Bonsoir Yacine,
Merci infiniment pour votre message.
Parler de lui, de ce choix, qui il était, m'est difficile.
Difficile d'écrire sur lui, de lui, de son mal-être... peur de lui être infidèle ou plutôt infidèle à sa vérité qui l'a menée dans cette voie sans issue. Ma certitude, ma vérité est qu'il m'a confiait sa souffrance. Il m'a montré quel était son désarroi, tout d'abord en tant qu'ami puis en tant qu'amoureux. Nous nous sommes connus à l'âge de 15 ans et sommes restés très très proches durant 15 ans car nous nous sommes toujours beaucoup aimés tout en respectant nos vies respectives. Puis, le jour est arrivé où lui comme moi étions libres et cela nous est apparu comme une évidence...
Nous avons vécu 8 années de bonheur conjugal absolu, mariage, deux beaux enfants... Nous avons été en sursis durant ces 8 belles années. Et puis, ses démons sont de nouveau venus lui rendre visite et au fil des années, se sont faits de plus en plus présents...
Il m'a confié sa souffrance. Cette phrase semble anodine mais pourtant elle est mon salue, ma bouée, mon ancre qui me permet de ne jamais sombrer dans la culpabilité. Ce sentiment effroyable mais Ô combien présent dans ce genre de deuil compliqué. Il n'avait de cesse de me répéter qu'il n'aurait jamais imaginé être aimé ainsi. Il m'a toujours fait sentir que j'étais la seule à le porter dans cette douleur, à l'accepter et le comprendre malgré cette auto-destruction qui, bien évidemment, me touchait au plus profond de mon être.
Mon mari était un homme malheureux en dépit de l'amour que nous, nos enfants et moi-même, lui portions et en dépit de tout l'amour qu'il nous portait.
Ceci est, mon mari s'est suicidé et je suis seule, désormais, pour admirer nos enfants grandir, les aider, les aimer, les accompagner, les réconforter, les écouter, les fâcher "parfois" !... Je suis seule mais avant de partir et durant ce beau partage de vie, mon mari a su nous prouver que nous étions son essentiel. Tout cet amour qu'il m'a donné et que je lui ai donné me convainc chaque jour que ce choix est le sien et que rien ni personne n'aurait eu le pouvoir de l'encourager ou de l'en empêcher.
Cela n'enlève rien à cette douleur cruelle liée à l'absence, au deuil de mon passé, de mon présent et de mon futur tel que je l'avais envisagé à ses côtés. Mais lorsque le ressac arrive, ne pas lutter contre l'élément, le laisser nous emporter, garder la tête hors de l'eau pour ne pas se noyer... ceci est, mon mari s'est suicidé, je suis seule avec mes deux enfants et c'est normal que les vagues m'emportent souvent mais un peu moins fort chaque jour. Surtout ne pas résister, mon mari était skipper professionnel, c'est une chose qu'il m'a apprise : en cas de tempête, ne pas combattre sinon notre bateau coulera à coup sûr. Il savait très bien le faire en mer mais n'aura pas su le faire sur terre...
A vous tous, merci pour vos témoignages, pour tout cet amour que je peux lire dans vos messages.
Chaleureusement,
Mô.