Auteur Sujet: ET MAINTENANT  (Lu 109597 fois)

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marie-o

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #15 le: 04 octobre 2012 à 20:53:10 »
Bluevelvet

Raptus , c'est exactement le terme pour désigner le suicide de mon mari, mais il y a l'avant , tout ce mal être, ce "non être" qui l' a amené à ce geste ultime
Pour moi , mon mari est un puzzle , je retrouve des morceaux, certains s'emboîtent, il en a emporté avec lui et il avait du en perdre en route et certain sont resurgis les 3 derniers mois.
Tout cela est raisonné
Mais quand mes émotions , mes sentiments déferlent, où est la raison?
J'aime beaucoup cette phrase:
"le chemin de la raison à l'affectif est long et tortueux", et je crois que le chemin doit être fait dans l'autre sens de l'affectif à la raison.

Et, nous sommes amenés à regarder la vie sous un angle nouveau...
et pour puiser de l'énergie  pour ce nouveau regard et ce nouveau chemin ,  nous avons besoin de prendre soin de nous et cela passe aussi par accepter d'être en inertie , en léthargie
Bon chemin à tous et toutes
Orchis

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #16 le: 05 octobre 2012 à 06:29:59 »
Orchis,

Comme je me reconnais dans ce que tu dis, le mal être avant, ce non être qui commençait à s'attaquer au reste de la petite famille, le puzzle dont on a essayé en vain de recoller les morceaux du temps du vivant et que oui il est parti avec d'autres morceaux et que oui il en avait aussi perdu en route. Et non, je ne referai pas le puzzle, j'ai l'impression d'avoir vécu ce temps de dépression aux côtés d'un étranger.

Quand on est dans l'émotion et les sentiments et que ceux-ci sont violents la raison perd. Pour moi le ventre est le centre des émotions et la tête le centre de la raison. Si ces deux endroits de mon corps ne sont pas "alignés", je ne vais pas bien. C'est ce qui s'est passé au début après son suicide, j'étais perdue. Petit à petit je me "réaligne" et je me sens mieux, en dehors de cette inertie que ma raison a beaucoup de mal à supporter. Je ne veux pas dire que la raison doit l'emporter mais seulement qu'il doit y avoir un équilibre entre la raison et les émotions : c'est cela qui est un peu compliqué en ce moment et c'est vers cela que je tend. Je suis aussi d'accord avec toi, parce que c'est mon expérience, le chemin doit être fait de l'affectif à la raison. De toute façon par expérience on n'a pas le choix quand on est submergée par l'affectif la raison n'a pas de place.

J'ai trouvé cette phrase, en cette période où ce besoin de douceur est important :

On ferme les yeux des morts avec douceur ;
c'est aussi avec douceur qu'il faut ouvrir ceux des vivants.

Merci pour vos échanges.

Je vous souhaite donc une douce journée
On ferme les yeux des morts avec douceur ; c'est aussi avec douceur qu'il faut ouvrir les yeux des vivants - Jean Cocteau

marie-o

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #17 le: 05 octobre 2012 à 08:05:05 »
Bonjour Bluevelvet,

merci de cet échange
Je sais que je ne pourrai refaire, le puzzle de mon mari, mais contrairement à toi, personne n'avait vu que mon mari étit malade avant la dépression brutale que je situe vers le 15 janvier et qui a pris fin pour lui le 1er février par son suicide et qui est un raptus.
Mais j'ai besoin de comprendre un tant soit peu  ce qui a amené mon mari à cette situation et que dans le milieu psychiatrique on nomme maniaco dépression ou maladie bipolaire. Il faut que j'intègre que mon mari était malade, et petit à petit je trouve des signes avant coureurs et des réponses avec l'aide de ma psy.Je n'aurai pas les réponses à toutes les questions, mais à quelques unes et mes enfants n'ont pas encore compris ce qui s'est passé.

Quand on est submergé par les émotions, on n'a pas le choix que de les laisser émerger Et depuis 8 mois en ce qui me concerne les émotions vont et viennent, elles sont contradictoires, ambivalentes, paradoxales, exarcerbées avec des plages d'alcalmie qui ressemblent à de l'indifférence, à un sentiment d'être à coté, et j'ai besoin de comprendre mes émotions ce qui les a provoquée, ce qui fait que je réagis ainsi et je reviens souvent à mon histoire personnelle.

Par exemple: Pourquoi je pleure si peu? interdit maternel posé quand j'étais enfant et qui se poursuit ,ma mère ne sait pas m'accueillir avec mon chagrin , ... Alors quand les pleurs arrivent je les savoure, les larmes sont si bonnes elles lavent ma blessure

Bonne journée
Orchis
 

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #18 le: 05 octobre 2012 à 20:34:08 »
Orchis,

Je comprends bien ta situation, mon mari était atteint de ce mal être mais ne voulait pas se faire soigner, j'ai tant et tant de fois essayé de l'amener à se faire soigner mais à chaque fois j'avais le droit à une fin de non retour et notre conversation finissait inéxorablement de cette façon : Moi je n'ai pas de problème (mon mari) c'est toi qui a un problème, il faut que tu changes. Et tant et tant de fois j'ai changé et je me suis perdue, même de son vivant. Cette dépression est une maladie maudite, non reconnue, insidieuse, qui ravage tout sur son passage. J'ai aimé mon mari je vous l'assure mais cette maladie a tout détruit, elle lui fait dire tellement d'horreur que je doutais de son amour et même moi je doutais de mon amour pour lui à la fin. Même si cela a duré de nombreuses années difficiles, je ne pourrais jamais refaire le puzzle, la psychologie humaine est trop complexe pour cela.

