Auteur Sujet: Mon ami, mon frère  (Lu 5406 fois)

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paul

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Mon ami, mon frère
« le: 19 avril 2015 à 10:37:50 »
Bonjour,

il y a 3 ans, ma meilleure et fidèle amie So (depuis quinze ans) rencontrait Dan, en région parisienne où je vivais. Quand nous avons fait connaissance, lui et moi, ce fut comme un fraternel coup de foudre. Placé en famille d'accueil dans son enfance, il a même cru que nous pouvions être réellement frères, issus de la même petite ville du Sud-Ouest, ayant fait nos études secondaires à Toulouse, dans le même lycée les mêmes années !

Peu importe ce que je sais de sa vie passée, de leur vie de couple dont j'étais le confident partagé. M'étant installé depuis peu en Aveyron, ils sont venus au jour de l'an partager mon isolement en pleine nature. 3 jours de bonheur d'enfants jouant dans les prés,  sur les chemins de la nuit.

Il y a 3 semaines, il allait mal, souffrait de leur prochaine séparation, de son passé, de son avenir sombre. SMS, appels, nous étions en lien quotidien, la nuit aussi. Jusqu'au jeudi matin, quand So, inquiète de n'avoir aucune nouvelle, m'appelle. D'un coup d'œil sur Facebook je découvre le premier message d'adieu d'un collègue de Dan, qui a mis fin à ses jours là où il avait "sa" vie, au travail.
Et là, c'est moi qui l'annonce à celle qui n'était déjà plus sa compagne depuis 3 jours, sa fée, sa lumière, mon amie.

Depuis, je viens lire ici. Je parle à quelques proches, je vais poser des pensées là où nous avons tant ri tous les trois il y a 3 mois.
Le lien avec So est tellement fort que je reste discret, nos conversations tournent autour de Dan, nous pleurons ensemble au téléphone, sa famille l'entoure, je lui laisse l'espace de son deuil. Cette explosion de souffrance entre nous est tellement forte, comme une soudure.

Trois ans, trois semaines, trois jours, merci à ce forum où je dépose ces mots aujourd'hui jour de pluie

Paul

Hors ligne Nora

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Re : Mon ami, mon frère
« Réponse #1 le: 19 avril 2015 à 11:37:17 »
Bonjour Paul,

Ton message me touche, il est plein de sincérité et d'amour.
Nous sommes tous ici atteints par la mort d'un proche. Quels que soient les liens avec la personne, et quelles que soient les circonstances de sa disparition, nous ressentons tous une douleur identique.
Cette douleur vient de la perte de la relation que nous avions avec cette personne. Nous avons perdu la richesse de l'échange, les moments partagés, de joie et de tristesse, la complicité, les souvenirs, les projets, les confidences, la confiance ...nous sommes vides, vides du lien d'amour ou d'amitié.
Cette douleur est teintée de la couleur de la relation que nous avions avec la personne disparue, mais aussi, bien sûr, des circonstances de son décès.
Tu trouveras ici des personnes confrontée comme toi au suicide, avec tous les sentiments qui en découlent, ils te seront de bon conseil.
De mon côté, j'ai perdu mon compagnon après 20 années de chemin ensemble. Il a été emporté par un cancer en 4 mois, à 62 ans.
Ce qui me rapproche de toi est qu'avec lui j'ai perdu non seulement l'amour de ma vie, mais aussi mon âme soeur, mon meilleur ami, mon complice...
Je te rejoins donc par cela, et je pense fort à toi.
Bien à toi

Nora

paul

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Re : Mon ami, mon frère
« Réponse #2 le: 13 mai 2015 à 09:43:52 »
Bonjour Nora,

merci pour tes mots, ta présence et tes pensées. Bénévole à l'hôpital, je côtoie souvent la famille des patients, partage de temps à leurs côtés, et j'entends ce que tu as vécu en écho à mes rencontres de couloirs.

Pour moi, ici à la campagne, la vie et le printemps prennent les devants, le départ de Dan est à sa place, je me sens tranquille et serein.

Mon amie So, elle, de son côté, vit au quotidien dans la région, la ville, l'appartement où sa vie était partagée avec lui
Pour elle c'est vraiment autre chose.
À distance je reste discret : chaque mot de moi peut lui rappeler notre triple amitié, à des moments où elle n'est pas en place, en état on en situation de penser à Dan, peut-être justement dans un moment qui était paisible pour elle.

Alors je reste prêt, avec mes sms. C'est étrange, un sms. On écrit le fond de sa pensée, sans savoir comment l'autre recevra ces mots, cet élan. En percevra-t-il l'humour, le sérieux, le ton ? Impossible à anticiper, difficile à rattraper.
Mais c'est ainsi.

Bien à vous, Nora, lecteurs de passage, je pense à vous

Paul

Hors ligne stellarose

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Re : Mon ami, mon frère
« Réponse #3 le: 14 mai 2015 à 00:10:09 »

Bonsoir Paul,

Je me permets de rebondir sur ta phrase :

"Alors je reste prêt, avec mes sms. C'est étrange, un sms. On écrit le fond de sa pensée, sans savoir comment l'autre recevra ces mots, cet élan. En percevra-t-il l'humour, le sérieux, le ton ? Impossible à anticiper, difficile à rattraper.
Mais c'est ainsi."

Je pense que c'est  là  toute la difficulté lorsqu'on est en deuil, se trouver sur la même longueur d'onde......c'est  rare. Quand l'un va mieux, c'est  l'autre qui plonge et ainsi de suite. D'où  les nombreuses séparations,  surtout dans le cas du décès  d'un enfant.
Ce n'est  pas ton cas, mais tu te poses quand même  la question  et je te trouve très  lucide, peut-être  de par le bénévolat  que tu fais.

Le deuil qui suit un suicide est bien particulier, il est difficile de s'en remettre, il faut du temps pour apaiser tous les dégâts  causés  par la tempête,  beaucoup de temps pour panser  un peu son coeur meurtri.
Tant de questions qui resteront à  tout jamais sans réponses.

L'essentiel c'est  que ton amie sache que tu es disponible pour elle, et qu'elle puisse trouver en toi une écoute  sans jugement.

Et puis tu peux continuer à  écrire, perdre un ami, c'est  aussi perdre une partie de son histoire, de votre histoire et vos rêve.
Avec toute mon amitié.