Auteur Sujet: ET MAINTENANT  (Lu 105843 fois)

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ET MAINTENANT
« le: 03 septembre 2012 à 09:01:31 »
Bonjour à toutes et tous,

Mon mari s'est suicidé il y a deux mois à 52 ans, il avait un profond mal être provenant de son enfance qu'il ne souhaitait pas exprimer. J'ai deux enfants qui ont chacun leur vie et avec qui je m'entends bien.

C'était un excellent papa poule. La vie de couple n'était pas toujours facile car ce n'était pas sa priorité. La priorité c'était les enfants.

Récemment, je parlais avec une amie et j'expliquais quelques situations vécues avec mon mari.

Un de mes enfants était présent et a dit mais vous voyez comment vous en parlez ce n'était pas un monstre mon père. Non son père n'était pas un monstre mais j'ai du mal à me souvenir des bons moments avec mon mari.

Je m'en veux d'avoir été si maladroite envers mon enfant, je me dis que je n'aurais pas du parler devant lui (mais cet enfant a aussi vécu le côté sombre de son père) mais sans doute à ce moment du travail de deuil n'est-il pas capable de l'entendre même s'il n'est pas dans l'idéalisation de son père.

La violence ce départ laisse notre petite famille en morceaux. Nous avons des réactions inconnues jusqu'à lors.

J'ai repris mon activité professionnelle, cela me cadre, je doit me lever, me laver et travailler. Je vis seule et pour le moment, à part les papiers que l'on réclame de toutes parts, rien n'avance à la maison, je suis comme un jouet dont le ressort est cassé. J'ai conscience et j'essaie de m'organiser mais il me manque le dynamisme pour le faire. De plus mes enfants me disent : ce n'est pas grave c'est parce que tu en as besoin.

Ma raison et mes sentiments sont en plein contradiction

Bon courage à toutes et tous
On ferme les yeux des morts avec douceur ; c'est aussi avec douceur qu'il faut ouvrir les yeux des vivants - Jean Cocteau

Hors ligne Méduse

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #1 le: 04 septembre 2012 à 14:27:18 »
C’est normal qu’il te manque ton dynamisme, comment pourrait-il être autrement ? Là, en ce moment, je devrais travailler au lieu d’être trop souvent dans le forum. Je suis libérale, donc personne ne me dira rien, n’empêche que le travail reste en suspens. Ma fille s’est suicidée, il y a 18 mois et mon mari est décédé d’un AVC, il y a 11 mois.

Avec mon mari, nous avons vécu des moments heureux, mais aussi d’autres. En beaucoup de points, il devait ressembler au tien, papa poule, mais d’humeur inégal avec une enfance difficile aussi. Heureusement, nous avions pu même nous rapprocher suite au décès de notre fille et ainsi ce sont les bons moments qui me restent, en plus, c’est le destin qui nous l’a enlevé, à ma seconde fille et moi. Pour tes enfants cela doit être un peu pareil. Maintenant, ils lui ont pardonné les mauvais moments et les oublient. Et tout être à ses bons et ses mauvais côtés.
Quoi qu’aura été votre vie de couple, ta vie est chamboulée et tu devras te réorienter. Dans la vie de couple, beaucoup de décisions se prennent en fonction de l’autre. Maintenant, tu les prendras en fonction de tes désirs et peut-être ceux de tes enfants. Cela demande toute notre énergie. Je souhaite de t’en envoyer un gros paquet.

Dans ce livre, j’ai retrouvé le plus ma situation :
Après le suicide d’un proche – vivre le deuil et se reconstruire, Christophe Fauré : Albin Michel 2007
Tu verras qu’il est normal aussi que tu en veuilles à ton mari de vous avoir quitté.

Ensuite, tu peux écouter aussi la conférence du Dr Fauré :
http://www.inrees.com/Conferences/dimensions-du-deuil-Comment-vivre-le-deuil/ ou les modules d’information sur le deuil ou les livres de la bibliographie :
Traverser le deuil

Ici, tu trouveras pleins de conseils de lecture :
http://forumdeuil.comemo.org/index.php/topic,864.0.html

Et tes enfants, comment ils vont ? Comme ton mari était un papa poule, son départ violent doit leur sembler comme un abandon.