A titre d'anecdote devant une situation banale dans tous les couples (problème financier par exemple) il disait on ne va pas y arriver, je disais : on va y arriver, on va trouver une solution. A la base qu'est-ce qui fait que l'un voit à travers des lunettes noires et l'autre à travers des lunettes roses. Il était d'un pessimisme avéré, je suis une optimiste convaincue mais c'est ma façon d'être, contre vents et marées, pourquoi ? D'où vient cette différence d'appréhender les choses ? Je reste une optismiste convaincue malgré son suicide je n'y peux rien, je crois que c'est génétique. Il refusait farouchement cet optismisme, disant que j'étais naïve. Voilà les quelques turpitudes d'esprit de vivre avec une personne qui est habité par ce mal être, de plus elle ne supporte pas que vous soyez optimiste car elle n'a pas accès à cette vision des choses, c'est inconcevable pour elle.

Huit jours avant son passage à l'acte, après une énième scène pour une broutille, et des mots qui m'ont fait très mal,  j'écrivais sur mon agenda : il faut que cette situation cesse, je me détruis, dois-je le quitter ou dois-je rester ? Voilà la situation huit jours avant ce séïsme. La réponse m'a été donnée, ce n'était certes pas celle que j'attendais, loin de là même s'il nous a toujours dit qu'il se suiciderait.

Aujourd'hui j'ai cherché dans le Larousse la définition de raptus : "comportement paroxystique à caractère de décharge brusque et irrésistible, susceptible d'avoir des conséquences dramatiques pour le sujet ou pour les autres"

Voilà ce qui me fait dire que quand quelqu'un met fin à sa vie il n'est plus lui même et je crois que rechercher une explication rationnelle à cet acte est une chose vaine et perdue d'avance. On risque de s'y perdre aussi. Il faut acter et je sais que cela n'est pas facile.

Je crois que refaire le puzzle du défunt est illusoire. Trouver des raisons l'est également car nous ne sommes pas dans l'état d'esprit de ceux qui sont passés à l'acte au moment où ils passent à l'acte. Trouver ce qui a amené ton mari à cet acte, je suis convaincue que même lui (s'il avait le pouvoir de revenir et de s'expliquer) il ne pourrait donner une explication.

Les émotions, elles sont fluctuantes et très contradictoires, je peux plaisanter, et le commun des mortels va dire : c'est une veuve joyeuse, mais le commun des mortels a-t-il vécu l'AVANT NON. Les émotions sont ambivalentes car en ce qui me concerne elles sont très partagées entre le soulagement (quand on rentre le soir et qu'on ne sait pas dans quelle atmophère, ambiance on va se retrouver je vous assure que j'ai donné, quand l'ambiance chavire d'une minute à l'autre pour un détail, je connais bien......j'ai passé des nuits à trouver des solutions, des explications, j'ai lu énormément, mais la seule solution était en lui et il ne voulait pas aller la chercher) et l'absence car oui même si la maladie a fait tout ce qu'elle pouvait pour nous séparer, l'absence est là, bien réelle, même si nous n'avions plus grand chose en commun, cette absence est là. Un de mes enfants m'a dit :"papa me manque physiquement mais pas mentalement" voilà un beau résumé des ravages de la maladie. Il m'a parlé de ses problèmes sentimentaux et m'a dit tu vois avec papa je n'aurais pas parlé de cela.

Je suis comme toi, je ne pleure pas, et je m'interroge, car j'ai lu que cela peut arriver tardivement, des fois je me dis je ne pleure pas je vais sombrer un jour et je ne pourrais plus faire face ? Je n'ai pas d'interdit. Mes enfants aussi s'interrogent car ils ne pleurent pas leur papa pourtant il était très papa poule.

Nous, les survivants du suicide de notre proche aimé ne pouvons pas, je le pense sincèrement appréhender, ni évaluer la douleur et la détresse au moment de ce raptus car nous ne l'avons pas vécue. C'est un peu comme ceux qui n'ont pas souffert d'un deuil après un suicide, ils ne savent pas donc ils ne peuvent pas comprendre.

A chacun son expérience, il faut la vivre, ici nous n'avons pas le choix, et pour avancer, c'est évident mais il faut rester actif dans cette expérience et ne pas se laisser submerger.

Bonne nuit à toutes et tous.

BLUEVELVET
On ferme les yeux des morts avec douceur ; c'est aussi avec douceur qu'il faut ouvrir les yeux des vivants - Jean Cocteau

marie-o

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #19 le: 06 octobre 2012 à 09:11:42 »
Bluevelvet

Quand je te lis ,beaucoup de choses font écho à mon histoire ,à notre histoire.

