Auteur Sujet: Infos ....  (Lu 94866 fois)

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Hors ligne Catherine Th

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Les ados c'est comme des hirondelles ....
« Réponse #60 le: 25 janvier 2021 à 07:25:24 »
"Les ados, c'est comme des hirondelles, ça ne doit pas être isolé"
message du psychiatre Xavier Pommereau


Isolés, stigmatisés, invisibles... Xavier Pommereau est psychiatre à Bordeaux, spécialiste de l'adolescence en difficulté. Il nous explique comment les jeunes vivent la crise sanitaire, les symptômes qu'il constate et nous livre ses conseils pour les aider à la traverser. 
 Xavier Pommereau a créé la première unité en France dédiée à l'accueil des jeunes suicidants, il y a presque trente ans au centre Abadie du CHU de Bordeaux. 
 Il un regard très critique sur la politique du gouvernement envers les jeunes. 

Comment, selon le psychiatre que vous êtes, les jeunes vivent-ils  la crise sanitaire et sociale ?
Il faut garder en tête que les jeunes ont bien supporté le premier confinement. Il était assez précis, global et pas très durable dans le temps, deux mois maximum. Et ils l’ont assez bien vécu. Ils respectaient même mieux que certains adultes les règles sanitaires. Ça a commencé à se gâter lors du deuxième confinement. Ils l’ont ressenti comme flou et injuste. Ils ne comprenaient pas pourquoi certains commerces étaient ouverts alors que certains bars respectant les gestes sanitaires ne l’étaient pas.

Ce sentiment d’injustice s’est aggravé avec le temps. Et aujourd’hui, ils redoutent un troisième confinement. Ce qui les inquiète aussi, c'est la dévalorisation de leur diplôme ou examen. « Tu as eu ton bac covid mais il ne vaut rien. »

Quels symptômes constatez-vous ?

Face à ces difficultés, certains ont des crises d’angoisse qui surviennent sans cause déclenchante.  La gorge qui se serre, la poitrine qui se comprime, une sensation de ne plus bien respirer… Des crises d’angoisse aigües qu’ils n’avaient pas développées avant et qui sont provoquées par cette situation.  
Certains développent aussi un repli dépressif. Ils se replient dans leur chambre. Ils se réfugient dans des jeux vidéo, ne font plus que ça. D’autres se coupent de leurs amis ou, au contraire, vont sur les réseaux sociaux pour trouver de l’appui. Ils découvrent que le distanciel ne se suffit pas à lui-même. En temps normal, ils vont tous sur les réseaux sociaux. Mais il y a aussi du présentiel. Là, ils ont l’impression d’être isolés. Il leur manque la relation avec les autres. Les étudiants plus que les autres.

On a supposé qu’ils seraient  capables de supporter les cours à distance. Mais ils sont comme les collégiens, les lycéens, ils ont besoin de voir les autres. Certains décrochent. Ils ne suivent plus les cours. Ils ont le sentiment d’être noyés, d’avoir davantage de travail. Certains ne s’habillent plus, ne se lavent plus, ne quittent plus leur lit dans leur chambre universitaire. Ils vivent ce que vivraient, toute proportion gardée, les gens dans des ghettos.

Ils n’acceptent pas qu’on entende parler des remonte-pentes et pas des universités. Ils ne comprennent pas pourquoi la fac reste fermée alors que, le samedi après-midi, la rue Sainte-Catherine est noire de monde. Ils se sentent discriminés. On les stigmatise en croyant à tort qu’ils passent leur temps à transgresser les règles, à participer à des fêtes sauvages, à des raves comme à Rennes. La plupart ne font pas cela. Ils sont souvent loin de leur famille. Ils ont perdu la ressource qu’étaient les petits boulots.

Leur avenir incertain les inquiète-t-il ?

Ils ne sont pas contre payer la dette de la Covid. Ce qui les inquiète, c’est de voir qu’ils vont avoir du mal à trouver du travail, une orientation. Ils pressentent que de nouveaux métiers vont émerger dans l’écologie  mais on ne leur dit rien. Le discours du pouvoir public parle d’éoliennes, de développement durable  mais pas des emplois que cela va amener. On se contente de dire « on pourrit la planète » sans leur donner les moyens d’agir. Ils n’ont pas accès à des conseils. Avoir en face de soi le portail de parcoursup pour choisir son orientation, c’est inquiétant. Je ne comprends pas une telle ignorance de la gravité des implications pour les jeunes.

Sans parler de l’effet des masques. Ils ne peuvent plus se serrer dans les bras, s’embrasser à un âge où l’on a besoin de faire corps avec les autres. Les relations amoureuses sont virtuelles.  Ils en souffrent énormément. Les ados, c’est comme les hirondelles, ça ne peut pas être isolé. C’est comme s’ils n’existaient pas. Il n’y a aucun message à leur destination pour le vaccin. Aucun  calendrier.  

Comment les enseignants, les parents, les adultes peuvent aider les jeunes ?

Il faut qu’on s’exprime, qu’on dise qu’on n’est pas d’accord. C’est ce que je fais en répondant à vos questions.  Et il faut réintroduire du présentiel dans le respect des gestes barrière. Dans notre centre, nous tenons des réunions en présentiel, deux fois par semaine. Je vais des visios mais cela ne suffit pas.  De la même façon, tel enseignant qui va avoir 12 étudiants qui font leur mémoire, il faut qu’il les rencontre en petit groupe. C’est scandaleux en terme de méconnaissance du fonctionnement de ces jeunes dits « du numérique ».

Certains responsables politiques croient que parce qu'ils sont fluides avec le numérique, le présentiel leur suffira.  Le comité scientifique n’inclut aucun psy. Il n’est question que de quantité de vaccins….

Nous sommes interrogés par les médias mais pas par le gouvernement. Notre boulot, c’est de s’occuper des jeunes mais on ne nous demande rien. C’est très mauvais que les responsables politiques se coupent de la jeunesse.

Et les parents ?
Les parents, il faut qu’ils soient compréhensifs. Surtout ne pas supprimer le portable. Ne pas leur laisser la nuit le jour, bien sûr mais peut-être aménager des plages horaires. Il faut les encourager à prendre l’air et être avec d’autres, favoriser des moments de rencontres en respectant les règles sanitaires. Certains parents, par exemple, sont d’accord pour que leur enfant fête son anniversaire en tout petit comité, moitié en extérieur,  moitié dedans. S'ils invitent des copains à la maison, certains parents ont peur qu’ils apportent la covid. Ils se sentent pestiférés.


*********************************************************************************

Pas pour la personne qui a écrit mais pour le contenu ! L’inquiétude pour les étudiant-e-s, leur santé mentale, le fait qu’ils soient actuellement particulièrement isolé-e-s, exclu-e-s et aussi muselé-e-s ciblé-e-s par certaines mesures …


«  On en a plein le derrière.
Et je reste poli, je pense à ma mère.
Y en a marre.
Ca suffit.
On vous a donné un an, oui, tout un printemps à l’isolement, avec les Ausweis pour sortir, les parcs et jardins interdits, les enfants enfermés, les grands-parents qui ne voient plus les petits. Et depuis, c’est pire, on vasouille, déconfinement, re-confinement, re-déconfinement, et peut-être, bientôt, le re-re-confinement, plus les couvre-feux à 20 h, à 18 h, les commerces ouverts, fermés, ouverts, les pas plus de six à table.

On patauge, on pédale dans la semoule.
On vous a donné un an, un an pour tout rater, les masques, les tests, les vaccins.
On vous a donné un an d’obéissance, de docilité comme jamais, mais maintenant, y en a ras le bol.
Ma claque.

Ca craque.
Fin décembre, je rencontrais le président de l’Université de Picardie : « On a fait passer des questionnaires auprès de nos étudiants, il me racontait, sur les 3450 réponses qui nous sont remontées, 20 % ont scénarisé leur suicide. »
Waouh.
Ca me paraissait énorme.

