Ludovic,
Le besoin d'écrire est moins vif.
Car le fait de te crier mon chagrin inconsolable du fait de ta disparition est moins présent, car j'ai appris, par la contrainte, à vivre avec cette peine au quotidien.
C'est loin d'être l'extase ou l'enthousiasme cependant hein?!.. tu t'en doutes bien.
Je prend une distance par rapport à ce drame, comme si en l'espace d'un an, la souffrance et le traumatisme ayant été si intenses que j'ai l'impression d'avoir vécu plusieurs vies. ou plutôt que la vie d'aujourd'hui se décolle, n'a plus aucun rapport avec ma vie d'avant, à tes côtés.
Pour autant, je me rends compte, par certains moments, que ta mort est une blessure inguérissable.
J'ai montré des photos de toi à une amie qui a perdu son conjoint par suicide. Je respecte ta pudeur, ton côté taiseux (je suis pareil de ce point de vue, hormis le fait que le regard des autres comptaient plus que pour toi (trop peut-être? chacun ses défauts, je l'apprend humblement), qui avai si tendance (trop peut être?)à t'effacer, mais j'ai souhaité lui montrer ton visage, pour t'ancrer dans la vie d'aujourd'hui, pour qu'elle voit ton regard, qu'elle voit exactement le moindre de tes trait ,ton grain de peau, qu'elle puisse te visualiser tel que tu resteras toujours à mes yeux et dans mon cœur, au delà de la mort, au dela de cette séparation du monde des vivants.
Tu n'es plus là mais, pour moi, tu est et tu resteras. Ce n'est pas un anodin. Il m'appartiendra de te créer un présent, et un avenir, fiché au fond de mon cœur, au delà des souvenirs, car tu as contribué à modifier ma personnalité en faisant mienne les valeurs qui étaient les tiennes et dans lesquelles je me suis retrouvé.
Te voir en photo… un geste anodin. mais le fait de montrer ton visage de toi à quelqu'un qui apprend à te connaître, alors que tu es décédé, reste un exercice si triste et ô combien anormal, inimaginable, tragique et impensable.
J'ai diné avec plusieurs personnes endeuillées par suicide hier.
Une des personnes, qui a perdu sa conjointe et la mère de ses enfants (elle s'appelait Nadine… j'aime rendre hommage par des petites touches à des personnes disparues… une femme perfectionniste, mais fragile, tourmentée dans son travail, trop fragile, trop dure avec elle-même, beaucoup trop dure…).
Ce qu'il m'a dit m'a fait penser aux conflits qui ont écorné un peu le ton du forum du deuil récemment.
Et je me suis dit… peut être qu'on s'est emporté tous trop vite.
Il me disait ceci, après avoir pris RDV avec un médium, lui pourtant très cartésien : le médium lui a dit que son épouse était bien où elle était mais qu'elle devait encore travailler pour résoudre les problèmes qu'elle a connu sur terre, tout simplement. Je lui ai demandé si cette phrase l'avait inquiété… il m'a dit que non. Soit cette affirmation est fausse, pile, soit elle est vraie, face… et dans ce dernier cas, cette phrase ne l'a pas chagriné, bien au contraire.
C'est peut être cela le plus beau finalement.
Au delà de la mort, notre volonté à tous serait que nos aimés, perdus si tragiquement, puisse accéder à un stade où, au delà de l'apaisement qu'ils ont tant recherché, ils trouvent enfin les clés pour résoudre les conflits qu'ils les ont si douloureusement affecté sur terre.
Et qu'on soit des conjoints, des frères, des parents éprouvés… essayer de ne pas se torturer. Nous n'avons pas failli… ou nous n'avons certainnement pas souhaité les blesser.
Je t'embrasse mon Ludo. Du fond du cœur. J'espère que, s'il y a un au delà, il t'a permis de travailler sur toi dans l'appaisement et de résoudre les problèmes qui t'empêchaient d'être pleinement heureux parmi nous.
Et voilà… aucune place pour des conflits de croyance entre qui que ce soit…
du calme, du calme, de l'intelligence, de la maitrise, de la gentillesse et de la sérénité.. voilà ce qui te caractérise le mieux.