Je sais que mon mari a emporté avec lui la raison ou les raisons de son geste et que s'il revenait il ne saurait sûrement pas l'expliquer, mais je besoin de comprendre  de mon mieux pour moi et pour mes enfants , pour ne pas donner des interprétations erronées ou simplistes comme j'ai souvent entendues. alors  petit morceau de puzzle  par petit morceau, des souvenirs remontent .Je ne saurai pas tout de lui, mais je travaille sur moi, sur mon histoire avec lui, sur mon deuil, pour continuer mon chemin...
Et , ce geste terrible donne une image si différente de l'homme que je connaissais, et , en 8 mois, un seul souvenir heureux m'est revenu , la dernière image de lui est plus forte que tous nos nos années de vie commune et pourtant j'y travaille à les faire resurgir

Bonne journée à toi
Orchis
« Modifié: 06 octobre 2012 à 09:14:31 par orchis »

mariej

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #20 le: 06 octobre 2012 à 11:11:13 »
Bonjour à vous 2, Orchis et Bluevelvet,

Je me permets d'intervenir dans votre conversation. Mon fils a mis fin à ses jours il y a 4 ans, il avait 31 ans.

Un fils c'est différent d'un mari, il vivait à 400kms de chez nous, rien ne laissait présager un tel passage à l'acte aussi violent. Alors moi aussi j'ai besoin de chercher, de trouver des raisons à ce geste; Il ne laisse pas d'enfants derrière lui, il laisse une soeur et un frère et nous ses parents... Nous avons besoin de comprendre.

Il nous a laissé une lettre de 2 pages disant qu'il nous aimait, qu'il trouvait dur de partir sans nous dire au-revoir mais qu'il n'en pouvait plus de la vie, elle lui était devenue insupportable!!! Et moi, 4 ans après je suis encore pleine de colère, je lui en veux, cette colère je l'ai connue aussitôt après sa mort, elle s'est calmée et maintenant elle est réveillée suite au décès d'un proche (un frère de mon mari mort d'un accident de voiture)....

Je vous admire de ne pas ressentir cette colère, moi je lui en veux de nous faire souffrir pareillement, sa famille et ses amis. Pour moi la raison de son suicide c'est un burn out, il travaillait avec des enfants en difficulté sociale, il les aimait, peut-être trop, il souffrait de ce qui leur arrivait, il aurait voulu changer le monde, mais il s'est épuisé... Il nous a tous laissé orphelins de lui, et moi je suis en colère car il aurait dû en parler, lui qui voulait soulager les autres, pourquoi n'a-t-il pas fait confiance aux autres pour l'aider?

Moi aussi, on m'a parlé du raptus, mais est-ce vraiment un raptus anxieux quand on écrit 2 pages avant ? Pourquoi tant de souffrances pour ses proches? il n'a pas dû y penser ? Pourquoi nous infliger un tel calvaire ?

C'est vrai qu'en remontant un peu sa vie, les derniers mois il avait perdu son entrain, il se posait beaucoup de questions, il avait envie de quitter Paris, mais il aimait son travail, il se posait beaucoup de questions, trop certainement ; dans sa vie sentimentale il avait du mal à s'engager, il en parlait peu avec nous, mais depuis ses copains nous disent...

Voilà ce que j'avais envie de partager avec vous, un vécu différent du votre, mais qui sait en creusant un peu plus, vos maris et mon fils souffraient de mal-être devenus insupportable pour eux, tellement insupportable que même l'amour de leurs proches ne leur suffisait plus pour les retenir!

Bonne journée à vous et peut être pourrons-nous continuer cette discussion si vous venz le 17 à Bourges?

Hors ligne Méduse

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #21 le: 06 octobre 2012 à 11:34:24 »
Bonjour Orchis et Bluevelvet
Soyez confiante, les bons souvenirs vont remonter quand vous aurez épuisé les souvenirs douloureux. Mon vécu n’est pas identique au vôtre, mais il y a beaucoup de similitudes. Les trois années avant le suicide de mon ainée ont été douloureuses, angoissantes, un souci de tous les instants, une bataille, un vrai enfer pour elle et toute la famille à cause de son anorexie et ses allusions ou l’annonce de son suicide. J’étais tendue en permanence, car tout le temps à la recherche de solutions pour la sauver. Cette tension est tombée d’un coup à l’annonce de son décès. Pendant les premiers mois de deuil, tous ces souvenirs douloureux tournaient en boucle. J’essayais encore de trouver où et comment j’aurais pu réagir différemment pour la sauver. A présent, au bout de 19 mois, les souvenirs heureux commencent à remonter. J’essaie de bloquer les autres en relisant régulièrement les témoignages d’expériences de mort imminente qui m’aident à me convaincre que maintenant, elle se sent bien, qu’elle ne souffre plus.
Nous savons aujourd’hui que ma fille est devenue anorexique suite au syndrome Borderline dont elle souffrait mais qui n’était pas diagnostiqué et dont je ne connaissais même pas l’existence (c’est un peu comme la bipolarité, mais les phases de hauts et de bas sont plus rapprochées, peut-être plusieurs en une seule journée). Je dirais qu’elle n’avait aucune protection contre les émotions. Nous pensons que mon mari en avait souffert également, mais qu’il avait réussi à le contenir davantage à part pendant trois années de folie entre l’année 2000 et 2003, qui auraient déjà pu finir dans le sang, soit par son suicide, soit qu’il nous tue toutes dans un accès de folie. J’avais en sorte deux maris, un aimant, doux, sensible, attentif, et un mari qui pouvait être désagréable et de mauvaise humeur pour une broutille, pessimiste, voyant le mal partout, qui rejetait la faute sur moi pour ce qu’il n’avait pas réussi dans sa vie, mais se reposait sur moi pour beaucoup de choses. Pour ma part, je ne prenais pas ses échecs sur moi. J’essayais de m’en protéger et de ne pas en souffrir moi aussi. Ainsi, j’avais mis une certaine distance entre lui et moi. Néanmoins, nous vivions au rythme de ses bonnes ou mauvaises humeurs en pensant pendant des années que c’était son caractère, sans savoir qu’il était malade. Et quand il était dans une mauvaise phase, je me demandais pourquoi j’étais restée avec lui. Mais quand il était de nouveau le mari aimant, attentif et doux, je lui pardonnais tout. Par contre, il n’existait aucune distance entre les souffrances de ma fille et moi. Peut-être que les maladies de ma fille ne se seraient pas déclenchées sans les années de folie, mais aussi mon licenciement déstabilisant toute la famille par la suite.
Pendant les années de folie, j’avais souhaité la mort de mon mari car je ne voyais pas d’autre issu. Heureusement qu’il n’est pas décédé à ce moment-là et que nous avions pu nous retrouver avant sa mort et nous soutenir dans le deuil de notre fille.
Courage, pour vous aussi, les bons souvenirs vont remonter.
Douce journée à vous
Méduse