J’avais beau les entendre, les lire, ces témoignages, de Maëlys : « J’ai envie de me taper la tête sur la table, tellement je n’en peux plus », Jessica, « Je pleure tout le temps, je ne me fais même plus à manger, je passe mes journées allongée dans mon lit », de Yann, « J’ai même picolé seul dans ma chambre tellement j’étais désespéré », j’avais beau, 20% de notre jeunesse étudiante qui aurait scénarisé son suicide, y a un biais d’enquête, je me disais.

Et puis, vient de tomber, l’étude, nationale, elle, de Santé Publique France.
Près de 30%, 29% exactement, des 18-25 ans sont en dépression.
50 %, la moitié, un sur deux, sont inquiets pour leur santé mentale.
Et certains, combien ?, ne se contentent pas de le scénariser, leur suicide. Cette semaine, un étudiant vient de se défenestrer à Lyon. En novembre, c’est à Nice, à Montpellier, que deux drames survenaient. Et un autre, en octobre, à Nancy. Les organisations étudiantes vous demandent cela : combien de suicides ? Combien ?
Nous l’ignorons.
Vous l’ignorez.


Et vous répondez à la détresse par un numéro vert !
C’est de la faute au virus, vous me direz. Oui, évidemment, en partie.
Mais c’est de la faute, aussi, à votre politique.

D’abord, parce que vous n’en avez rien à secouer, de cette santé mentale. La preuve ?
Dans votre conseil scientifique, dans votre conseil de défense, pas un seul expert, pas un seul médecin, pas un seul statisticien qui travaille là-dessus, sur la santé mentale. C’est la marque, évidente, que ça ne pèse pas dans la balance, ces dépressions, ces idées suicidaires, ce mal-être psychique. Que dans vos décisions, ça ne compte pas.
Vos décisions, justement, quelles décisions ? Comme un ça va de soi, à l’automne, vous fermez les amphis, vous fermez les facultés, vous fermez les universités. Les profs se débrouilleront avec Zoom, ils feront de la visio, c’est l’avenir, quoi, le numérique, qu’ils s’y mettent enfin, ces ringards, l’occasion de moderniser tout ça, de massifier pour pas cher.

Les usines tournent.
Les sites Amazon tournent.
Cet amphi, ici, de 577 personnes, tourne.
Mais les autres amphis du pays, eux, doivent fermer. Pourquoi ? Après quelles discussions ?
Après zéro discussion.

Où met-on en question que, au fond, on enferme les jeunes pour protéger les plus âgés ? Ni ici ni ailleurs.
Où examine-t-on le pour et le contre de mesures plus ciblées, sur les plus fragiles, sur les plus à risque, plutôt qu’un confinement généralisé ? Plutôt qu’un pays mis à l’arrêt ? Ni ici ni ailleurs.

Alors, je viens ici, pas pour pleurnicher, mais avec une demande claire, nette, précise :
Rouvrez les amphis.
Rouvrez les amphis !
Rouvrez les amphis !
Décidez-le tout de suite, et faites-le très vite.

Si, demain, vous re-confinez le pays, eh bien vous les re-confinerez avec. Vous les re-confinerez avec les entreprises. Vous les re-confinerez avec les lycées, avec les collèges, avec les écoles. Soit. Comme toute la Nation. Mais pas, aujourd’hui, contre eux, une loi d’exception.
Cette demande de bon sens, vous n’en ferez rien, et je veux dire pourquoi.
Pourquoi, depuis un an, l’enfermement des jeunes.
Pourquoi leur mort sociale.
La réponse est simple :
Ils ne votent pas, ou peu.
Ils ne sont pas, ou peu, organisés.
Ils ne protestent même plus.

« S'il ne fait aucun doute que des révoltes ont existé, écrivait Max Weber, ce qui appelle manifestement une explication, c'est surtout le fait qu'elles n'aient pas été plus nombreuses. »
Et oui, j’espère, j’aspire, à une révolte des jeunes.
Que leur vitalité se répande en cris, en manifs, plutôt qu’une une résignation mortifère, solitaire.
Oui, je préfèrerais qu’ils prennent la rue plutôt que du Xanax. »

François Ruffin
18 janvier 2021

Hors ligne Faïk

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Re : Infos ....
« Réponse #61 le: 25 janvier 2021 à 12:11:39 »
Merci de mettre un coup de projecteur sur la détresse des jeunes, bien souvent pointés du doigt. Et spécialement en ce temps de crise sanitaire  !
On a beaucoup glosé sur leur irresponsabilité.. A mon avis bien partagée par des moins jeunes...
Et quand bien même ? Loin de moi de vouloir absoudre  tout comportement, mais une certaine forme d'insouciance, si on veut l'appeler comme ça, n'est-elle pas un privilège des jeunes années ? Nous-mêmes la pleurons bien des fois... Et nous aussi nous avions et avons des devoirs envers eux.

Les quelques mesures prises dernièrement ne sont le reflet que de l'urgence. Mais quand un service de santé est détricoté depuis tant d'années, que la logique économique prime sur tout et tous, on ne peut guère espérer remédier au coup par coup, dépassés bien souvent par les événements qui vont plus vite que nous. Rafistolage de dernière minute, populiste et même pas populaire..

2 jeunes adultes, mes enfants dont je suis séparée par des kilomètres. L'un travaillant dans la culture, à l'arrêt depuis des semaines, l'autre dans le médical à qui on demande de travailler sans cesse, en exhortant  les deux à être "raisonnables", au mépris de leur isolement ou de leur risque d''être contaminés ... Voilà le choix qui leur est offert.
Alors oui on peut les plaindre. Et avoir une pensée pour leur avenir, car c'est aussi à eux que reviendra de payer l'ardoise... Toutes les casses.

Misère...

« Modifié: 25 janvier 2021 à 12:45:43 par Faïk »

Hors ligne Catherine Th

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5 Février : Journée Nationale de Prévention du Suicide
« Réponse #62 le: 01 février 2021 à 23:51:12 »
Thème de la journée nationale de prévention du suicide de février

"Plaidoyer pour une prévention partagée : écouter, faire entendre, agir ensemble"

Philippe

Cette année, évidemment et malheureusement les temps sont par internet …
(présentation de certains, d’autres en plus, bien peu, répertoriés ici : https://blogdinfosuicide.blogspot.com/2020/12/theme-jnps-2021-25-emes-journees.html )

Tout d’abord une très courte vidéo dessinée illustrant la chaîne de prévention du suicide : CHACUN-E a un rôle à jouer (avec sur la fin, un appel à soutien pour les endeuillé-e-s) :
https://www.dailymotion.com/video/k3gX5CkjGCsm5zwB48k

"Un dessin vaut souvent mieux qu’un long discours. Qu’est-ce que « la chaîne de prévention du suicide » ?
3 minutes pour comprendre avec une vidéo dessinée, créée par la Mutualité Française Bretagne à destination de tous ses partenaires et acteurs de prévention de la souffrance psychique et du suicide. Ainsi, professionnels, élus et bénévoles concernés peuvent comprendre que, dans ce vaste domaine, chacun a un rôle à jouer !
"


5/02/2021 Limoges (87)

Le CHE organise une campagne de sensibilisation dans le cadre de la Journée Nationale de la Prévention du Suicide. Une permanence au Pôle des Usagers aura lieu le 5 février 2021 de 10h à 12h30 et de 14h à 16h30 et sera animée par la Coordinatrice de la Prévention du Suicide en Limousin.
En 2021, la thématique de cette prévention est : Ecouter, Faire ensemble, Agir ensemble.
Familles, Soignants, Etudiants, vous pouvez vous inscrire au Pôle des Usagers, nous vous attendons !

