J'ai 42 ans. Yann était mon ami, mon confident, puis nous sommes devenus un couple il y a 20 ans, le 12 mai on aurait dû fêter nos 15 ans de mariage. Nous avons deux garçons de 13 et 11ans1/2.
Ces dernières années j'ai perdu petit à petit le Yann que je connaissais, jusqu'à l'internement 15jours avant le confinement.
Je l'ai attendu tous ces mois d'hospitalisation, coupés de lui à cause de sa p... de dépression et de ce p... de Covid.
En tout, deux années scolaires à dire à mes enfants que ce moment difficile nous permettrait de retrouver le Yann qu'on aime. Deux ans à attendre le retour d'une vie normale.
Je m'étais faite à l'idée qu'une si grande crise de vie pouvait aboutir sur son envie de changer de vie. Je voulais juste que mes enfants aient leur père, et j'étais persuadée que notre amour nous rassemblerait un jour tous les deux.
Deux ans à dire à mes enfants que les moments difficiles se dépassent toujours, que l'amour peut tout... Et lui s'est suicidé le 21 janvier 2022.
Comment faire pour ne pas discréditer leur père quand il leur apprend que mourir peut être une solution ? J'ai tellement peur que mes enfants voient cette issue comme possible lorsqu'ils vivront des coups durs.
Je sais que Yann s'est tué pour nous protéger car il se voyait comme nocif. Je suis même soulagée de savoir qu'il ne souffre plus.
Mais mon cœur d'amoureuse se bat avec mon cœur de mère.
J'ai tellement souffert de voir mon amour souffrir toutes ces années que je comprends et accepte son choix (pas tous les jours, c'est vrai).
Mais je souffre de la souffrance qu'il inflige à nos enfants (je suis d'autant plus en colère qu'il ne pouvait l'ignorer, lui qui avait perdu son père à l'âge de mes enfants), et je suis en colère qu'il leur ait appris qu'on a le droit de baisser les bras. Comment vais-je les protéger de tout cela ?
J'aurais tellement préféré que ce soit un accident.
J'aurais tellement préféré qu'il donne des armes à nos enfants pour les périodes de doute ou de douleur.
J'aurais tellement préféré que notre amour suffise.
J'aurais tellement préféré qu'il se voit comme moi je le voyais.
J'ai jamais douté de la force de notre amour, j'ai jamais imaginé vieillir sans lui, j'aurais attendu mon Yann des années s'il avait fallu, j'ai jamais pensé qu'il ne guérirait jamais. Il aurait guéri, j'en suis certaine, s'il avait plus été patient.
Ma place est prévue dans la cavurne, nous devrions être ensemble.
Je ne le rejoins pas car je pense à nos enfants. Mais il me faut vraiment un espoir, un espoir qu'il veille sur nous, un espoir qu'il m'attend et que nous nous retrouverons.
C'est tellement loin de ma façon de penser. Mais je prends, n'importe quelle pensée qui me donne un espoir je la prends.