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #22 le: 06 octobre 2012 à 12:22:58 »
Mariej,
Contrairement à sa sœur, je n’ai jamais ressenti de la colère envers mon ainée et je m’étais même sentie égoïste en essayant de la retenir. On aurait dit qu’elle demandait indirectement à sa sœur et à moi de lui donner l’autorisation de la laisser partir – ou aurait-elle souhaité d’être rassurée ?! Elle nous avait dit plusieurs fois qu’elle ne restait que pour nous que si on lui disait qu’elle pouvait partir, elle partirait. C’était un poids difficile à supporté, tant ses souffrances étaient terrifiantes. Les derniers mois, elle a répété plusieurs fois qu’elle devait se battre tous les jours pour ne pas se jeter sous une voiture. Finalement, elle a pris des médicaments. La veille, elle m’avait dit au téléphone, à 800 km de moi, d’un ton ferme et décidé qu’elle avait décidé de mettre fin à ses jours si elle en avait le courage, tout en disant ensuite qu’elle entrerait en clinique la semaine suivante, mais qu’elle ne voulait pas. Comme elle était chez mon frère ce soir-là, je n’ai rien fait. Je n’ai plus trouvé d’arguments non plus, tous étaient déjà épuisés et je n’y croyais plus, car les dernières semaines tout était devenu de plus en plus noir. Et puis, elle avait parlé de suicide déjà tellement souvent que je lui en voulais de me faire souffrir encore. J’ai retrouvé ensuite plusieurs listes qu’elle avait faites pour préparer sa dernière journée. La veille, elle avait demandé à parler aussi à sa sœur, mais d’un ton gai, trop gai comme dit sa sœur, qu’elle aurait dû s’en méfier. C’était son adieu. Elle a laissé deux lettres pour son papa et mon frère qui l’avait recueillie les deux derniers mois. Il avait essayé de lui faire promettre de l’appeler avant de mettre fin à ses jours, mais elle avait refusé car elle avait peur qu’il puisse essayer de l’en dissuader. Ses pulsions de mort étaient très très fortes depuis longtemps.
Je pourrais m’imaginer que cela pouvait être pareil pour ton fils, mais qu’il n’en parlait pas pour ne pas vous faire souffrir. S’ils avaient pu s’imaginer un instant ce que nous vivons maintenant, ils ne l’auraient pas fait. Mais aurions-nous pu nous l’imaginer nous même avant leur départ ?
La vie est difficile pour ceux qui sont trop sensibles et ressentent trop le malheur qui les entoure. Elle est plus facile pour ceux qui peuvent ne pas le prendre à cœur et s’amuser. Si ton fils vous a écrit une lettre, c’est qu’il a pensé à vous.
J’aurais aimé aller à Bourges, mais je ne pourrai malheureusement pas.
Mariej, j’espère que tu retrouveras de nouveau ton calme.

Hors ligne BLUEVELVET

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #23 le: 06 octobre 2012 à 13:45:38 »
Bonjour à toutes et merci de vous joindre à cette discussion.

Meduse, nous avons vécu la même folie que toi (mes enfants et moi même) avec mon mari. Il pouvait passer d'un homme charmant à un être odieux en l'espace d'un instant. Le nombre de soirées gâchées par cette maladie, il y a des jours j'appréhendais de rentrer chez moi après le travail, un soir je lui ai même demandé quel plaisir il éprouvait à chercher la bagarre comme cela sans cesse pour des broutilles, comme vous il rejetait toujours la faute sur moi. Tout était prétexte, ma façon de marcher, le repas préparé, ma façon d'être avec les enfants. Je n'ai jamais souhaité sa mort mais j'ai songé à le quitter oui. Je ne m'en suis pas cachée vis-à-vis de lui : sa seule réponse a été : si tu veux partir, tu dégages ! il ne comprenait pas que ce n'était pas parce que je ne l'aimais plus que je voulais le quitter mais parce qu'il fallait que je préserve, c'était un instinct de survie. Il n'y avait aucune discussion possible c'est mon grand regret.