Tel : 05 55 43 10 95
pdu@ch-esquirol-limoges.fr


5/02/2021 l’UNPS

A l’occasion des 25èmes Journées nationales pour la prévention du suicide (JNPS), l'Union Nationale pour la Prévention du Suicide (UNPS) propose un forum digital de 10h à 12h et de 14h à 16h:

"Plaidoyer pour une prévention partagée : Écouter, Faire entendre, Agir ensemble"

Cette année, pour des raisons liées au contexte sanitaire, la journée se tiendra toujours en direct mais uniquement sur internet et en 4 séquences de 30 à 45 mn:

A) LA PRÉVENTION DU SUICIDE BOUSCULÉE PAR LA COVID … DURABLEMENT ? (10h – 10h45)
B) VIOLENCES, ADDICTIONS ET PRÉVENTION DU SUICIDE : L’IMPACT DE LA CRISE SANITAIRE (11h – 11h45)

C) ÉDUCATION, TRAVAIL ET SANTÉ MENTALE : L’IMPACT DE LA CRISE SANITAIRE (14h – 14h45)

D) DEMAIN, TOUS ACTEURS D’UNE PRÉVENTION DE PROXIMITÉ PARTAGÉE ? (15h-15h45)

Programme : https://www.unps.fr/unps_images/jnps-2021/jnps-2021-programme-5-fevrier.pdf
Inscription : https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSdYp1amlZ62pdLS1xwI3PtoBCZ4GsRcAcqr5wnJrl1FL0ysHw/viewform


le 17/02/2021 Bretagne

 Une visioconférence "Repérer la souffrance" est proposée le mercredi 17 février 2021 de 14h à 17h. Elle s'adresse aux professionnels, élus et bénévoles amenés à être en relation avec le public et à accueillir leurs paroles et souffrances.
Visuel ci-joint, avec Inscriptions en ligne : https://padlet-uploads.storage.googleapis.com/105972333/3067ed115a468513857f35759a903f62/Visio_Rep_rer_la_souffrance_17_f_vrier_2021_14h.pdf

Un dessin vaut souvent mieux qu’un long discours. Qu’est-ce que « la chaîne de prévention du suicide » ? https://www.dailymotion.com/video/k3gX5CkjGCsm5zwB48k

Cette vidéo sera intégrée au futur site internet « Ensemble Veillons » destiné aux acteurs de la prévention du suicide en Bretagne. Il est actuellement en cours de création et paraîtra au premier semestre 2021. 
Informations contact :
Pauline LE FAUCHEUR,
Chargée de prévention
Mutualité Française Bretagne
07-87-74-72-27
plefaucheur@bretagne.mutualite.fr

Hors ligne Adnarag

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Re : Infos ....
« Réponse #63 le: 02 février 2021 à 09:57:34 »
Quel magnifique blabla !

La vidéo est remarquable : elle va permettre de sauver plein de vie dès demain !

Depuis le temps que l'on forme des élus à la reconnaissance du suicide ! ...

Le numéro personnel de Pauline LEFAUCHEUR ?

J'ai presque envie de dire merci à la covid de permettre cette année une diffusion uniquement par le web ! Il y aura peut-être alors une certaine visibilité !



" Qui sait, demain, vous aurez peut être dans le reflet du soleil ... de nouvelles joies qui méritent la peine."
K.

Hors ligne Catherine Th

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PHARE Enfants-Parents lettre ouverte pour la journée "prévention suicide"
« Réponse #64 le: 04 février 2021 à 08:55:58 »
PHARE
Enfants-Parents

LETTRE OUVERTE à Monsieur le Premier Ministre
à l’occasion de la 25e Journée Nationale de Prévention du Suicide - 5 février 2021

*******************************************************************************************

Jeanne 12 ans, Tim 12 ans, Romain 13 ans, Thibaut 15 ans, Clémence 17 ans, Hadrien 17 ans, Marko 18 ans, Raphaël 18 ans, Renaud 21 ans, Maxime 22 ans, Amandine 27 ans …
Ces jeunes se sont récemment donné la mort

Ils font partie de la terrible statistique des 10 000 suicides annuels en France.

Le coût humain, social, moral et économique du suicide est immense et sans doute jamais mesuré dans toutes ses dimensions. Tout porte à croire que la situation s’aggrave avec les effets de la crise sanitaire, tout particulièrement pour les jeunes, dont le mal-être est patent et désormais reconnu dans les discours politiques. Il ne fait cependant pas l’objet de mesures globales et concrètes de prévention, même si le« chèque-psy » est un début de réponse. C’est un énorme gâchis humain, pourtant évitable comme l’affirme l’OMS. Ces vies brisées privent la société d’une source de richesses essentielles à son devenir.

Nous en avons la conviction. C’est le but de l’association PHARE Enfants-Parents, qui œuvre depuis 30 ans sur le terrain de la prévention du mal-être et du suicide des jeunes et qui, au quotidien, répond aux demandes des parents de jeunes en souffrance pour éviter les passages à l’acte fatal. Notre action, si elle est d’une grande utilité, est extrêmement limitée compte tenu du manque de moyens financiers.  La prévention du suicide relève d’une volonté politique résolument active afin d’infléchir cette triste réalité et non pas seulement en période de crise sanitaire.


Monsieur le Premier Ministre, nous vous demandons de mettre en œuvre des mesures efficaces et concrètes :


 Engagez un vaste programme de prévention du suicide en faisant jouer les synergies des différents départements ministériels concernés : Santé, Education Nationale, Aide Sociale, Police, Justice, avec les associations spécialisées,

Donnez aux territoires les moyens d’assurer localement les dispositifs de prévention, notamment des centres de prise en charge pluridisciplinaire alliant soins, éducation, accompagnement social et protection judiciaire,

Faites développer la formation des médecins généralistes, professionnels de santé et de tous les acteurs médico-sociaux et associatifs au repérage de la crise suicidaire,

Luttez contre toutes les formes d’incitation à l’autodestruction, en particulier sur internet et les réseaux sociaux et contre les facteurs de mal-être comme le harcèlement, l’abus sexuel,

Favorisez l’épanouissement des enfants, dès la petite enfance, par une école respectueuse des plus vulnérables,

Encouragez les institutions intermédiaires entre les familles et la société


PHARE Enfants-Parents, et toutes les associations qui œuvrent au quotidien, attendent de votre part des engagements, des actes et des moyens. Au moment où la vie et la santé des citoyens sont une priorité pour votre Gouvernement dans la lutte contre le coronavirus, vous ne pouvez pas négliger ce combat pour la vie.

Ainsi, Jeanne, Tim, Romain, Thibault, Clémence, Hadrien, Marko, Rafael, Renaud, Maxime, Amandine,
ne seront pas morts pour rien.



PHARE Enfants-Parents-Association d’intérêt général Prévention du mal-être et du suicide des jeunes -5, rue Guillaumot -75012 PARIS
Secrétariat : 01.42.66.55.55 - Écoute : 01.43.46.00.62  -Email : vivre@phare.org- Site : www.phare.org
« Modifié: 04 février 2021 à 09:04:47 par Catherine Th »

Hors ligne dom1

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Re : Infos ....
« Réponse #65 le: 10 février 2021 à 21:14:07 »
Un film à voir et revoir pour tenter de comprendre le processus étrange, et sans retour possible, qui conduit à la fin ceux qui renoncent à vivre...
Domi...

https://youtu.be/iCJ2GawC4DY

« Modifié: 10 février 2021 à 22:00:13 par dom1 »

Hors ligne Catherine Th

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Trop tard pour les nôtres ... peut-être pas pour d'autres ...
« Réponse #66 le: 13 février 2021 à 01:00:21 »
Lettre d’appel de la maman d'Adrien, endeuillée par suicide ... parce que même s'il est trop tard pour les nôtres, nous ne voulons pas que "ça" arrive à d'autres !