Continue à venir nous parler. Il y aura toujours quelqu’un pour te soutenir.

Je t’embrasse

Méduse
« Modifié: 27 février 2014 à 16:02:04 par Webmaster »

NINE

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #2 le: 04 septembre 2012 à 19:06:16 »
Bonjour Bluevelvet,

Votre histoire est un peu la mienne puisque moi, celà fait 5 mois que mon mari s'est donné la mort après une enfance difficile aussi sauf que nous étions après 35 ans de vie commune, très amoureux l'un de l'autre ; notre entourage disait que notre amour était fusionnel. Je croyais avoir réussi à endormir tous ses vieux démons mais la très grave maladie de l'un de nos 2 enfants a fait ressurgir tout ce passé que je croyais enterré. Personne de notre entourage et moi, a fortiori, ne nous sommes rendus compte de son état dépressif; il disait toujours avoir les épaules pour tout supporter et nous l'avons cru ! Par un magnifique dimanche de printemps ensoleillé, je l'ai retrouvé dans notre jardin, une balle en plein coeur. Voilà mon histoire, le ciel te tombe sur la tête, je ne sais pas comment j'ai trouvé la force de ne pas hurler mon désespoir, d'appeler le 15, puis ma soeur, un couple d'amis et mes enfants. J'ai eu une force de réaction dont je ne me sentais absolument pas capable, jusqu'à lui fermer les yeux, rester près de lui dans notre chambre jusqu'à ses obsèques. A présent, j'ai l'impression d'avancer dans un monde qui n'est pas celui des vivants. Je travaille comme une automate, toutes mes activités (jardinage, cuisine...) sont des actes de survie et je m'identifie à lui surtout lorsque je jardine. J'ai l'impression d'être épuisée et je passe très facilement du rire aux larmes même si parfois j'ai l'impression d'avoir pleuré toutes les larmes de mon corps.  Mes 2 grands enfants vivent loin de moi et c'est eux seuls qui me raccrochent à cette vie. Je crois avoir cependant gagné quelque chose au travers de ce drame, c'est que plus rien ne m'effraie et n'a d'importance pour moi. Tout ce qui générait de l'angoisse pour moi, c'est fini !!!! Certes, je suis suivie par un psychologue et un psychiatre mais j'ai parfois l'impression que celà ne sert pas à grand chose si ce n'est à me faire croire que le processus de deuil suit un chemin particulier, alors que chaque être résiste ou lutte à sa façon dans ce type d'épreuve.
Courage à toi dans cette épreuve.

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #3 le: 04 septembre 2012 à 19:56:31 »
Bonsoir,

Merci à toutes les deux pour vos réponses, ce week end j'ai écouté la conférence de Monsieur Christophe FAURE, cela m'a fait du bien de l'entendre et d'entendre que mes réactions étaient du domaine du normal dans cette situation. Je vais aller acheter son livre demain normalement.

Mon aîné vit à l'autre bout de la France, et a donc vécu tout ce gachis de très loin. Cet enfant a beaucoup de mal à pardonner à son père. La sensibilité est à fleur de peau. Le plus dur pour moi c'est de ne pouvoir réconforter cet enfant qu'au téléphone mais je sais que cet enfant est bien épaulé dans son couple c'est déjà bien rassurant mais je crois qu'en tant que mère quand un de nos enfants a de la peine on aime encore le prendre dans ses bras même s'il est adulte.

Il faut savoir que mes enfants ont toujours entendu leur père dire, dès leur plus jeune âge, qu'il allait mettre fin à ses jours. Ils ont été choqués tous les deux de l'annonce mais cela n'a pas été une surprise pour eux. Mon mari a dit à notre aîné 15 jours avant de le faire qu'il allait mettre fin à ses jours alors que son mariage était prévu cet été. Mon aîné lui a dit papa ton aîné se marie cet été, il a répondu tu verras tu auras la surprise...... Je n'ai eu connaissance de cette conversation qu'après le suicide de mon mari. Mon aîné m'a dit maman c'était une fois de plus où il le disait. Que faire ?