D'ailleurs le dernier soir, il s'est couché en colère, un de mes enfants a dit : maman tu ne vas pas encore supporter cela je t'emmène chez moi, (il me l'avait déjà proposé plusieurs fois et j'avais toujours refusé). Je suis partie avec mon enfant et quand nous sommes revenus le lendemain il s'était suicidé. Je suis convaincue qu'il a fait un raptus (dans le texte comme le dit Le Larousse) il était dans une colère, était persuadé d'avoir raison. Je ne sais pas si vous avez vécu cela mais je l'ai souvent vu dans une colère noire, froide, à fleur de peau, cette colère était palpable, elle ne me faisait plus peur puisque je connaissais les symptômes mais il a toujours refusé d'être pris en charge.

Un de mes enfant me dit aussi, maman j'ai du mal à me souvenir des bons moments avec papa.

 Franchement, je n'ai pas de culpabilité maintenant, j'en ai eu beaucoup quand il me disait que tout était de ma faute, quand il me disait que c'était dégueulasse, que je n'avais pas de problème de santé, que j'aimais mon travail là je vous assure que j'ai passé des nuits à y penser. Mais qui puis-je si je n'ai pas de problème de santé et si j'aime bien mon travail. Je prends soin de ma santé et je fais ce qu'il faut pour que mon travail me soit agréable mais cela il ne voulait pas l'entendre..... que de discussions stériles j'ai eu avec lui finissant toujours de la même façon : tu as tort......

Mareij, ne m'admirez pas je suis moi même très surprise de l'état dans lequel je suis en ce moment, je n'ai pas de colère (elle s'est très vite dissipée car je suis convaincue, ainsi que mes enfants, que là où il est il est mieux que sur terre).

Je suis très partagée entre le soulagement, la tension qui existait en permanence dont parle Meduse, oui c'est un soulagement le suicide mon mari, du père du mes enfants. J'ose le dire sur ce fil car il concerne le suicide, cette sérénité qui est revenue à la maison malgré le deuil (excusez-moi si je choque mais c'est la réalité) mais il y a aussi l'absence car il a aussi été cet homme aimant et ce papa poule. Malheureusement la maladie l'a transformé et a laissé beaucoup plus de blessures que de douceur.......

A ce jour, mon seul objectif est que mes enfants soient heureux dans leur vie.

Voilà chacun à son histoire et réagit par rapport à ce qu'il a vécu (je ne veux surtout choquer personne, ce n'est vraiment pas mon but) mais c'est la réalité de notre petite famille. Le soir de son décès nous étions à table et un de mes enfants a dit : maman c'est dingue, nous prenons un repas ensemble à table, au calme et la tension de la maison à disparu, pourtant cela vient d'arriver.

J'entend dire aussi que je suis forte, je laisse dire car ceux qui disent cela ne connaissent rien de notre vie. Où est-on la plus forte quand on reste auprès de l'être aimé malgré la destruction causée par la maladie et qu'à chaque fois qu'on essaie de l'aider on fonce dans un mur et on s'y écrase lamentablement et qu'il faut quand même aller travailler et faire bonne figure ou quand on reprend le travail après le suicide de son mari et que l'on ne pleure pas ?

Quand on estime qu'une grande partie de sa vie a déjà été gâchée et que maintenant on décide de vivre les choses comme elles se présentent et tant pis si on se trompe, les erreurs nous construisent aussi.

Voilà le ET MAINTENANT de ce jour, je suis bien consciente qu'il peut évoluer...

Bonne et douce après-midi à toutes et tous

BLUEVELVET
On ferme les yeux des morts avec douceur ; c'est aussi avec douceur qu'il faut ouvrir les yeux des vivants - Jean Cocteau

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #24 le: 06 octobre 2012 à 14:22:10 »
En fait, après le début des trois années de folie, j’avais dit à mon mari que nous pourrions divorcer et il me disait qu’alors il me tuerait avec mes filles. Quand il était calme de nouveau, il m’affirmait que jamais il aurait fait cela, mais je n’en suis pas certaine. A mon avis, le risque était réel. Pendant ces trois ans, il avait des crises de démence. J’étais allée voir trois psychiatres pour demander des clés. Le premier me demandait pourquoi j’étais encore avec lui et qu’il fallait l’hospitaliser de force mais par des médecins d’hôpital, donc anonyme (il avait peur lui-même !), le deuxième parlait aussi d’hospitalisation, mais pensait qu’il fallait continuer à le soutenir et que je devais lui dire pourquoi j’étais allée le voir (je l’ai payé par une grosse crise !) et le troisième me conseillait de ne jamais le contredire quand il était en crise de démence. C’est ce que j’ai fait et peu à peu, il s’est apaisé. Puis au bout d’un certain temps, je pouvais même le contredire de nouveau. Peu à peu, ma seconde fille et moi, nous avons pu le voir de nouveau comme avant cette période et vivre des moments agréables et détendus avec lui. Mais mon ainée qui nous avait soutenus pendant ces années-là (son père aussi) n’a pas réussi à oublier et à passer à autre chose. Elle est restée traumatisée. C’est même vraiment « sorti » au moment de l’anorexie.
Que la vie peut être compliquée et douloureuse.
Bluevelvet, tu as raison. Laisse parler les gens et mène ta vie de ton mieux. Tu as fait de ton mieux. Sans doute, ton mari était jaloux de ton travail comme le mien, mais c’est normal d’aimer son travail. Que cette vie  t’apporte de nouveau des joies, à toi et à tes enfants.