Elle propose, pour les endeuillé-e-s par suicide qui le souhaitent, de faire aussi une lettre témoignage à diffuser un max (réseaux sociaux et ...)
"Vous pouvez reprendre une partie de ma lettre, ajouter votre texte, votre ressenti, votre colère !
A nous tous et toutes nous toucherions le cœur et focaliserions le regard de milliers de personnes et peut-être bien davantage !
Tous et toutes ensemble c'est possible
. "


"En France la prévention du suicide n’existe pas c’est un sujet tabou !

Adrien venait d’avoir 25 ans et « avait tout pour être heureux. » Et pourtant il s’est suicidé le 24 juillet 2018.
Ingénieur Supaéro, il avait permis à Thalès de développer un brevet pour permettre à un drone de suivre la trajectoire d’un avion de chasse. Une application militaire secret défense appelée : « compagnon de vol ». Il chantait et jouait du violon dans deux orchestres et pilotait des avions. Il était passionné, passionnant, calme, posé, lucide, consciencieux, travailleur acharné, raisonnable, créatif inspiré…et surtout un vrai gentil. Il avait accompli tous ses rêves.

Mais ses vulnérabilités, son hypersensibilité l’ont rattrapé. Le psychiatre qui le suivait à Toulouse n’a rien vu. Rien ! Aucune psychose.
Nous ses parents avons été écarté du processus de soins. Il était adulte.

Aujourd’hui, 5 février, en cette journée nationale de prévention du suicide il est temps de dire combien le tabou du suicide tue. C’est à travers un livre témoignage qui retrace toute sa vie et qui sera bientôt publié que nous l’écrivons.

En France il n’y a pas de véritable politique de prévention des maladies psychiatriques et du suicide. Prévenir le suicide c’est prévenir les conséquences de cet empilement de fragilités, de vulnérabilités qui sont observées souvent 10 ans avant par les familles. Mais qui les aident à détecter puis à comprendre ces signaux faibles s’ils ne peuvent être intégrés au processus de soins dès lors que leur enfant est majeur ?
Le suicide, c’est un sujet tabou, oui parce qu’il serait « contagieux » ?

En attendant la somme des vulnérabilités des jeunes explose en pleine lumière. Et les plus fragiles ne parviennent plus à faire face à leur mal-être.

Les progrès de la recherche sont encore extrêmement limités dans ce domaine car le budget du gouvernement Français est ridicule : « les budgets alloués à la prévention du suicide (15 millions d’euros chiffres 2011 à 2014) sont cent fois plus faibles que ceux qui sont alloués à la prévention routière (1.5 milliard d’euros). Alors que « le suicide chez les jeunes est désormais la première cause de mortalité chez les jeunes de 15 à 30 ans ». La psychiatrie est le parent pauvre de la médecine. Et pourtant nous observons une explosion du mal-être des personnes depuis des années, amplifié notamment depuis la crise de la Covid19. On attend beaucoup des recherches sur le cerveau en neurosciences, mais le futur n’est pas aujourd’hui.

Il est habituellement convenu, dans les médias, qu’on ne parle pas des morts par suicide. Pourquoi ? Pour éviter que des personnes vulnérables ne passent à l’acte dans les heures, les jours, les semaines qui suivent la nouvelle. Mais comment, alors, traiter un mal qu’on ne peut pas nommer ? Comment prévenir le pire, surtout en ces temps de crise sanitaire ou la solitude des jeunes adultes (15 – 30 ans) est sournoise, insondable et cachée.

Quand on refuse de parler du suicide, on refuse de donner la chance d’en parler à ceux qui pensent au suicide.

Quand on refuse à des parents d’accompagner le mal-être de leur enfant parce qu’il est adulte, on prive le médecin d’un éclairage sur son histoire, ses éventuelles vulnérabilités. On prive les parents de leur parole, celle qui aurait pu éclairer le médecin dans son accompagnement. Le jeune en mal-être lui n’est déjà plus en mesure ni de la comprendre, ni de l’exprimer.

Pourquoi le gouvernement ne déploie-t-il aucun budget à la prévention du suicide comme celle du cancer ou d’autres maladies ? Le suicide n’est pas une fatalité. C’est une impasse de vie à un moment donné qui s’il était prévenu permettrait de prévenir des drames qui touchent comme une bombe atomique de nombreuses familles et bien au-delà. Cela n’arrive pas qu’autres, et si c’était vous demain qui étiez concernés ? Personne n’est à l’abri du désespoir !

C’est le constat que font de nombreux médecins et des associations comme Phare-Enfants-Parents qui aujourd’hui écrit une lettre ouverte au premier ministre."

Lyon, ce 4 février 2021, Marie-Régine de Jauréguiberry, maman d’Adrien

Hors ligne dom1

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Re : Infos ....
« Réponse #67 le: 02 mars 2021 à 06:13:30 »
À écouter...

<iframe src="https://www.franceculture.fr/player/export-reecouter?content=b4b80e53-05e9-469f-afd2-8011eabb4823" width="481" frameborder="0" scrolling="no" height="137"></iframe>

Hors ligne assiniboine

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Re : Infos ....
« Réponse #68 le: 23 avril 2021 à 08:14:16 »
Monsieur Gérard Larcher président du sénat a rencontré madame Thérèse hannier présidente de l association phare enfants parents le 23 fevrier

Enfin et c est formidable

Bravo a cette association tenace qui récolte les fruits de son combat

philippe
« Modifié: 23 avril 2021 à 08:16:38 par assiniboine »

Hors ligne Catherine Th

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assos, groupe de parole
« Réponse #69 le: 25 mai 2021 à 07:02:27 »
Rare sont les associations, les groupes de paroles dédiés spécifiquement aux endeuillé-e-s par suicide (mis au début et ensuite ceux plus larges) (je complèterai plus tard ...)

PHARE « Enfants-Parents » https://www.phare.org/ tél. : 01.43.46.00.62

en plus d’un important volet « prévention du suicide », l’association a mis en place :

- Une ligne d’écoute : 01 43 46 00 62 est à votre disposition avec des écoutants formés. Du lundi au vendredi de 10 heures à 17 heures.

-  Des groupes de paroles pour les parents endeuillés par le suicide  https://www.phare.org/721
 (pour l’instant à Paris mais des parents de différentes régions s’y retrouvent
si des personnes se forment dans d’autres régions : groupe de paroles ok

- Des entretiens individuels, des entretiens de couple ou familiaux, gratuits et confidentiels, vous sont proposés avec une psychologue dans les locaux de l'association.


(74) Annecy Groupe de soutien aux personnes endeuillées par le suicide d'un proche
 
"Une personne qui compte pour vous s’est donnée la mort, récemment ou il y a longtemps. Au cours de ce deuil particulier, il peut être aidant de vous entourer, de partager votre vécu, d'échanger avec d'autres, d'écouter leur témoignage."
 
Les prochaines rencontres débuteront en septembre 2021 et se tiendront une fois par mois à Annecy.
Le groupe est gratuit, laïque et ouvert aux personnes majeures. Il est animé par deux psychologues.
Vous pouvez nous contacter au 04 50 63 62 99 du lundi au vendredi, de 9h à 16h. Nous prendrons le temps d'échanger sur le fonctionnement du groupe.

http://www.cdom74.fr/images/actualites/actu-medecins/Flyer_-_Groupe_de_soutien_personnes_endeuilles_par_suicide_web.pdf
« Modifié: 18 juin 2021 à 08:24:00 par Catherine Th »

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livres-témoignages
« Réponse #70 le: 25 mai 2021 à 07:09:59 »
(comme les autres rubriques : ça sera complété !)

Vivre avec  Nos chemins après le suicide de nos enfants
 
Ce livre est le fruit d'un long travail de réflexion et d'écriture d'un groupe de parents endeuillés par le suicide leur enfant (PHARE Enfants-Parents).

Ouvrage d’écriture collective offrant des témoignages poignants mais aussi des messages, des poèmes, des souvenirs …

« Je vous invite à découvrir sans crainte leurs récits, à entrer dans leurs parcours intimes. Ils sont riches d’une douloureuse expérience qui ne peut nous laisser insensibles certes mais qui nous insuffle une conviction évidente que la vie est précieuse.