Voilà, mon mari refusait tout soin, même toute approche, à chaque fois que je proposais que l'on (je disais exprès on pour ne pas être trop invictive), voit quelqu'un pour en parler, il refusait catégoriquement et me disait que le problème venait de moi.

Mon cadet a analysé plus froidement la situation. J'accepte sa façon de voir les choses car elle n'est pas fausse non plus. Il a aussi ses moments durs. Je le sais. Je le sens même s'il ne veut pas toujours m'en parler pour m'épargner.

Voilà, ils ont tous deux leur vie de couple. Il est vrai que je vais mieux quand je les sens mieux.

Aujourd'hui, je suis comme d'autres sur le forum, j'ai une impression d'un immense gachis.

Les gens me disent, tu es forte, je t'admires, tu es le pilier de la famille maintenant. J'accepte d'être le pilier de la famille, de toute façon pour mes enfants je n'ai pas le choix, mais je ne suis pas forte, j'ai mes failures et mes sales coups de blues.

Je compare le suicide de mon mari à un séisme et il y a de terribles répliques... c'est affreux, je suis partagée entre le soulagement de cette relation qui a été détruite par la maladie (ce mal être au plus profond de soi) et aussi un certain manque, l'absence.

Mon mari est parti en colère contre moi, aujourd'hui je ne sais plus où j'en suis dans cette relation détruite et terminée.

Merci encore de vos messages, venir sur ce forum m'a fait beaucoup de bien, je me dis que je ne suis pas dans la pire situation il y a bien pire de que moi, je crois et c'est sincère, qu'il n'y a rien de pire que de perdre la chair de sa chair.

Je suis de tout coeur avec ceux qui ont perdu un enfant.

Je vous envoie plein de courage à toutes et tous

Bonne soirée

BLUEVELVET
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marie-o

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #4 le: 16 septembre 2012 à 20:57:19 »
bluevelvet
ton histoire fait écho à la mienne
mon mari m'a parlé pour la première fois suicide il y a 20 ans , il disait qu'il n'avait pas de goût à vivre,il angoissait énormément à l'idée de se faire opérer et d'y rester , admirer la contradiction mais qu'il n'aurait jamais le courage de se suicider, il l'a fait plusieurs fois jusqu'au jour où il l'a exprimé  devant les enfants . Il était papa poule et je lui ai dit que s'il aimait ses enfants ce serait le pire cadeau qu'il pourrait leurs faire, et s'il parlait sérieusement, il devait consulter; il n' a plus rien évoqué . Quand il allait mal parfois, j'étais inquiète et je lui posai la question il me répondait qu'il aimait trop ses enfants pour faire cela
Et, dans un flash de folie pour échapper à sa souffrance, il s'est pendu le 1er février 2012.
Et, oui , c'est un énorme gachis,
Bon courage à toi dans cette épreuve
Amicalement
Orchis

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #5 le: 17 septembre 2012 à 19:54:27 »
Bonsoir,

Une chanson résume bien mon histoire avec celle de mon mari : c'est celle de Jean Jacques GOLDMAN : puisque tu pars.

"Parfois tout donner n'est pas forcément suffir"- "Mais tout ce que je pouvais ce n'était pas encore assez"

Cette chanson résume très bien ma situtation en ce moment. J'admets mon impuissance je crois que c'est cela qui m'aide à avancer dans cette saleté de deuil.

Toute mon empathie et bien de douceur pour vous envelopper cette nuit.

BLUEVELVET
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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #6 le: 25 septembre 2012 à 06:37:58 »
ET MAINTENANT,

Oui, ce mot est encore et toujours d'actualité.

J'ai eu récemment une conversation avec un de mes enfants, qui ne va pas bien en ce moment, qui a peur pour moi. J'ai perdu certes un peu de poids suite au décès (2 kg) mais je reste dans les limites des choses. Je tente de le rassurer en lui disant que j'ai le goût de vivre et que je ne mettrai pas fin à mes jours, le traumatisme est tel je crois que les mots ne suffisent pas pour lui donner cette confiance.

Cet enfant a lui même des pensées noires en ce moment.