marie-o

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #25 le: 07 octobre 2012 à 00:00:29 »
La colère, j'en ai ressenti après son décès

Quel gachis :un homme si bon , si doué, si intelligent, si respectueux, si plein d'humour,
pourquoi s'être privé de tout ce bonheur qui nous tendait les bras, aucun souci à l'horizon, nous partagions tant et apprécions les plaisirs simples de la vie; les amis, la nature, la musique, le ciné...

Un homme qui ne disait pas sa colère ou si peu , il était interdit d'être en colère avec lui , c'était mal , c'était "fou" ...
La colère, j'en ai ressenti de son vivant
Et j'étais souvent en colère à sa place, en colère contre ses parents qui ne lui faisaient pas confiance , pendant 29 ans mon mari me disait ils sont vieux , il ne faut rien leur dire, il y a 29 ans ils avaient mon âge d'aujourd'hui, quelle mère qui ne se souvient pas de la dâte d'opération de son fils unique, qui ne vient pas lui rendre visite alors qu'il est seul et qu'elle habite le même village elle préfère consacrer son temps à l'entretien d'un étang avec son mari , et tant d'autres chose..J'étais en colère pour lui.
J'étais en colère contre lui , car il m'incluait il m'entraînait dans son pessimisme dans sa mésestime de lui, avec des propos parfois extrêmement blessants et je luttais pour ne pas couler avec des crises de colère  , de larmes qui étaient la manifestation de mon angoisse, car je ne savais plus comment faire. Et, il m'avait persuadée que je dysfonctionnais psychiquement, il me reprochait mon égoïsme, alors je me défendais car c'était si injuste. j'avais soutenu mon mari dans tous ses projets,j'ai fait passe si souvent ses besoins avant les miens.  le jour où j'ai eu mon projet de changer de travail aucun soutien , que de l'incompréhension de sa part. et je l'ai soutenu dans ce dernier projet qui l'a mené à cette situation finale, et, là, il me reprochait de ne pas le laisser libre , et le résultat 2 mois de liberté et il se met en burn out tout seul , il rentre dans une spirale qe travail intense, il se met une pression tout seul, il se sent fort , il me dit qu'il n'a jamais été aussi en forme, il était dans un période maniaque , mais tout retombe et il entre dans la dépression , la mélancolie pour en arriver à son suicide,  tout cela en 3 mois à peine
, alors oui j'ai été en colère contre lui de ne pas avoir pris soin de lui, mais je réalise que depuis 29 ans je prenais soin de lui, en lui donnant un cadre de vie un rythme de vie qu'il me reprochait de lui imposer (source de  nombreux conflits) mais qui lui était nécessaire autant pour lui que pour moi et qui l'ont protégé de la maniaco-dépression.Je ne sais si je suis claire, tout cela est le fruit de mes réflexions avec le travail avec ma psy et de lectures (vivre avec un maniaco-dépressif)

Alors , la colère, je connais par coeur, elle m'était nécessaire pour rester vivante, pour avoir de l'énergie mais elle m'a fait tant de mal, je sais qu'il faut qu'elle s'exprime , en ce moment j'apprécie qu'elle ne soit pas présente ,mais elle repointera son nez avec les phénomènes d'aller retour  des sentiments.

En ce moment, j'ai l'impression d'être indifférente, d'être calme, j'apprécie , mais je sens que la tempête n'est pas très loin, je profite de cette alcalmie pour me faire un peu le plein d'energie avant une nouvelle vague d'émotions .

Bonne nuit
Orchis




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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #26 le: 07 octobre 2012 à 09:15:10 »
Orchis, Meduse et Mariej,

Gâchis, c'est vraiment le mot. Comme nos chemins sont similaires, tant et tant de fois j'ai voulu lui faire voir, toucher le bonheur qui était là à portée de mains. Jamais il n'a pu toucher ce bonheur, il se privait de ce bonheur et je ne sais pas pourquoi et pourtant je mettais énormément d'énergie à essayer de comprendre. Cela a été un de mes combats avec mon mari, un de plus que jai perdu.

Moi qui apprécie le bonheur du moment, je peux m'arrêter un petit temps en plein hiver pour admirer un paysage de givre et je suis bien. Je peux allumer une cheminée, sentir le calme et cette douce chaleur dans la maison, lovée dans le canapé alors qu'il fait si froid dehors et je suis bien. Préparer un bon petit repas pour ma petite famille et je suis bien. Garder mon âme d'enfant à Noël et décorer la maison même si nous sommes tous adultes maintenant. Il se moquait de moi et disait : c'est vraiment n'importe quoi ! T'es vraiment qu'une gamine !