Qui étaient ces enfants ? Pourquoi ces enfants aimés ont-ils sombré dans le désespoir ou la pathologie mentale ? Quelle était leur vulnérabilité qui les a fait basculer vers le néant ? Aspirés sans doute vers un monde qu’ils voulaient meilleur, propulsé par une énergie pour mettre fin à leur souffrance. Pouvait-on arrêter leur course folle vers la mort ?
 
"...J’avais à cœur de faire sortir de la confidentialité le fruit de la réflexion de ces parents meurtris à jamais. Le suicide est vécu par la société, collectivement et individuellement, comme un événement suspect, entaché de sordides motifs, marqué par le sceau de la peur et des représentations transmises de génération en génération par les religions, par les cultures.

Il s’agit là de s’approcher d’une réalité. Le suicide peut frapper n’importe quel individu, n’importe quelle famille, de quel que milieu que ce soit.

Le geste suicidaire porte en lui un message. Celui qui peut être livré au travers de ces témoignages est celui de parents désireux d’être utiles dans la recherche de la prévention en apportant un éclairage sur des circonstances précédant le passage à l’acte.

Cet ouvrage n’est pas seulement destiné à ceux qui ont déjà vécu ce drame. Il présente un intérêt pour tous ceux qui, personnellement ou professionnellement, sont confrontés de près ou de loin au mal-être profond d’un être humain..
."

extraits de la Préface de Thérèse HANNIER, Présidente de PHARE Enfant-Parents

Ce livre est en vente à l'association au prix de 15 Euros (+5 euros de frais d'envoi) ou sur commande auprès de l'association PHARE Enfants-Parents : 5 rue Guillaumot 75012 PARIS.

***************************************************************


« Avec toutes mes sympathies »de Olivia de Lamberterie

présentation :

"Les mots des autres m’ont nourrie, portée, infusé leur énergie et leurs émotions. Jusqu’à la mort de mon frère, le 14 octobre 2015 à Montréal, je ne voyais pas la nécessité d’écrire. Le suicide d’Alex m’a transpercée de chagrin, m’a mise aussi dans une colère folle. Parce qu’un suicide, c’est la double peine, la violence de la disparition génère un silence gêné qui prend toute la place, empêchant même de se souvenir des jours heureux.
Moi, je ne voulais pas me taire.
Alex était un être flamboyant, il a eu une existence belle, pleine, passionnante, aimante et aimée. Il s’est battu contre la mélancolie, elle a gagné. Raconter son courage, dire le bonheur que j’ai eu de l’avoir comme frère, m’a semblé vital. Je ne voulais ni faire mon deuil ni céder à la désolation. Je désirais inventer une manière joyeuse d’être triste.
Les morts peuvent nous rendre plus libres, plus vivant
s. »

Extraits
 
«Le suicide d’Alex m’a transpercée de chagrin, m’a mise aussi dans une colère folle. Parce qu’un suicide, c’est la double peine, la violence de la disparition génère un silence gêné qui prend toute la place, empêchant même de se souvenir des jours heureux. Moi, je ne voulais pas me taire. »

« Alex, je ne veux pas voir mourir sa mort. Je veux en éprouver toutes les particules, les revendiquer, y puiser des ressources insoupçonnées, explorer cet inconnu, porter un brassard noir, hurler au scandale, scruter les cieux, comprendre. »

« Notre famille nous a fabriqué taiseux, cette incapacité à exprimer des sentiments intimes complique pas mal les relations humaines, mais c'est ainsi
. »

« Mais pourquoi tu l’aimais tellement ? me demande-t-on souvent. Un frère, c’est les parents sans les incompréhensions et les emmerdements. »

« Mon frère était la seule personne à qui je me confiais. Nous étions deux muets qui l'un en face de l'autre retrouvaient l'usage de la parole. »

« Nous avons été désirés, choyés, aimés. Les incompréhensions et maladresses sont inhérentes aux relations entre les parents et les enfants, elles n’en sont pas les explications. Nous sommes responsables de nos vies ... »

« J'ai écouté le bruit des clés séparant le monde qui tourne au carré et le monde de ceux qui ne tourne plus rond. »

« On va te sortir de là.
Non, je suis bien ici. »
À ces mots, auxquels j’ai souvent pensé par la suite, j’ai compris à quel point mon frère était ailleurs, tombé dans un de ces trous noirs de l’univers dont les chercheurs tentent de percer les mystères. »


 « Est-ce une pathologie de juger la vie dégueulasse? Oui, certainement, quand on a une femme qu'on aime et qui vous aime, des enfants merveilleux qu'on aime et qui vous aiment, un boulot chouette et une belle maison, m'a un jour assuré un ami bien attentionné. Malade ou lucide? Je ne peux pas m'empêcher de le trouver clairvoyant. La société dans laquelle on vit mérite-t-elle tellement qu'on s'y attache? »


« J'écris pour chérir mon frère mort. J'écris pour imprimer sur une page blanche son sourire lumineux et son dernier cri. Pour dire ce crime dont il est à la fois la victime et le coupable. A moins que nous ne soyons tous coupables, nous qui n'avons pas su l'empêcher, ou tous victimes, nous qui ne vivrons plus qu'à demi. Mais je ne crois pas qu'on empêche les gars de son espèce désespérée de se suicider. Est-ce un service à leur rendre ? C'est une vraie putain de question. »

« Parler de sa mort, donc de la façon dont il a choisi de se la donner, est tabou. C’est la double peine, silence et silence. Parfois, on croirait même qu’il a commis une mauvaise action. Ceux-là même qui se gargarisent avec leur liberté, revendication que j’ai toujours trouvée un peu louche – liberté de quoi? de tromper sa femme? D’humilier ses collègues?-, ceux-là mêmes ont l’air de trouver suspecte la liberté ultime d’en finir avec la vie. »

« La certitude que, cette fois-ci, il n’hésiterait pas me suivait comme une ombre. Aurais-je dû tirer une sonnette d’alarme ? Exiger qu’on le ligote à un fil de fer avec une perfusion dans le bras pendant des mois comme l’a demandé l’une des épouses de l’écrivain Norman Mailer lorsque son époux sombrait dans la dépression. Empêche-t-on un tsunami de déferler, un volcan d’exploser et de figer le paysage sous sa lave ? La liberté individuelle ? J’ai toujours respecté celle de mon frère. S’il pensait que sa paix résidait dans un au-delà aussi doux que l’en-deça d’où l’on vient sans s’en souvenir, pouvait-on, devait-on s’y opposer ? Le droit de mourir dans la dignité qui agite les débatteurs. »


« C'est fou comme la mort embarrasse les vivants. Des rites funéraires inventés par les civilisations anciennes on a conservé l'apparat. Des manières qui sonnent creux. S'habiller avec des vêtements foncés, creuser des tombes, envoyer des fleurs, puis, hop, faire disparaître la peine par un tour de passe-passe et remonter dans le métro de l'existence.
Même les mots sont faux, "il est parti, sa disparition", je déteste ces euphémismes. »


« Je suis ainsi faite que je n’ai pas besoin de voir les gens tout le temps pour les aimer. L’amour se nourrit d’absence. »

« Mon frère savait être irrésistible même dans les mauvaises passes, il ne faut jamais l'oublier. Il allait mal magnifiquement, ... »

« Il ne savait pas faire les compromis et les arrangements qui permettent de vivre. »

« L'insoutenable lourdeur a gagné. Vivre l'a tué. »

« L'amour immense qui l'entourait ne lui a pas servi de parachute. »

« Oui, la vie continue, mais comment continuer la vie sans lui ? Je tente par tous mes moyens maladroits de transformer son absence en une présence lumineuse. »

« Souvent, je m'en veux de ne pas savoir donner à mon mari les clés de ma mélancolie. En même temps, je me dis que, s'il connaissait la noirceur de mes pensées, il s'enfuirait peut-être avec une blonde légère et court vêtue. Et sans lui, je serais fichue, foutue, mourue."

