J'aimai tant le matin , une nouvelle journée à vivre, quelle joie!
Les matins à venir n'auront plus jamais la même qualité, la même pureté
Je me réveille seule, la première image sur ma rétine, c'est le corps de mon mari pendu, son visage sans expression, son regard sans vie,quand je l'ai trouvé ce matin du 1er février 2012
Je revis mille fois le film de ce matin:je me réveille, je me sens bien, tiens Michel est déjà levé, pas un bruit dans la maison
Je traîne un peu, Michel allait mieux depuis hier
Il a sombré dans une dépression brutale et intense le 15 janvier
Le 7 janvier, il faisait des plans pour le pavillon que nous venions d'acheter
le 15 , il voulait le revendre," nous allions droit dans le mur" disait il. alors que nous avions plus que pesé le pour et le contre, le possible ou non, le financement, aucun souci, tout était cadré. c'était lui qui était à l'initiative de ce projet, un petit pavillon avec une belle vue, un terrain arboré, un ensoleillement exceptionnel, un sentiment de liberté et d'évasion,
Il a vu entre le 15/1 et le 1/2 trois fois notre généraliste, une psychologue. le 31 janvier notre généraliste l'a convaincu de voir un psychiatre et d'y aller directement ce qu'il a fait. Quand la secrétaire lui a proposé un rendez-vous pour un mois plus tard, il lui a dit que ce n'était pas possible, elle a posé la question au psy qui lui a donné rendez vous pour le lendemain 21 heures
J'ai travaillé toute la journée, le soir il avait une meilleure voix il semblait aller mieux, je suis sortie au théatre avec des amies, c'était prévu de longue dâte. Quand je suis rentrée nous avons parlé, notre aîné lui avait demandé de lui apprendre à fabriquer une table, c'était un beau projet.
Je lui avait demandé que, s'il se réveillait et s'il avait du mal à rester calme pour se rendormir, de se lever et de dormir dans une autre chambre car depuis 15 jours il avait un sommeil très difficile et il pertubait beaucoup le mien qui dort peu et léger.
Je me lève une demi-heure plus tard que d'habitude , il est 7 heures 35, le séjour est tout éclairé, j'appelle Michel, je m'approche de l'ex chambre des enfants qui est aussi éclairée et, là , je le vois, pendu après la rampe en fer forgé de ses mains avec une rallonge électrique. Je mets le mode automatique, je m'approche de lui, le noeud coulant est trop serré, par chance j'arrive à défaire le noeud sur la rampe ,je défais le noeud coulant, massage cardiaque, appel des secours, massage cardiaque, ouverture des portes, massage cardiaque, réveil de mon cadet , je voulais qu'il apprenne par moi et non par la voiture des pompiers ce qui venait d'arriver, massage cardiaque, arrivée du samu
Mon aîné a vu son père avant de partir travailler, il est parti 1/4 d'heure plus tôt que d'habitude,( il a manqué si peu pour empêcher cela). Ils se sont parlés, mon mari ne dormait pas depuis 2 heures du matin, Michel s'est habillé, a mis son blouson, "je suis certaine qu'il s'apprêtait à aller acheter le pain pour notre petit déjeuner" et que s'est-il passé? Un flash de folie de souffrance insoutenable et il n'a trouvé que ce geste pour la stopper. Nous ne saurons jamais, nous devons apprendre à vivre avec...nous nous poserons sans doute longtemps la question pourquoi ? Je me demande si Michel avait pu être réanimé, s il aurait eu la réponse ...
Je reste persuadée que si la pensée de ses enfants l'avait traversé un millième de seconde, il serait toujours parmi nous. Rien n'était prémédité , nous n'avons pas trouvé de mot, rien .Il a pris ce qu'il a vu la rallonge électrique de mon fer à repasser . Des cordes d'escalade se trouvaient dans un sac dans le séjour et il n'aurait pas fait ce geste dans l'ex chambre de ses enfants qu'il aimait par dessus tout.
Voilà c'est fait, j'ai raconté, j'ai écrit ce moment où notre vie a basculé.
Et je ressens encore et toujours cette sensation de ne rien ressentir, de me regarder vivre.
Marie-O