Un partage, un transfert.
Une tentative encore une, de gagner quelques points dans ma guerre contre le suicide, contre mon impuissance à être auprès de qui a besoin d'un peu d'écoute, d'un peu de chaleur humaine.
Je viens d'écrire à Robin, un jeune de 19 ans qui pense à la mort comme solution ...
Comme l'a judicieusement reprise au vol Dom, cette phrase de Camus,
"le seul problème philosophique vraiment sérieux, c'est le suicide" ...
^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^
Coucou Robin,
J'ai toujours des maux de tête, mais j'ai pensé à toi.
Si seulement il suffisait de penser très fort à quelqu'un pour pouvoir l'aider !
Alors il faut bien recourir aux idées.
C'est terrible, la vie.
On ne peut se mettre à la place de personne, et les autres ne peuvent comprendre ce que nous RESSENTONS, même s'ils veulent faire des efforts pour ça. Et la plupart du temps, ils font bien sûr aucun effort, ou ne s'intéressent qu'à ressentir la joie et l'aisance, les sentiments négatifs sont écartés.
Mes sentiments négatifs, je ne les fuis pas.
Tu vas me dire: je te parle encore à la première personne (quelle coïncidence, n'est-ce pas, que la première personne soit le "je"), c'est notre "home sweet home"ou bien notre prison hantée, notre couloir de la mort à plus ou moins longue échéance, ou bien notre point de départ de comparaison, et donc étape vers l'analyse (toujours ce foutu besoin de comprendre).
Le "je". J'écris à Robin que je n'ai jamais vu, je sais qu'il est un petit jeune qui va mal et j'ai de la peine pour les petits jeunes qui vont mal, pour en avoir été autrefois, pour avoir appris trop tard que mon adoré neveu n'était pas bien dans sa vie.
Robin, toi. Et tes sentiments négatifs que je ne fuis pas.
Ta compagnie sans l'artifice d'un bonheur toujours précaire, que j'apprécie dans sa profondeur, sans gêne envers la tristesse, sans te forcer à voir tout plus positif.
Parce que le positif, je dois bien avouer que c'est un effort dérisoire, et que la compagnie de quelqu'un qui en veut vachement à la vie et à l'imbécilité triomphante, c'est reposant pour moi.
Oui, tu es reposant, Robin, la vie est bel et bien merdique.
Peut-être tu reconnaitrais à mesure de m'entendre chanter les beautés d'un coin de campagne, que nous sommes riches d'avoir des yeux.
Regarde, Robin, la lumière, comme elle est belle, comme elle dessine tout, comme elle crée des ombres, sens comme elle nous entoure de sa force, comme elle stimule la vie des petits animaux qui peuplent les mares, les rochers, les arbres. Oh, regarde, un lézard, il nous observe de son petit oeil noir tout rond ! Un œil qui contient tant de mystère ... Tous luttent pour la vie, c'est tragique aussi mais ils n'essaient pas d'espérer mieux, les Hommes veulent toujours plus que ce qui est.
Peut-être serais-tu d'accord avec moi de penser au retour d'une longue une marche à travers la fagne ensoleillée, qu'un verre d'eau fraîche, c'est pas tout le monde qui peut la savourer.
Peut-être qu'on réussirait à rigoler ensemble de certaines absurdités.
Si je réussis à te faire sourire, j'aurais droit à une médaille olympique en chocolat de chez Miam-Miam, qu'on partagerait bien entendu.
Voilà, Robin, des petites choses, des miettes, car ma vie est carrément en miettes depuis le suicide de mon neveu, et je me dis qu'elle était déjà sans doute comme ça avant, mais que je croyais comme tout le monde qu'il fallait "faire quelque chose" de sa vie.
Je suis devenue minimaliste, et peut-être cette compagnie que je viens de te partager bien sincèrement et de tout mon cœur, ne soulagera pas ton intense sentiment de solitude.
Peut-être n'est-ce pas la compagnie, mais l'imagination qui fait tout.
Retour au je, tu, il ... le NOUS, il est en JE.
Ecris-moi, Robin, sois naturel, n'essaie pas de décrire tes sentiments, on n'y parvient jamais.
Pars en promenade avec moi, sur ce clavier ...
Laisse-toi aller à imaginer que tu as rencontré une tata du Mexique qui tient absolument à t'aider à passer le cap difficile vers l'âge que l'on dit "adulte".
Gros poutou, à bientôt, Martine.
^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^