« J'ai décidé que je marcherais du côté ensoleillé du trottoir. J'avais le droit d'être heureuse. Ces centaines d'heures à trouver les mots ne comblent pas les précipices mais ils les rendent familiers. Depuis, j'avance clopin-clopant, je boîte sur mes talons hauts, mais quand je me casse la figure, je sais où puiser la force de me relever. »

« Le monde s’était rétréci à la taille du cercueil de mon frère, il reprend ses dimensions. Redevenir perméables aux malheurs extérieurs nous rend un peu de notre humanité entamée. »

« Tu ne nous as pas abandonnés. Tu t'es arrangé pour laisser une empreinte si forte dans nos existences qu'elle nous a empêchés de sombrer et qu'elle a fini par nous transcender. Ton existence est indélébile. Tu n'as pas fini de respirer en nous. Ta mort nous a rendus vivants. »


*******************************************************************************


"Même la nuit quand je dors" de Anne Dodemant

« Un an et trois mois après le suicide de son fils, Anne Dodemant entreprend de raconter la mort et le deuil. Temps sidéré de l’annonce et rites des funérailles, temps de l’absence, du manque et de la révolte, mais aussi combat quotidien pour redécouvrir et goûter la beauté de la vie. »

"A. Dodemant raconte pour pouvoir « hurler sans bruit » la maladie et la mort de Luc, le chemin du deuil et du chagrin.qui laisse aussi place à l’espérance.

Elle raconte tout ce qui s’est passé avant car un enfant schizophrène c’est beaucop de douleur pour l’enfant, pour la famille. C’est une histoire d’amour qui se construit, une histoire extrêmement forte.
Puis elle raconte le jour du suicide de Luc et la suite. Des heures, des jours, des mois qui sont indicibles. Elles les dit.
Malgré sa souffrance atroce de maman,  il en ressort un amour phénoménale, inimaginable, une sorte de paix parce qu’elle accepte que son fils ait finalement fait ce « choix » là.
"


Extraits

« Tu es mort. Luc est mort. Une semaine avant tes 29 ans, le 18 septembre 2009, lors des grandes marées, à l'heure où le soleil se couche, tu as décidé de quitter notre monde et d'en rejoindre un autre. Depuis, ton absence a tout envahi. Les mots m'ont quittée. Pourtant je te parle tout le temps, même la nuit quand je dors. »

« Te mettre au monde, mon chéri, c'était prendre le risque de te voir mourir. »

« Nous venons de passer les troisièmes fêtes de Pâques sans Luc et la question pour moi reste entière : où est-il ? Je ne sais pas.
Pourtant je me sens reliée à lui, de plus en plus. Et c’est étrange. C’est un lien invisible par la trace qu’il laisse. J’expérimente la phrase de l’apôtre Paul : "L’amour ne passera pas." Le lien d’amour qui m’unit à Luc, mon fils, est vivant. Et comme tout lien il évolue. Ce lien est indestructible. Je me sens reliée à lui, non pas à lui mort, mais à lui vivant.
Vivant d’une vie que je ne peux toucher, mais que je ressens. Lorsque je sens en moi une joie profonde et intense, sans raison, qui me déborde, je la reçois comme un cadeau, une sensation oubliée et pourtant nouvelle.
Cette joie vient de bien au-delà de moi. Je ne la maîtrise pas, je l’accueille, m’en émerveille et c’est cette trace-là qui vient me dire : « Je suis vivant, je ne te quitte pas, vis, maman, vis. »

« Modifié: 08 juillet 2021 à 10:05:08 par Catherine Th »

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Webinaire 10  juin de 10h30 à 13h «Harcèlement scolaire : prévenir la spirale infernale »
 
( +  un article du journal Le Monde "Que sait-on vraiment de ce qui se passe dans le smartphone de nos enfants ?")

http://rencontres-prevention-sante.fr/edition-2021/

Le suicide des jeunes : l'autre urgence

« Aujourd’hui, la santé mentale des jeunes est au centre de toutes les préoccupations. Particulièrement exposés au risque suicidaire depuis plusieurs années, les 15-25 ans sont plus vulnérables que jamais. À l’heure de la pandémie de COVID-19, les jeunes paient un lourd tribu à la situation sanitaire. »

Les facteurs de risque suicidaire sont multiples.

Parmi eux, les troubles dépressifs, mais aussi les pratiques numériques dont les effets peuvent être désastreux sur la santé mentale des plus jeunes. En cause, les réseaux sociaux, qui favorisent les pratiques de harcèlement et de cyber-harcèlement, cités comme un facteur majeur de pensées suicidaires et de passage à l’acte. Les jeunes déplorent l’inaction du système scolaire dans la lutte contre ce fléau qui nourrit la détresse des individus en position de vulnérabilité. »

*******************************************

Que sait-on vraiment de ce qui se passe dans le smartphone de nos enfants ?
Le Monde 31.05.2021


L’usage des réseaux sociaux par la jeune génération alimente inquiétudes et fantasmes, surtout après que de récents faits divers sont venus rappeler la violence qui s’y joue.

Pour Hélène Romano, docteure en psychopathologie et docteure en droit et sciences criminelles, les nouveaux outils numériques ont bouleversé la donne en termes de transmission des savoirs et des images : « Auparavant, les adultes étaient les “passeurs” ; désormais, ils courent après des enfants plongés avant eux – et plus vite qu’eux – dans un
bain d’informations. Beaucoup sont dans l’illusion du “contrôle parental”. » Selon elle, les adultes en savent trop peu sur ce qui se dit et s’échange sur les smartphones des enfants et adolescents.

« C’est souvent déjà trop tard »

Ainsi, après les attentats de 2015, des enfants lui racontaient en consultation, qu’ils avaient visionné des images de décapitation ou d’immolation, parfois sur l’ordinateur du grand frère, ou d’un copain. « Comme pour la pornographie, cette effraction psychique est d’une violence inouïe. »
 Pourtant, l’enfant appelle rarement à l’aide. Parce qu’il a honte, se sent coupable. Parce qu’il ne veut pas inquiéter ses parents ou par crainte de la punition.
Or, prévient Hélène Romano, « lorsqu’on ne parvient pas à mettre des mots sur les émotions, on est
dans le passage à l’acte – d’enfant à enfant, ou de l’enfant contre lui-même
».

Dans les collèges, où rares sont les élèves à ne pas être équipés d’un portable (40 % en ont un depuis l’âge de 11 ans), les personnels censés endosser le rôle de « vigie » se savent en première ligne pour ouvrir et accueillir cette parole.
Encore plus en ces temps de crise sanitaire qui ont vu les durées de connexion s’envoler
(+ 62 % de temps d’écran chez les enfants, + 69 % chez les adolescents selon une étude de l’Onaps sur le premier confinement de mars à mai 2020).

« Ce qui se dit de plus dur sur les réseaux sociaux, certains élèves nous en parlent, mais quand ils se confient, c’est souvent déjà trop tard, témoigne Iñaki Echaniz, conseiller principal d’éducation (CPE). Quand ça toque à notre bureau, les rumeurs et les insultes sont déjà partagées. »

SÉVERIN MILLET
Des « histoires » entre les élèves qui démarrent sur Snapchat, ce syndiqué au SNES-FSU dit en « réguler » une ou deux par semaine. « La nouvelle génération dispose d’un autre lieu de vie, les réseaux sociaux, perçus comme un espace de liberté à part, loin de la justice et du monde des adultes », développe-t-il. Un espace où, à l’écouter, liberté rime avec
impunité. « Quand il y a des tensions entre élèves, et que je leur explique que des parents peuvent porter plainte, ils tombent des nues… »

Et si les outils numériques ont eu la grande vertu de permettre de conserver les liens sociaux et même de développer les pratiques créatives, les confinements successifs ont également accentué les travers de la vie en ligne.