Je lui ai dit : je ne vais pas te dire que je vais bien, mais je ne vais pas mal non plus. Cet enfant m'a répondu, c'est pareil pour moi.

Je crois qu'il faut que je lui prouve par mes actes que j'ai le goût de vivre, c'est vrai que ma maison n'est pas au top de sa tenue, loin de là, c'est ce satané ressort qui me manque parce que les idées sont là. Au travail, je fais bien ma part. Alors pourquoi quand j'arrive à la maison l'énergie m'abandonne ? Après cet acte violent, j'ai envie de douceur, de calme, je ne supporte plus quelqu'un qui crie, j'en suis là dans ma réflexion.

Je n'ai pas trié ses vêtements, rangé des affaires, rien n'est fait, ce n'est pas le courage qu'il manque, c'est l'énergie. Je me sens si fatiguée. Des amies m'ont dit, c'est normal tu as le contre-coup çà arrive.

Voilà le : et maintenant de ce jour.

J'adresse à toutes et tous infiniment de douceur et toute mon empathie dans ce dur chemin.

BLUEVELVET
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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #7 le: 25 septembre 2012 à 12:13:55 »
D’après Elisabeth Kübler-Ross, cette dépression suite au deuil nous oblige et en même temps nous permet de nous poser pour nous préoccuper de nous et de notre deuil. Laisse la maison, ce n’est pas grave. Tu as repris ton travail, c’est déjà beaucoup. D’autres dans ta situation sont en arrêt maladie. Il est impossible de tout gérer, toutes les démarches, le deuil, le travail et la maison. Pense d’abord à ta santé. Ton corps et ton esprit t’obligent à te poser le soir. Puis, tous ces changements qui s'opèrent en toi te demandent énormément d'énergie car tu ne seras plus jamais la même qu'avant.
J’avais vidé l’appartement de ma fille parce qu’il le fallait bien, mais j’ai ramené ce que j’ai pu à part ses vêtements et les plus gros meubles que j’aurais dû démonter. Maintenant les affaires sont entassées dans son ancienne chambre et je n’y vais que rarement et les affaires de mon mari sont toujours là également. Le jour viendra où j’aurai l’énergie et le temps pour m’en occuper.
J’ai continué mon travail aussi tout en négligent la maison. Au bout de plusieurs mois, j’étais malgré tout près du burnout. J’arrivais à tenir de justesse jusqu’aux vacances où je n’ai fait que me reposer et me promener pour pouvoir repartir maintenant, mais toujours à petite vitesse.
Fais absolument attention de rester dans les limites pour ton poids. L’anorexie guette et ce serait terrible. Mieux vaut te forcer à manger si nécessaire.
Tout doucement, l’envie de vivre va revenir un peu, mais il te faudra du temps. Je crois que tu n’as pas à faire semblant. Tu forcerais ton enfant à faire de même. Pleurer et parler te libèreront petit à petit. Cependant, essaie de faire des choses particulières que tu as rarement faites avec ton enfant : manger au restaurant (pas de cuisine à faire !), faire une sortie, aller au cinéma, au concert… Tout changement fera du bien et vous détournera pour un moment de vos idées noires. Enfin, c’est notre expérience. En dernier, nous avons adopté une vieille chienne. Sois douce avec toi.
Patience
Méduse

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #8 le: 01 octobre 2012 à 20:57:01 »
Bonsoir,

Aujourd'hui je ne suis pas fière de moi, je ne travaillais pas cet après-midi et je n'ai rien fait, j'ai dormi dans le canapé devant la télé. Avant de rentrer je suis passée dans une grande surface, j'y étais vers 13 H50, elle n'ouvrait qu'à 14 H et j'étais mal avec tous ces gens qui attendaient impatiemment l'ouverture. J'ai failli faire demi-tour mais me suis raisonnée.

Ce ressort cassé j'aimerais bien le réparer, mais pas le rafistoler, il faut qu'il tienne encore un sacré bout de chemin .....

