Bonjour,
Tout d'abord je voudrais dire merci aux instigateurs de ce forum et à tous ceux qui y participent. En l'absence de groupe de parole dans ma ville (Quito, Equateur), et face au fait que j'ai besoin de parler de ma soeur, je me sentais un peu seule.
Il est tellement difficile de parler de suicide. Tous le monde a été confronté à la mort, la mort d'un grand parent, d'un fère, d'un conjoint, d'un ami. Mais le suicide reste un objet étranger pour beaucoup, et la majorité des personnes à qui j'ai pu en parler sont tellement destabilisées que leur réaction est un silence gêné, plein de compassion mais aussi de peur.
Or aujourd'hui j'ai besoin de parler de ma soeur, Cécile. En octobre 2011 elle s'est pendue, à 17 ans, en laissant seulement un mot écrit sur son bras "pardon".
Et le pardon est au coeur de ce que je vis. Je crois que je ne lui en veut plus autant d'être partie. Mais je m'en veux à moi, tellement.
Rationnellement, je sais que je n'ai pas à m'en vouloir. Je sais que j'ai fait tout ce que j'ai pu.
Enfants, nous étions elle, mon frère et moi inséparables, très proches en âge. Je suis la plus grande des trois. Face aux manques de mes parents, dans leurs propres problématiques d'alcool pour mon père , de maniaco-dépression pour ma mère, et très violents entre eux, on a tous les trois très vite adopté des stratégies inconscientes pour attirer leur attention, tenter, comme tout enfant au monde, de se sentir aimé. J'ai été l'enfant parfaite, celle qui ramenait des bonnes notes, qui était sérieuse, qui prenait les responsabilités des adultes, qui faisaient des bêtises mais sans jamais se faire prendre. Mon frère a été un clown, drôle, charismatique, mais aussi turbulent. Aujourd'hui j'ai fait 6 ans d'études, tandis que lui a arrêté à 15 ans, et a 16 était en prison. Ma soeur, quant à elle, a toujours été discrète.
Placés en famille d'accueil une fois ados, on a ensuite grandi chacun de notre côté, avec ce manque affectif profond. Mon frère et ma soeur m'ont souvent reproché d'avoir "volé" l'attention de mes parents.
En dehors du fait que je ne sais si c'est vria, je sais que j'ai mis en place la seule stratégie valable pour aller bien, et que j'étais une enfant...Il n'empêche qu'un an et demi après son suicide, presque deux ans, j'ai vécu une horrible phase de culpabilité, senti des envies de mort à mon tour. Je m'en suis voulue d'avoir essayé de sauver ma famille en prenant les responsabilités que ne prenaient pas mes parents (le ménage, les repas, écouter les peines de mon frère et ma soeur), d'avoir raté dans cette mission irréalisable, et par la même d'avoir inconsciemment fait du mal à ma soeur.
Je m'en suis voulue dans ma chair, j'ai vécu une phase très forte.
Depuis, j'ai repris mon chemin, réappris à vivre avec cela, et je pensais avoir surmonté ma culpabilité. Rationnellement je savais que je n'avais pas à me sentir coupable.
Mais aujourd'hui, moi qui travaille en ONG, cela fait 7 mois que je travaille comme une folle, a 45h semaine, 2 week end par mois, et je me suis épuisée, je suis arrivée à bout de souffle à ce mois d'avril, ai pris des vacances nécessaires.
Et la question que je me pose aujdh est de savoir comment je peux lutter contre cette culpabilité souterraine, que je croyais avoir évacué.
Je sais que je m'épuise pour les autres comme qqn qui cherche à effacer une faute, une dette, qqn qui a peur du vide aussi, peur de penser au crash de ma famille et au suicide de ma soeur.
Certains d'entre vous pensent-ils avoir dépassé la culpabilité ? Comment s'est déroulé ce processus en vous ? Quelle aide extérieure a pu vous aider, quelles pratiques personnelles (rites pour laisser partir l'autre, méditation?) ?
Votre aide est bienvenue.
Et si vous avez lu ce message en entier, je tiens à vous dire un grand merci. j'ai tellement besoin de parler d'elle, et de ce qu'elle me laisse, et les oreilles prêtes à entendre ce type de choses sont si rares...
bien à vous,
Gaelle