En janvier, l’association e-Enfance alertait ainsi sur la flambée des cyberviolences subies par les adolescents en 2020 par rapport à 2019, avec une hausse de 57 % de ces dernières observées sur sa ligne d’assistance Net Ecoute, un doublement du cyberharcèlement, et une explosion du chantage à la webcam et du « revenge porn » (se venger d’une personne en
divulguant des contenus dits pornographiques l’incluant dans le but de l’humilier).


« Nos garde-fous ont lâché »

Cette période de pandémie a également laissé nombre de parents et d’enseignants déboussolés : comment faire pour limiter les écrans lorsqu’ils deviennent l’outil privilégié pour maintenir la « continuité pédagogique » – autrement dit, une injonction scolaire ?
« Avec la fermeture des classes, tous nos garde-fous ont lâché, estime Ben), professeur en collège dans la région francilienne. Cela s’est vu au retour : face à moi, aujourd’hui, j’ai des élèves éteints… sauf quand leur téléphone vibre ! »
A l’en croire, l’interdiction du téléphone portable au collège, imposée par la loi en 2018, n’aurait pas survécu à la crise due au Covid-19. « Le smartphone est devenu pour les adolescents le seul lien avec l’extérieur, et les adultes lui ont officiellement reconnu ce statut.
Je doute qu’on puisse revenir en arrière… »
 Récemment, ce quadragénaire a encore confisqué un smartphone en classe. « Je l’ai gardé près de moi pendant trois heures, il vibrait deux à trois fois par minute. Beaucoup de choses que les plus de 30 ans ignorent se sont glissées dans ces rapports immatériels. »

Comment, dans ces conditions, inciter les adolescents à prendre de la distance avec les contenus échangés, sans s’immiscer dans leur vie privée ? Comment les aider à se soustraire à la pression des notifications et des messages incessants, sans donner l’impression de leur faire la leçon ? « C’est d’autant plus compliqué que, souvent, les jeunes
ne voient pas où est le problème », témoigne Patricia François, infirmière dans un collège de Caen. « Ils banalisent, normalisent… Et plus ils sont jeunes, moins ils ont conscience des risques », souligne cette syndiquée au SNICS-FSU.


« Décalage de perception »

Un jeu vidéo de combat sans effusion de sang n’est pas, pour eux, un « jeu violent », dit-elle. Un nude envoyé à un ou une camarade n’a « rien à voir » avec l’exposition de soi. « Même si cela ne concerne qu’une frange d’élèves, cela m’inquiète beaucoup quant au rapport qu’ils peuvent avoir à autrui et à leur propre corps », conclut l’infirmière, trente ans de métier.
Béatrice Saint-Germain, également infirmière mais dans une cité scolaire, épingle aussi ce « décalage de perception entre les générations ». « Là où les adultes voient de la violence, des tensions, un risque majeur de harcèlement, nos élèves voient d’abord des échanges, des contacts, une opportunité de créer du lien… à défaut de mieux, souligne
cette syndiquée au Snies-UNSA. C’est sur cette base-là qu’il faut tenter d’ouvrir le dialogue. »

Mais où ? Et quand ? Des interventions d’associations, des séances de prévention menées par des policiers ou des personnels médico-sociaux sont organisées en milieu scolaire, sans qu’on en mesure précisément leurs effets.
Pour Sophie Jehel, maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication à Paris-VIII, les espaces de réflexion manquent pour questionner le rapport à l’image. Pourquoi ces jeunes partagent-ils telle vidéo violente ? Qu’est-ce qu’ils ressentent face à un commentaire négatif ? Pourquoi ce besoin de filmer ? Quel est le poids des
« likes » dans la construction de leur identité ? « Il y a tout un travail émotionnel à déconstruire autour de ce qu’ils font sur les réseaux sociaux.

Des référents contre le harcèlement dans les établissements scolaires

A compter de septembre, tous les collèges et lycées de France devront se doter d’équipes formées à la prise en charge du harcèlement, et d’élèves « ambassadeurs » pour lutter contre ce phénomène, a annoncé, vendredi 28 mai.
Cela revient à généraliser le programme dit « clé en main », expérimenté jusqu’à présent dans six académies.
Depuis 2019, le droit des élèves à suivre une scolarité sans harcèlement est inscrit dans la loi. Mais on estime qu’un collégien sur dix est harcelé, et qu’un sur cinq subit une forme de cyberviolence (texto, usurpation d’identité, etc.). Ces dernières années on a réussi à faire reculer un peu le harcèlement, (…) mais on n’a pas réussi à faire reculer le cyberharcèlement », un phénomène qui s’est notamment aggravé pendant la crise sanitaire




« Modifié: 03 juin 2021 à 08:38:01 par Catherine Th »

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livre : "avec toutes mes sympathies"
« Réponse #72 le: 18 juin 2021 à 08:04:32 »
« Avec toutes mes sympathies »de Olivia de Lamberterie

présentation :

"Les mots des autres m’ont nourrie, portée, infusé leur énergie et leurs émotions. Jusqu’à la mort de mon frère, le 14 octobre 2015 à Montréal, je ne voyais pas la nécessité d’écrire. Le suicide d’Alex m’a transpercée de chagrin, m’a mise aussi dans une colère folle. Parce qu’un suicide, c’est la double peine, la violence de la disparition génère un silence gêné qui prend toute la place, empêchant même de se souvenir des jours heureux.
Moi, je ne voulais pas me taire.
Alex était un être flamboyant, il a eu une existence belle, pleine, passionnante, aimante et aimée. Il s’est battu contre la mélancolie, elle a gagné. Raconter son courage, dire le bonheur que j’ai eu de l’avoir comme frère, m’a semblé vital. Je ne voulais ni faire mon deuil ni céder à la désolation. Je désirais inventer une manière joyeuse d’être triste.
Les morts peuvent nous rendre plus libres, plus vivants.
»

Extraits
 
«Le suicide d’Alex m’a transpercée de chagrin, m’a mise aussi dans une colère folle. Parce qu’un suicide, c’est la double peine, la violence de la disparition génère un silence gêné qui prend toute la place, empêchant même de se souvenir des jours heureux. Moi, je ne voulais pas me taire. »

« Alex, je ne veux pas voir mourir sa mort. Je veux en éprouver toutes les particules, les revendiquer, y puiser des ressources insoupçonnées, explorer cet inconnu, porter un brassard noir, hurler au scandale, scruter les cieux, comprendre. »

« Notre famille nous a fabriqué taiseux, cette incapacité à exprimer des sentiments intimes complique pas mal les relations humaines, mais c'est ainsi. »

« Mais pourquoi tu l’aimais tellement ? me demande-t-on souvent. Un frère, c’est les parents sans les incompréhensions et les emmerdements. »

« Mon frère était la seule personne à qui je me confiais. Nous étions deux muets qui l'un en face de l'autre retrouvaient l'usage de la parole. »

« Nous avons été désirés, choyés, aimés. Les incompréhensions et maladresses sont inhérentes aux relations entre les parents et les enfants, elles n’en sont pas les explications. Nous sommes responsables de nos vies ... »

« J'ai écouté le bruit des clés séparant le monde qui tourne au carré et le monde de ceux qui ne tourne plus rond. »

« On va te sortir de là.
Non, je suis bien ici. »
À ces mots, auxquels j’ai souvent pensé par la suite, j’ai compris à quel point mon frère était ailleurs, tombé dans un de ces trous noirs de l’univers dont les chercheurs tentent de percer les mystères. »

 « Est-ce une pathologie de juger la vie dégueulasse? Oui, certainement, quand on a une femme qu'on aime et qui vous aime, des enfants merveilleux qu'on aime et qui vous aiment, un boulot chouette et une belle maison, m'a un jour assuré un ami bien attentionné. Malade ou lucide? Je ne peux pas m'empêcher de le trouver clairvoyant. La société dans laquelle on vit mérite-t-elle tellement qu'on s'y attache? »