Je me sens vidée, en dehors de la vie. J'ai revu récemment de photos de moi qui datent d'avant et c'est incroyable mais il faut que je cherche dans mon regard de l'époque quelque chose qui aurait pu me faire deviner l'avenir et je ne peux m'empêcher de dire : ces photos là c'était avant. J'ai une amie qui me dit que c'est pareil pour elle, son mari a été très mal au niveau santé, il y a deux ans, son pronostic vital était sérieusement engagé et elle me dit qu'il y a une époque avant et une époque après (son mari a survécu).

Je n'aime pas ce que je suis en ce moment, ce n'est pas moi, ils sont venus estimer la maison pour la succession qui doit être clôturée pour la fin de l'année. La maison j'en suis honteuse, rien n'est rangé, tout est en chantier comme le plus intime de sa propriétaire.

Me voilà avec une vie à réorganiser sans lui même si les deniers temps furent très durs avec lui moralement il faut réorganiser cette vie sans lui, avec le manque qui lui est bien présent.

Je me dis qu'il faut du temps pour que le ressort se retende, mes enfants me disent maman ce n'est pas grave prends du temps pour toi, tu en as besoin avec tout ce que tu as vécu.

J'ai rêvé de mon mari il y a quelques nuits, c'était beau, tendre, irréel mais tellement vrai au niveau du ressenti, tout ce qu'il n'était plus, dévoré par la maladie, j'en ai déduit qu'il n'est plus en colère contre moi (il est parti en colère, c'était devenue son seul mode d'expression possible pour lui et je ne lui en veux plus).

Voilà le et maintenant trois mois après son départ.

Pour avoir conversé avec d'autres veuves, je me rends compte que j'ai beaucoup "de chance" dans cette situation, j'ai deux enfants adorables, pas de problèmes financiers, pas de problème de logement, j'ai un métier et je gagne correctement ma vie. Toutes les démarches sont faites. J'ai une sécurité que d'autres non pas malheureusement. Alors il faut que je me pousse et me mette un coup de pied là où il faut car je n'ai pas de raison (à mes yeux par rapport à d'autres situations bien plus difficiles que la mienne) d'être dans cette léthargie qui me laisse dans l'inaction.

Voilà l'état des lieux du jour.

Douce nuit à vouts toutes et tous.

BLUEVELVET
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marie-o

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #9 le: 03 octobre 2012 à 18:17:49 »
Bluevelet

Je suis dans une situation presque identique à la tienne , mon mari s'est suicidé, il y a 8 mois maintenant, j'ai 2 grands enfants
Jai eu ses périodes d'intense fatigue avec envie de rien au retour du travail, j'ai repris le travail en mai.
mais ces moments de pause de ne rien faire me semblent avec le recul nécessaires , il me fallait du temps pour me poser, pour laisser les émotions arrivées, être dans l'action m'y empêchait
 Et je viens de m'arrêter 4 jours , car ces émotions ce temps de réflexion s'étaient installées la nuit et j'étais si fatiguée
Un arrêt de 4 jours où j'ai pleuré, où je n'ai rien fait où j'ai dormi puis au bout de 2 jours j'ai pu mettre un peu d'ordre
Je suis repartie au travail lundi avec une bronchite mais j'ai besoin de sortir de cette maison de m'évader de ce lieu où il s"est pendu, j'ai besoin de contact
Mais avec mon médecin ,les choses sont claires si j'ai besoin d'une pause, il me la donnera. je ne veux pas tomber trop bas dans la dépression
L' acte de mon mari m'amène à un profond changement , je ne peux que l'accepter, mais je sais où je ne veux pas aller, mais je ne sais pas qui je suis en devenir
Alors si je peux me permettre, accepte ta fatigue, accepte de changer,
tes enfants aussi sont en train de changer, je le constate les miens et pour les aider, nous ne pouvons que leur montrer l'exemple en prenant du temps pour soi
Après un temps bazar, j'ai remis la maison en ordre, car mettre de l'ordre est une manière de l'ordre dans ma tête et rentrer dans un cadre agréable etait important pour moi mais le regard des autres n'a pas importance!
Bon courage à toi
Orchis

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #10 le: 03 octobre 2012 à 19:50:41 »
Merci Orchis de ta réponse,

Je me permets de tutoyer puisque tu le fais aussi et cela ne me gêne absolument pas.

