suis entièrement tourné vers mon passé (seul moyen de retrouver Ludovic), je reste, non pas attaché à la vie, mais en vie. J'ai pensé à le rejoindre tellement la douleur, le chagrin et le déchirement était fort les premières semaines, maintenant je ne pense pas faire ce geste.
Je n'ai pas souhaité prendre de médicaments, car j'ai voulu, pour Ludovic, endurer ma douleurs pleinement, sans artifice, sans faux semblant ou cache douleur. C'est un moyen de rendre hommage à l'être aimé, de partager des moments, même s'ils sont faits de tristesse, avec lui.