« J'écris pour chérir mon frère mort. J'écris pour imprimer sur une page blanche son sourire lumineux et son dernier cri. Pour dire ce crime dont il est à la fois la victime et le coupable. A moins que nous ne soyons tous coupables, nous qui n'avons pas su l'empêcher, ou tous victimes, nous qui ne vivrons plus qu'à demi. Mais je ne crois pas qu'on empêche les gars de son espèce désespérée de se suicider. Est-ce un service à leur rendre ? C'est une vraie putain de question. »

« Parler de sa mort, donc de la façon dont il a choisi de se la donner, est tabou. C’est la double peine, silence et silence. Parfois, on croirait même qu’il a commis une mauvaise action. Ceux-là même qui se gargarisent avec leur liberté, revendication que j’ai toujours trouvée un peu louche – liberté de quoi? de tromper sa femme? D’humilier ses collègues?-, ceux-là mêmes ont l’air de trouver suspecte la liberté ultime d’en finir avec la vie. »

« La certitude que, cette fois-ci, il n’hésiterait pas me suivait comme une ombre. Aurais-je dû tirer une sonnette d’alarme ? Exiger qu’on le ligote à un fil de fer avec une perfusion dans le bras pendant des mois comme l’a demandé l’une des épouses de l’écrivain Norman Mailer lorsque son époux sombrait dans la dépression. Empêche-t-on un tsunami de déferler, un volcan d’exploser et de figer le paysage sous sa lave ? La liberté individuelle ? J’ai toujours respecté celle de mon frère. S’il pensait que sa paix résidait dans un au-delà aussi doux que l’en-deça d’où l’on vient sans s’en souvenir, pouvait-on, devait-on s’y opposer ? Le droit de mourir dans la dignité qui agite les débatteurs. »

« C'est fou comme la mort embarrasse les vivants. Des rites funéraires inventés par les civilisations anciennes on a conservé l'apparat. Des manières qui sonnent creux. S'habiller avec des vêtements foncés, creuser des tombes, envoyer des fleurs, puis, hop, faire disparaître la peine par un tour de passe-passe et remonter dans le métro de l'existence.
Même les mots sont faux, "il est parti, sa disparition", je déteste ces euphémismes. »

« Je suis ainsi faite que je n’ai pas besoin de voir les gens tout le temps pour les aimer. L’amour se nourrit d’absence. »

« Mon frère savait être irrésistible même dans les mauvaises passes, il ne faut jamais l'oublier. Il allait mal magnifiquement, ... »

« Il ne savait pas faire les compromis et les arrangements qui permettent de vivre. »

« L'insoutenable lourdeur a gagné. Vivre l'a tué. »

« L'amour immense qui l'entourait ne lui a pas servi de parachute. »

« Oui, la vie continue, mais comment continuer la vie sans lui ? Je tente par tous mes moyens maladroits de transformer son absence en une présence lumineuse. »

« Souvent, je m'en veux de ne pas savoir donner à mon mari les clés de ma mélancolie. En même temps, je me dis que, s'il connaissait la noirceur de mes pensées, il s'enfuirait peut-être avec une blonde légère et court vêtue. Et sans lui, je serais fichue, foutue, mourue. « 

« J'ai décidé que je marcherais du côté ensoleillé du trottoir. J'avais le droit d'être heureuse. Ces centaines d'heures à trouver les mots ne comblent pas les précipices mais ils les rendent familiers. Depuis, j'avance clopin-clopant, je boîte sur mes talons hauts, mais quand je me casse la figure, je sais où puiser la force de me relever. »

« Le monde s’était rétréci à la taille du cercueil de mon frère, il reprend ses dimensions. Redevenir perméables aux malheurs extérieurs nous rend un peu de notre humanité entamée. »

« Tu ne nous as pas abandonnés. Tu t'es arrangé pour laisser une empreinte si forte dans nos existences qu'elle nous a empêchés de sombrer et qu'elle a fini par nous transcender. Ton existence est indélébile. Tu n'as pas fini de respirer en nous. Ta mort nous a rendus vivants. »

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groupe de paroles dans le 74
« Réponse #73 le: 18 juin 2021 à 08:10:27 »
Groupe de soutien aux personnes endeuillées par le suicide d'un proche
 
Une personne qui compte pour vous s’est donnée la mort, récemment ou il y a longtemps. Au cours de ce deuil particulier, il peut être aidant de vous entourer, de partager votre vécu, d'échanger avec d'autres, d'écouter leur témoignage.
 
Les prochaines rencontres débuteront en septembre 2021 et se tiendront une fois par mois à Annecy.
Le groupe est gratuit, laïque et ouvert aux personnes majeures. Il est animé par deux psychologues.
Vous pouvez nous contacter au 04 50 63 62 99 du lundi au vendredi, de 9h à 16h. Nous prendrons le temps d'échanger sur le fonctionnement du groupe.


http://www.cdom74.fr/images/actualites/actu-medecins/Flyer_-_Groupe_de_soutien_personnes_endeuilles_par_suicide_web.pdf

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Livre "même la nuit quand je dors"
« Réponse #74 le: 24 juin 2021 à 09:21:13 »
"Même la nuit quand je dors" de Anne Dodemant

« Un an et trois mois après le suicide de son fils, Anne Dodemant entreprend de raconter la mort et le deuil. Temps sidéré de l’annonce et rites des funérailles, temps de l’absence, du manque et de la révolte, mais aussi combat quotidien pour redécouvrir et goûter la beauté de la vie. »

"A. Dodemant raconte pour pouvoir « hurler sans bruit » la maladie et la mort de Luc, le chemin du deuil et du chagrin.qui laisse aussi place à l’espérance.

Elle raconte tout ce qui s’est passé avant car un enfant schizophrène c’est beaucop de douleur pour l’enfant, pour la famille. C’est une histoire d’amour qui se construit, une histoire extrêmement forte.
Puis elle raconte le jour du suicide de Luc et la suite. Des heures, des jours, des mois qui sont indicibles. Elles les dit.
Malgré sa souffrance atroce de maman,  il en ressort un amour phénoménale, inimaginable, une sorte de paix parce qu’elle accepte que son fils ait finalement fait ce « choix » là.
"

Extraits

« Tu es mort. Luc est mort. Une semaine avant tes 29 ans, le 18 septembre 2009, lors des grandes marées, à l'heure où le soleil se couche, tu as décidé de quitter notre monde et d'en rejoindre un autre. Depuis, ton absence a tout envahi. Les mots m'ont quittée. Pourtant je te parle tout le temps, même la nuit quand je dors. »

« Te mettre au monde, mon chéri, c'était prendre le risque de te voir mourir. »


« Nous venons de passer les troisièmes fêtes de Pâques sans Luc et la question pour moi reste entière : où est-il ? Je ne sais pas.
Pourtant je me sens reliée à lui, de plus en plus. Et c’est étrange. C’est un lien invisible par la trace qu’il laisse. J’expérimente la phrase de l’apôtre Paul : "L’amour ne passera pas." Le lien d’amour qui m’unit à Luc, mon fils, est vivant. Et comme tout lien il évolue. Ce lien est indestructible. Je me sens reliée à lui, non pas à lui mort, mais à lui vivant.
Vivant d’une vie que je ne peux toucher, mais que je ressens. Lorsque je sens en moi une joie profonde et intense, sans raison, qui me déborde, je la reçois comme un cadeau, une sensation oubliée et pourtant nouvelle.
Cette joie vient de bien au-delà de moi. Je ne la maîtrise pas, je l’accueille, m’en émerveille et c’est cette trace-là qui vient me dire : « Je suis vivant, je ne te quitte pas, vis, maman, vis. »
« Modifié: 08 juillet 2021 à 09:59:55 par Catherine Th »