Je me retrouve aussi dans ce que tu écris : "l'acte de mon mari m'amène à un profond changement , je ne peux que l'accepter, mais je sais où je ne veux pas aller, mais je ne sais pas qui je suis en devenir". Je ressens la même chose.

"Après un temps bazar, j'ai remis la maison en ordre, car mettre de l'ordre est une manière de l'ordre dans ma tête et rentrer dans un cadre agréable etait important pour moi mais le regard des autres n'a pas importance!"

C'est pareil mais c'est cette foutue énergie qui me manque j'ai honte à le dire mais il faut que je me motive pour appuyer sur le bouton et mettre en route un lave-vaisselle, pourtant je ne suis pas déprimée, je n'ai pas d'idée noire ni sombre, j'ai un manque de mon mari certain et cette énergie qui n'est pas là pourtant je travaille, le fait d'avoir des impératifs dans mon travail m'aide énormément mais à la maison je n'ai pas d'impératif. Je songe à aller voir un ostéopathe pour voir s'il ne peut pas réorganiser mon énergie intérieure (je suis désolée, je préfère les médecines douces) ce bazar dans la maison ce n'est pas moi. Je n'ai pas l'habitude de cela, et au plus il y en a, au moins je me sens capable de m'y mettre. Je sais ce qu'il y a à faire, c'est bien clair dans ma tête mais il faut que je trouve cette énergie. J'ai conscience que je change, on ne peut pas vivre le suicide de son mari et tout ce qui précède sans changer. Je me reconstruis autrement, c'est indéniable. Je veux bien ne rien faire et m'écouter mais cela me désole encore plus quand je vois le bazar...J'ai l'impression de devenir fainéante.

Je suis aussi d'accord avec toi quand tu dis que nos enfants changent, j'ai l'impression qu'ils sont devenus adultes du jour au lendemain, surtout mon cadet. Tous les deux veulent prendre soin de moi (même s'ils l'ont toujours fait mais c'est différent maintenant). Nos rapports étaient déjà très étroits et ils le sont davantage maintenant malgré la distance qui nous sépare. Eux aussi se reconstruisent autrement avec ce vécu, ils n'ont pas le choix s'ils veulent avancer dans la vie. Ils sont jeunes, leur père sera toujours leur papa mais il ne vivra plus les évènements joyeux ou triste d'une famille dans la réalité concrète mais il sera toujours là quelque part, là où chacun voudra qu'il soit.

Mon mari s'est suicidé dans notre lit, je peux aller dans "notre chambre" cela ne me gêne pas mais la porte reste fermée et je me suis installée dans une autre chambre, je ne peux pas dormir pour l'instant dans "notre chambre".

Je suis pas très aidante mais nous vivons des situations similaire, je ne peux que livrer mon ressenti et le partager.

Que la nuit soit douce

BLUEVELVET




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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #11 le: 03 octobre 2012 à 20:19:15 »
Comme toi, j’aimerais bien retrouvé mon énergie et mon dynamisme d’avant le suicide de ma fille. Je me demande si jamais je la retrouverai. En attendant, je suis bien obligée de faire avec.
N’aie pas honte. Repose-toi quand tu en as besoin, cela n’a rien à voir avec de la fainéantise.
Prenez bien soin de vous toutes et tous
Méduse

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #12 le: 03 octobre 2012 à 20:43:37 »
Orchis,

Je viens de vous lire sur un autre fil et je vous rejoins, je lis le livre du Dr FAURE sur le suicide d'un proche.

Vous dites : "Je réalise que pour continuer sur le chemin  de ma vie, il me faudra pardonner au meurtrier de mon mari, au meurtrier du père de mes enfants
Ce sentiment que notre relation  d'avant le 1er février n'a pas de consistance, est construite sur un mensonge , n'a pas existé est justifié par cet acte horrible. notre vie commune est salie, notre amour ('j'hésite à écrire le mot: sommes nous vraiment aimé?) est entachée par cet acte indélébile
Et, au peu que mes enfants ont pu me livrer j'ai compris qu'ils ressentaient un sentiment similaire, pour l'instant, ils n'en sont pas à mon point d'analyse, ou n'osent l'exprimer
Je vous écris tout cela en étant très calme, très lucide , très détachée"

Quand d'autres sont dans la douleur indescriptible, je suis calme, lucide et détachée,froide, même. Parfois je me prend pour un monstre, je me dis mon mari est parti fin juin et je n'ai pas de larmes, je me questionne sur ce qu'était notre vie que je croyais commune. Mon aîné m'a confié Maman j'ai l'impression d'être un monste, je ne pleure pas papa.

