Ca me fait très bizarre de vous lire. Ca arrive donc plus souvent que je ne le pensais que quelqu'un se jette dans le vide.
Le 19 octobre, mon compagnon s'est jeté depuis la fenêtre de la véranda du voisin du dessus (pour plus de sûreté ?), nous habitions seuelemnt au 2e.
Il est sorti de l'appartement rapidement, et m'a lancé sans se retourner "je vais voir les boîtes aux lettes". D'habitude il tire la porte. Il est sorti sans fermer et sans prendre sa clé.
Au bour d'un moment, je me suis demandé ce qu'il faisait si longtemps. Je suis descendue aussi. Je ne l'ai pas vu devant les boîtes aux lettres. J'ai avancé un peu plus, et je l'ai vu par terre. J'ai cru d'abord à un malaise, mais sa position était étrange.
Il y avait des voisins autour, qui m'ont dit avoir prévenu le 15. J'ai passé ma main sous sa tête, et il y avait beaucoup de sang. Une infirmière (une voisine?) tâtait une artère et me disait "il a un pouls, il a un pouls". Et les secours qui n'arrivaient pas.
Je lui parlais, je ne sais pas s'il entendait. Son souffle gargouillait et m'arrachait les entrailles.
Les secours m'ont arrachée à lui, "madame vous nous gênez" !, j'ai été happée par les flics, décliné dix fois nos identités.
Dès que je pouvais m'échapper j'allais voir où la réanimation en était. Trois fois ils ont remis son coeur en route. Tout cela en vain : il ne tenait pas, hémorragie interne.
Le pire : les pompiers sont partis en le laisant par terre dans l'entrée, avec juste un drap. Les voisins passaient. Un flic, victime du devoir, a dû rester.
Nous avons attendu très longtemps - embouteillages du vendredi soir- le service des pompes funèbres, lui allongé, et moi assise contre lui, lui tenant l'épaule comme pour le rassurer.
C'était l'épilogue de plusieurs semaines de crise de manie, il n'avait jamais été suicidaire, mais cette fois-ci il "entendait des voix malveillantes". Je ne saurai jamais ce qu'elles lui disaient, sans doute des choses horribles, pour le conduire jusque là.
Je suis encore sidérée, les images de ce jour là défilent, je ne sais jamais quel jour nous sommes, et je n'arrive pas à ressentir du chagrin, j'écoute seulement le Requiem de Mozart (il était musicien aussi) ou le Stabat Mater de Pergolèse, pour essayer de faire sortir les émotions.
Bien sûr j'ai fait tout ce qu'il faut, démarches, courriers, etc., cmme un zombi. Mais j'en suis encore restée à l'étape de la découverte.
Penser à ce qu'il a eu dans la tête en tombant, imaginer la chute et la réception, tout ça me terrifie et me donne envie de vomir.