Il est 1h30 du matin, l'insomnie est revenue et je me retrouve là, devant mon écran à vouloir écrire. J'ai découvert ce forum il y a une semaine, il me semble. Je me sentais seule et cherchais des personnes ayant vécu le même drame que moi en tapant simplement sur Google "mon copain s'est suicidé". Je me trouvais pathétique mais je suis tout de même tombée sur des témoignages qui m'ont bouleversée. Mais qu'est-ce que j'attends, exactement ? Est-ce que c'est le besoin de partager une atrocité ? Me faire plaindre ? Essayer d'aider -peut être- des personnes ? Je n'en sais trop rien. Tout ce qui compte, pour le moment, c'est que je suis là et que mes doigts s'agitent sur le clavier.
Mon deuxième prénom est Céline, j'ai dix huit ans. Mon fiancé avait vingt ans quand il a mit fin à ses jours en juin dernier en se jetant du haut d'un immeuble.
Je voudrais respecter sa vie privée alors je vais essayer de donner le moins d'informations possible quant à sa condition. Il faut juste que vous sachiez qu'il était un petit bout d'homme merveilleux, courageux et bienveillant qui n'a simplement plus supporté sa situation et qui se détestait au plus haut point. On s'est rencontrés dans un contexte particulier, je m'en souviens encore. C'était le 23 mars 2015. J'ai eu le coup de foudre pour la première fois de toute ma vie et il fut mon premier amour. J'étais une gamine paumée, qui n'allait plus en cours depuis 2013 à cause de la dépression et de la phobie scolaire avec tout ce que cela implique. Le 20 avril 2015, il m'a embrassé. J'étais... Je suis folle de lui. Ce n'est pas une petite amourette d'adolescents, ce n'est pas "parce que c'est mon premier amour". Non. On s'aimait réellement. On avait des projets. Nous savions où habiter, nous voulions un enfant dans le courant de l'année. Il allait économiser pour nous prendre un appartement d'ici deux ans. On était fiancés, nous allions nous marier à mes vingts ans. C'était de l'amour absolu. Le grand, le vrai, avec un énorme A. J'ai rencontré l'homme de ma vie, le bon à seulement dix sept ans et il m'a été reprit ce fameux 5 juin 2016.
Depuis, je suis en enfer.
Il m'a sauvé la vie et la sienne s'est terminée. J'ai envie d'hurler.
Je bois pratiquement tous les jours, je pleure tous les jours. Mon bras droit est dévasté, mes idées noires sont revenues m'étouffer. Je sais que je ne tiendrai pas, je n'ai pas les épaules pour cela. Pourtant, je vais me refaire hospitaliser je n'sais quand pour mes parents, pour mes amis qui s'inquiètent à mon sujet. Mais je ne me fais pas d'illusions. Peut-être vais-je tenir six mois... un an....? Peut-être moins ? Il y a des hauts et des bas... Et même dans mes "bons jours", au fond de moi, je m'imagine en train d'en finir. Tout le monde me dit que c'est normal d'y penser... Comment dire... Ma marraine a perdu son conjoint dans les même circonstances il y a trois ans, je ne l'ai jamais vu aussi mal mais elle s'est relevée. C'est un fort caractère, elle m'impressionne encore. Mais... Je ne suis pas comme elle. Je suis autodestructrice, j'ai fait beaucoup d'hospitalisations et de tentatives de suicide, la dépression m'étouffe depuis mes onze ans. Et là, c'est le coup de grâce. La douleur de trop. Ce n'est pas un "mauvais moment" à passer, j'en suis persuadée.
Je ne cherche pas de réponses, je le comprends. Je comprends son choix malgré la culpabilité qui m'étreint. Je ne sais pas... J'avais... Je voulais juste partager cette histoire. Je voulais juste faire savoir à tout le monde que la plus belle âme que j'ai jamais connu vient de s'envoler. J'aimerais que l'univers s'arrête pour lui...
Le 5 juin 2016, nous avons perdu un fils, un frère, un ami et un amant.
Le 5 juin 2016, à 16h35 ma vie s'est arrêtée.
Et je l'aime... Dieu, que je l'aime...