Mon côté cartésien me dit qu'il y a bien longtemps que mon mari, leur papa, nous a quittés, quand la dépression (cette maladie insidieuse, ravageuse) a commencé à faire son oeuvre. L'enveloppe corporelle est partie fin juin mais son âme était partie depuis bien longtemps déjà. C'est sans doute ce qui fait que la perte (l'absence) est bien là présente mais la blessure de la perte (en fait la vraie mort de l'être) nous l'avons vécue AVEC MES ENFANTS il y a bien longtemps et dans ce corps sans âme la maladie à fait d'énormes dégâts, j'ai vu la haine dans les yeux de mon mari je crois que ce regard est encore pire dans mon souvenir que la découverte de son corps inerte. Le fait qu'une personne qui se suicide soit le meurtrier de lui même m'a aussi fait longuement réfléchir. Je suis d'accord avec cela mais celui qui se suicide est-il encore lui-même ? mon expérience (et cela n'engage que moi) me fait douter de cela. Mon mari s'est suicidé POSSEDE (je pèse mes mots) par la maladie, la dépression, le mal être, le problème identitaire, appelez cela comme vous le voulez et RIEN et surtout pas ses enfants et sa femme, ni le corps médical, ne pouvait le sortir de cela j'en suis convaincue (de nouveau cela n'engage que moi mais je l'assume entièrement).

Voilà, je ne connais pas vos derniers moments avec votre époux mais si cela peut vous aider.

Je ne voudrais surtout choquer personne mais c'est la réalité de notre petite famille qui a beaucoup souffert du vivant de papa (mari), malgré tout l'amour que nous pouvions lui donner, quand cette maladie a fait son oeuvre, cette oeuvre que l'on ne peut arrêter et qui ravage énormément sur son passage tel un tsunami. Pardon d'avance à celles et ceux que mes propos choqueraient.

Douce nuit à toutes et tous

BLUEVELVET
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marie-o

  • Invité
Re : ET MAINTENANT
« Réponse #13 le: 03 octobre 2012 à 21:53:06 »
Bluevelvet
 j'ai cru en lisant ton dernier post me relire, je continue le tutoyement qui m'était venu spontanément
Arriver à dire et à écrire que mon mari en se suicidant a commis un meurtre: il a tué l'homme que j'aimai et le père de mes enfants m'a autorisé à ressentir la colère et la haine que j'avais honte d'éprouver à son égard( suite au visionnage d'une conférence du Dr Xavier Pommereau).il y a pour moi 2 personnes tellement différentes mon mari se tuant  et l'homme que j'aimai
Cela n'enlève en rien au fait que son geste a été commis pour moi dans un flash de souffrance intolérable pour lui et qu'il n'a rien vu d'autre comme solution pou mettre fin à sa souffrance consécutive à un passage brutal en dépression suite à une poussée maniaque que personne n'avait remarqué et que je commence à saisir les signes et le fonctionnement de sa maladie.
J'ai retrouvé mon mari pendu dans l'ancienne chambre des enfants. Je me suis forcée tous les jours à y rentrer,Dès le début j'ai eu envie de changer de lit , de chambre je le fais seulement maintenant, je suis en train d'installer mon bureau dans ma chambre , je dors dans un lit d'une place dans le bureau , c'est 2 pièces sont sans dessus dessous, mais j'y vais doucement pour leur rendre un aspect plus ordonné, tout me pousse à quitter cette maison qu'il avait refait de ses mains, je vais le faire mais en me donnant le temps, j'ai des envies de prendre la fuite , d'aller au bout de monde, mais il m'accompagnera partout ; avec son dernier geste, il a fait qu'il ,sera toujours là et ce qui est terrible pour l'instant, c'est que les bons moments sont occultés assombris par ce matin du 1er février.
Contrairement à toi, le diagnostic n'avait jamais été posé mon mari aurait décompensé sa maladie qu'à partir de novembre 2011, il serait entré dans sa phase maniaque, le 7 janvier nous faisions des projets sur le  pavillon que nous venions d'acquerir et dont il était à l'origine de ce projet, le 15janvier il voulait le revendre, j'ai compris qu'il était dépressif il a vu 3 fois son médecin, il a vu une psychologue, le 1er fevrier il s'est pendu, le soir il devait rencontré un psychiatre