Pourtant le bonheur n'est pas si loin, il n'est jamais loin c'est juste à nous de le voir et le reconnaître et je crois que les personnes que cette fichue maladie touche (peu importe le nom) non plus du tout cette faculté, un voile noir et dense enrobe leur coeur, couvre leur vue et leur faculté de croire au bonheur. C'est ce voile que nous cherchons désespérement et souvent en vain à percer et qui un jour les emporte définitivement car je crois qu'il est inhumain de vivre sans espoir, sans satisfaction, sans petit bonheur.

Aujourd'hui je vais commencer à tricoter une layette pour la fille d'une de mes amies qui attend un bébé et bien je suis contente, c'est un petit bonheur pour moi. Je vais y mettre un peu de moi et je serai heureuse de lui offrir.

Pour moi, la vie est simple (il me disait souvent : tu es d'une naïveté !) je ne rêve pas de gagner au Loto, ni de belle maison, ni de belle voiture, ni de beaux voyages dans les îles parasidiaques. Mon bonheur est à portéé de main, il aurait suffit de presque rien (mais beaucoup pour lui) pour que lui puisse aussi appréhender ce bonheur.

Ma colère est partie, je crois sincèrement que son départ est définitif. Je suis en paix avec le départ de mon mari car je suis convaincue qu'il est bien là où il est, apaisée. J'ai souvent souhaité qu'il soit apaisé, qu'il puisse un peu souffler par rapport à toute cette angoisse qui le minait. Je pensais pouvoir y arriver, c'est aussi un combat que j'ai perdu. J'ai admis mon impuissance face à cette dévastation.

Quand j'y réfléchis, quelle aurait été sa vie, toujours dans la colère, la haine, le pessisme, la mesestime de lui que vous décrivez aussi ? Nous devions marier notre aîné cet été, il n'était même pas dans la joie des préparatifs, il critiquait les achats alors qu'il a été un merveilleux papa (mais ce n'était pas lui, c'était la maladie que le possédait).

Je naime pas la colère, elle est nécessaire mais elle est aussi mauvaise parce qu'elle enferme. Elle a fait énormément de mal à mon mari.

Oui Orchis, nous soutenons nos maris jusqu'aux plus lointaines limites de nos forces, à ne plus savoir comment faire. Ils nous quittent malgré tout, même si je reste persuadée qu'ils ne sont plus eux mêmes quand ils nous quittent. Quand on repense à notre vie, on se dit : mais quel gâchis ! 

Voilà, je suis calme, apaisée aussi qu'il ne souffre plus, c'est clair dans ma tête et dans mon coeur, j'aime toujours mon mari (celui que j'ai épousé, pas celui est parti). Une amie qui est venue au funérailles m'a dit : dis donc qu'est-ce qu'il avait changé (il y avait une photo récente de lui sur le cercueil). Voilà la maladie avait fait son oeuvre, certains diront, elle se trouve bien des excuses mais ceux-là n'ont pas vécu les assauts de la maladie. Je crois que c'est aussi cela qui fait que je ne ressens plus de colère car le mari qui m'aimait et que j'ai aimé est parti depuis très longtemps, c'est un peu un deuxième deuil en décalé où les émotions sont moins vives car abimées par la maladie.

Je suis bavarde, je m'en excuse...J'essaie de vous livrer mon ressenti si cela peut vous aider, je ne serai pas présente le 17.

Douce et calme journée à vous

BLUEVELVET
On ferme les yeux des morts avec douceur ; c'est aussi avec douceur qu'il faut ouvrir les yeux des vivants - Jean Cocteau

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #27 le: 07 octobre 2012 à 09:52:24 »
Tu n’as pas été trop longue. De toute façon, je suis bavarde moi-même. J’apprécie la profondeur des échanges de ce forum. Elles me sont d’une aide précieuse.
Oui, c’est étrange que les uns soient optimistes de nature et les autres pessimistes. Ma seconde fille me dit qu’elle ressentait depuis toute petite qu’elle avait la pulsion de vie et que sa sœur la pulsion de mort. Pendant des années, elles étaient très proches et arrivaient à un équilibre. Mais l’anorexie a tout détruit.
Il faut dire qu’il y a beaucoup d’incompréhension et de jugements par rapport aux maladies psychiques. Ils ont la double peine car on les accuse pratiquement de ne pas être en bonne santé. Qui reprocherait sa maladie à un malade d’un cancer ?!
Même pour nous qui avons tenté de les soutenir, il était difficile de les comprendre. Et en plus, même s’il y a des soins ( ?!), la famille est mise à l’écart au lieu d’être soutenu. Ma fille, je la comprends davantage depuis que je la pleure. Je lui reprochais de n’écouter que des musiques désespérées et maintenant je change de station dès qu’il y a une musique gaie.
Parfois, je ressens encore de la colère contre moi parce que je n’ai pas été à la hauteur la dernière semaine. Mais j’ai fait ce que j’ai pu.
Bonne journée à vous

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #28 le: 07 octobre 2012 à 10:35:50 »
Meduse,

Oui, il a a beaucoup d'incompréhension et de jugement négatif envers les maladies psychiques. Pourtant ce sont des maladies graves aussi, l'entourage est mis à très rude épreuve dans un isolement total et dans l'impuissance totale.

Une personne qui décède d'un longue maladie (comme on dit) on dit : elle a bien souffert, c'est une délivrance, elle ne souffre plus. Vous avez tant donné, vous allez pouvoir vous reposer un peu maintenant.

