J'ai un peu hésité, car le titre de cette section parlait de veuve et je suis veuf.
J'ai perdu ma femme il y a 3 ans et 1/2 en quelques minutes. Elle était bipolaire sous une forme assez modérée, mais un jour dans une crise d'angoisse et de délire soudaine et brutale, elle s'est suicidée.
Nous nous étions connus à 20 ans, elle a été la femme de ma vie pendant nos 32 ans de vie commune, et nous avons eu ensemble 3 filles charmantes.
Ma vis s'est écroulée, et comme tous j'ai dû lutter pour ne pas sombrer. Mais j'avais 3 filles jeunes adultes et je devais être là pour elle. Passés les terribles 1ers 6 à 12 mois, j'ai décidé de me prendre en main et de tout faire pour remonter la pente. J'ai déménagé, me suis occupé de mes filles dont 2 se sont mariées peu après le décès de leur maman, je suis devenu jeune grand père, je me suis investi à fonds dans mon travail, j'ai relancé ma vie sociale et vu davantage mes amis.
Et cela a plutôt marché, je me suis occupé l'esprit, rempli les semaines et les mois, je me suis organisé une nouvelle vie. Mais la réalité c'était qu'au fonds de moi, une grande tristesse et une très forte nostalgie de ma "vie d'avant" m'empêchait de profiter des bons moments que la vie pouvait encore me réserver.
J'étais souvent agacé par les encouragements bienveillants de mon entourage sur l'effet bénéfique du temps, des enfants et petits enfants. Je ne m'intéressais à aucune femme, et ne me voyais absolument pas refaire ma vie, alors que ma femme avait été toute ma vie et qu'elle seule avait compté pendant 32 ans. Toute cela a duré assez longtemps.
Et puis un jour, il y a un peu plus d'un an , cela m'est tombé dessus sans crier gare, et d'une manière totalement inattendue.
Une amie de très longue date, vivant à l'étranger, que je n'avais plus revue depuis plusieurs années, est passée me rendre visite en France. Nous avons passé quelques jours ensemble à revoir nos amis communs et je l'ai trouvé charmante. Tellement charmante, que je me suis dit que je ne pouvais pas la laisser repartir sans lui dire que je voulais absolument la revoir.
Elle aussi avait été durement blessée par la vie, nous nous sommes peut être retrouvés au bon moment dans nos vies respectives.
Mais je peux dire que 36 ans plus tard, j'ai de nouveau senti mon coeur battre pour un femme comme un gamin .
Nous ne vivons pas ensemble, nous habitons à 10.000 km l'un de l'autre et le covid n'a rien simplifié, mais nous parvenons à passer quelques semaines ensemble tous les 2 à 3 mois et nous nous entendons très bien. Ma vie a complètement changé depuis cette rencontre, je me vois à nouveau un avenir et j'ai retrouvé le goût de vivre.
Il n'est pas simple, à 55 ans, de faire entrer une autre femme dans sa vie alors que l'on a passé toute sa vie amoureux d'une autre, et que l'on a des enfants. Je n'ai pas choisi d'être séparé de ma femme, je suis encore attaché à elle par mille liens et souvenirs, et je n'ai pas l'intention de l'oublier. J'ai régulièrement un sentiment de culpabilité. Mon amie le sait et est très compréhensive avec moi.
Il n'est pas simple non plus de présenter un nouvelle femme à votre entourage quand ils vous ont toujours vu en couple amoureux. C'est douloureux pour mes filles, même si elles veulent que je sois heureux à nouveau et qu'elle apprécient beaucoup mon amie .
Mais elle est surement la rencontre que je ne pouvais pas espérer et qui m'a rendu l'envie de vivre. Alors je me dis que je n'ai pas le droit de passer à côté, et que même si ce n'est pas simple pour mes filles, elles ont aussi besoin d'un père solide qui ne traine pas en permanence sa nostalgie comme un poids mort. Je vais apprendre à vivre ma nouvelle vie sans rien oublier de l'ancienne qui m'a tant apporté.