Je comprends quand tu dis que la maladie vous avait enlevé  déjà ton  mari et le père de tes fils, en 15 jours j'ai pu constaté les ravages sur mon mari ,et mon fils a pu me dire qu'il avait ressenti du soulagement "papa, ne souffre plus" tellement de le voir souffrir était insupportable
 quand tu  te décris calme lucide détachée froide,même, j'étais ainsi au début mais petit à petit les barrières tombent, il faut laisser les émotions (colère, sentiment de culpabilité ,rage , haine, honte, chagrin)émerger les accueillir, puis les barrières se reconstruisent pour un nouveau temps de calme, de froideur ,même je ressens comme d'indifférence, de détachement

Chacun réagit à sa façon et je crois qu'il n' y a pas de bonne ni mauvaise façon, on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a dans le moment présent et ce qu'on est
Et , cette fatigue , ce manque d'énergie que tu ressens ne serait ce pas ton travail de deuil qui s'exprime par ton corps?
Si tu le désires , je te dirai les démarches "médecines douces " que j'ai mis en place pour moi

Pour l'anecdocte , combien de fois j'ai remis une lessive à retourner car pas le courage de l'étendre et parfois certaines 4 ou 5 fois, j'ai horreur de l'odeur du linge mouillé qui a stagné ah oui qu' il était propre mon linge? et j'ai usé de l'eau bien inutilement moi qui suis plutôt écolo donc économe d'eau et de lessive!!!

Bonne nuit
Orchis

 
« Modifié: 03 octobre 2012 à 22:00:22 par orchis »

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #14 le: 04 octobre 2012 à 06:05:10 »
Orchis, Meduse,

Celui qui se suicide est dans une souffrance que l'on ne peut imaginer (certains parlent de raptus) et dans ce moment à, l'instant T, plus rien ne compte à ses yeux mais est-ce encore notre enfant, notre mari, notre femme, le père ou la mère de nos enfants qui se suicide ? c'est-à-dire la personne que nous avons connue et aimée et qui nous a aimés, je suis convaincue que non. A ce moment là la personne qui met fin à ses jours n'est plus elle-même.

J'en suis d'autant plus convaincue car quelques temps après le suicide de mon mari, une personne qui m'est chère a tenté de se suicider mais elle est encore avec nous à ce jour et nous avons bien parlé de son acte. Cette personne me dit, avec le recul d'aujourd'hui, qu'elle faisait une bêtise, cette personne a des enfants (à ce moment là ils ne comptaient plus à ses yeux), elle n'a pas de problème particulier en dehors de ce mal être qui l'accompagne et qui ce jour là était trop insupportable. Je l'avais vu quelques temps auparavant et lui avait dit que je m'inquiétais pour lui mais il avait détourné la conversation en me répondant c'est pour toi que je m'inquiètes.

Orchis, merci pour l'anecdote du lave-linge, cela m'a fait du bien, comme le dis aussi Meduse il faut faire avec cette inertie, cette léthargie et toutes les choses qui s'accumulent.

Pour l'anecdote du jour, le lave-vaisselle est fini depuis hier matin mais la vaisselle propre est toujours à l'intérieur, pourtant avant c'est quelque chose que je faisais sans y penser, machinalement.

Comme la vie est bizarre et comme les choses peuvent prendre d'autres sens.

Bonne et douce journée à toutes et tous.

BLUEVELVET
On ferme les yeux des morts avec douceur ; c'est aussi avec douceur qu'il faut ouvrir les yeux des vivants - Jean Cocteau