Quand quelqu'un se suicide : les gens vous disent (parce que je l'ai entendu plus d'une fois) je ne sais pas quoi dire ! Ce à quoi j'ai invariablement répondu : il n'y a rien à dire (je ne vais pas commencer à expliquer ce que grand nombre de gens ignore le jour où mon mari nous quitte !). On vous dit aussi, il faut être forte pour ceci, pour cela. Vous n'avez rien à vous reprocher ! mais de quel droit ils se permettent d'être aussi sûrs de leur jugement, eux qui ne connaissent rien ?

Pourquoi les gens ne disent pas : il a bien souffert, c'est une délivrance, il ne souffre plus ? Vous allez pouvoir souffler un peu maintenant.

Mon mari ne voulait pas de se faire soigner. C'est encore un combat que jai perdu.

Je connais certains établissements hospitaliers où les enfants anorexiques sont privés de visite (y compris de leurs parents, frères et soeurs, au début de l'hospitalisation de manière systématique) je n'ai jamais compris pourquoi cet isolement alors que ces êtres en souffrance ont un besoin énorme d'être entourés, rassurés. Je ressentais très fort ce besoin chez mon mari mais tout ce que je pouvais donner n'était pas assez, il avait trop de mésestime de lui même, une manque total de confiance en lui, tout cela ancré bien profond en lui. Mes enfants n'ont pas pu non plus le rassurer. Même si on lui faisait un compliment il arrivait à y trouver quelque chose de négatif...

Je le repète, je me permets de dire cela, c'est mon ressenti, car nous sommes sur un fil qui parle de suicide d'un proche, je comprend que mes propos pourraient choquer d'autres personnes qui sont dans un autre deuil et je m'en excuse à l'avance.

Vous parlez de musique désespérées, connaissiez-vous le ressenti de votre fille quand elle écoutait ces musiques ? Certaines musiques gaies me font venir des émotions tristes, des larmes parfois (elles ne sont pas en rapport avec le deuil de mon mari, cela m'arrivait avant aussi) et je peux me retrouver confortée par une musique triste.

Vous dites : j'ai fait ce que j'ai pu. Oui nous avons fait ce que nous avons pu et même au-dessus de nos forces souvent. Alors il faut admettre de n'avoir pu faire davantage ou mieux, si tant est qu'il existait davantage ou mieux.

Ce cheminement aide à mettre un baume de douceur sur cette blessure qu'est leur départ. Nous apprenons petit à petit à vivre avec cette expérience douloureuse qui nous construit autrement jour après jour. Personnellement, pour le moment, je ne supporte plus les cris, les gens qui ralent pour des broutilles, toute cette société de consommation (mais déjà avant aussi) où l'on fait croire que le bonheur c'est d'avoir.

Doux dimanche

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Re : ET MAINTENANT
« Réponse #29 le: 07 octobre 2012 à 11:59:04 »
Bluevelvet,
Pourquoi vous excuser de choquer éventuellement ? Nous avons bien droit à nos ressentis.

Ma mère s’est battue pendant 8 ans contre un cancer. A choisir, je choisirais le cancer, car on peut se battre ensemble. Mon mari disait que les psys étaient des charlatans et ma fille a essayé plusieurs fois, mais a abandonné au bout d’un moment car on la renvoyait toujours à elle-même alors qu’elle demandait comment gérer ses émotions. Elle me disait qu’elle se sentait le mieux quand elle était à 39 kg et qu’elle voulait rester anorexique. C’est parce qu’alors, son corps produisait des endorphines. C’est facile et rapide de devenir anorexique, il suffit de maigrir même pour un deuil ou d’un simple régime, même adulte – j’en connais des personnes - et quand le corps est en souffrance, il se drogue lui-même et le piège se referme. Il est aussi difficile d’en sortir que de l’héroïne ! Dans les cliniques qui pratiquent l’isolement, il s’agit d’un chantage pour que le malade mange. Ma fille avait peur de l’hospitalisation qu’elle avait acceptée malgré elle et qui devait avoir lieu la semaine suivante. Peut-être, elle serait encore là, si nous n’avions pas tous mis pression sur elle pour qu’elle y aille. Je ne lui ai pas ouvert grand les bras parce que je pensais que c’était sa dernière chance pour s’en sortir. Tout était tellement noir, cela ne pouvait pas continuer ainsi. Sa vie était un véritable enfer. Mais j'aurais dû être plus patiente. Il y en a qui s'en sortent au bout de nombreuses années de maladie.

La musique violente qu’elle écoutait devait exprimer toutes les émotions fortes qu’elle ressentait et qu’elle essayait de contenir. Le souvenir de sa détresse m’est insupportable. Je comprends qu’elle n’en pouvait plus.

Oui, quand je parle de son suicide, on me dit aussi souvent que je n’ai rien à me reprocher. La première fois, j’étais comme surprise. Indirectement cela veut bien dire qu’on pourrait avoir à se reprocher quelque chose quand on perd un proche de suicide.

Moi, non plus, je n’arrive plus du tout à supporter cette société dure et superficielle. Ma seconde fille et moi, nous avons fait la grève des informations. Je me remets seulement au courant des actualités pour mon travail.

Je voulais répondre brièvement, c’est devenu long quand-même.