Merci pour vos réponses. Je me sens un peu bête... Je suis allée chez le médecin aujourd'hui, accompagnée de mes parents. Il m'a fait une lettre pour intégrer une clinique à Lille, je n'ai plus qu'à remplir le dossier, faire une prise de sang et fournir quelques documents. En y réfléchissant bien, je ne fais pas ça pour les soins. Je le fais pour être entourée par des gens de mon âge... Peut-être que cela me fera du bien. Je ne sais pas.
Je pleure en écrivant ma réponse. J'ai un peu bu et je compte finir ma bouteille de vodka ensuite. Comme je l'ai expliqué à mes parents, j'ai juste besoin d'un temps pour faire mes bétises, pour relâcher toute cette pression. A moins que ce soit une excuse afin d'être libre pour me faire du mal.... Depuis cette date, mes réponses sont à base de "je ne sais pas". Je ne sais pas ce que je ressens, je ne sais pas quand je vais aller mieux, je ne sais pas quand je pourrais surmonter cela.
C'est difficile, je ne suis pas la seule à vivre ça malheureusement. J'ai des bons et mauvais jours. Je me croyais habituée aux émotions de la dépression. A base de "je sais que je peux m'en sortir", "peut-être que ça ira mieux avec le temps...", "je ne crois plus en rien...", "de toute façon, je n'y arriverais pas", "je préfère baisser les bras". Mais depuis cet événement, ces émotions sont exacerbées. Je passe d'un extrême à l'autre, sans juste-milieu et c'est de pire en pire. J'ai peur de pleurer aussi parce que j'ai l'impression que je ne vais jamais m'arrêter. Je l'aime.
Je l'aime, je l'aime, je l'aime. C'est atroce.
La première fois qu'il m'a adressé la parole fut le 23 mars 2015, le jour où j'ai débarqué à la clinique. On était dehors avec une ou deux personnes. Il m'a demandé quel âge il faisait. J'ai répondu timidement que je lui donnais 16 ans ( il avait vraiment une tête de bébé ) et il a éclaté de rire. Il en avait 19, le pauvret. Pour une première approche, c'était franchement minable. Mais ça me fait rire quand j'y repense. On était comme ça. Simples, sans prise de tête, toujours à rire et à prendre tout en dérision. J'aimais... J'aime cette relation.
Je voudrais écrire sur lui encore un peu plus longtemps mais je sens que je vais vraiment finir par hurler alors je préfère arrêter. J'ai grandie avec lui, j'ai pris en maturité, j'ai appris tellement de choses... Il était si cultivé, si intelligent. J'en ai le coeur serré.
"Te laisser aller et laisser le désespoir t'envahir, ça équivaut à l'oublier et ne plus l'aimer." Dom1, je le sais bien. J'essaye, vraiment. Quand j'ai dû prévenir son meilleur ami de son décès, alors qu'il ne me connaissait même pas, il m'a simplement répondu "Tu es tout ce qui me reste de lui". On était, on est les deux personnes les plus proches de lui. Et voilà que maintenant, nous sommes très amis. On a beaucoup discuté et comme il l'a si joliment dit : Il faut le faire vivre à travers nous.
C'est par quelques petits détails inoffensifs. On reprend un peu ses expressions, on parle souvent de lui en rigolant, on compte se faire tatouer en sa mémoire, on lève nos verres en son honneur. M fumait depuis très longtemps, peut être plus longtemps que moi... J'avais ma marque fétiche et lui aussi. Ce cher drum bleu foncé. Je prenais du drum bleu clair. Il me prenait de haut en riant ( comme à son habitude ), disant que le foncé était bien meilleur. Et depuis, je fume cette marque. Son meilleur ami aussi. Ca me fait sourire. Bêtement, je me sens plus proche de lui. Comme si je lui faisais un petit clin d'oeil.
Quant à toi, souci, le "je n'y arriverai peut-être pas" est bien présent. Comme je l'ai dit plus haut, quelques rares fois je me sens capable de surmonter tout cela. Ca dépend vraiment des jours. Seulement, quelques fois, je suis au bout du rouleau et je ne vois plus d'issues. Ca doit être ça, le deuil...
Je pense fort à vous en tout cas, merci encore pour vos réponses. Ca m'apporte un peu de réconfort.