On ne refait pas sa vie, on la continue...
J'ai hésité avant de venir poster ici. Et puis je me suis souvenu que quand je suis venu partager ma douleur sur ce forum, je cherchais aussi des messages d'espoir. Alors à mon tour de vous faire partager mes espoirs.
Pour ceux qui ne m'ont pas lu sur ce forum, je vais avoir 39 ans cette année, j'ai 2 filles de 9 ans et 4 ans et demi, et ma femme est morte subitement le 18/07/2012. C'était mon premier amour, rencontré à 17 ans.
J'ai du rapidement faire face, tenir pour les filles. Organiser le quotidien, et en même temps les accompagner dans leur propre deuil. Il y a eu des moments difficiles, mais globalement, mes filles vont bien, et restent des enfants équilibrées malgré les circonstances. Pendant cette période, je me suis très peu occupé de moi. Je l'ai payé au prix fort en octobre/novembre : cette période fut très dure à traverser, je prenais l'horreur de la réalité et de ma situation en pleine gueule, je ne supportais plus personne, y compris mes filles. Heureusement, j'ai toujours été très entouré et soutenu par ma famille, celle de ma femme, et un cercle d'amis proches sur qui j'ai pu compter. Lorsque je ne supportais plus mes filles, j'ai pu les confier à des amies pour quelques heures, ou même un WE, afin de respirer un peu.
Pendant cette période, assez tôt en septembre, le hasard a mis sur ma route une femme avec qui j'ai rapidement pu me confier. Sans comprendre pourquoi, et sans arrière pensée, je me sentais à l'aise avec elle pour parler de moi, de ma femme, de mes filles. Elle même est parent solo, et nous parlions de nos expériences d'élever seul nos enfants. C'était également la seule à qui je pouvais me confier et qui ne connaissait pas ma femme, ce qui me permettait de lui dire des choses que je ne pouvais pas confier à mes proches eux mêmes émotionnellement impliqués par la mort de ma femme. Elle est devenue rapidement ma confidente, et s'est elle même beaucoup confiée à moi.
Au début il n'y avait rien d'autre que de l'amitié, une profonde amitié. Et puis, petit à petit, mes sentiments ont évolué, je me sentais de plus en plus proche, attiré. Mais je chassais cette idée : trop tôt, peur de blesser, voire de choquer mon entourage, surtout mes filles, l'impression de trahir ma femme et son amour. Peur également de perdre l'amitié de cette femme, qui m'était vitale. J'ai vécu une grande période de doutes, aggravant la souffrance du deuil.
Ces doutes, je les ai confiés ici, sur ce forum. Beaucoup m'ont rassuré, certaines (le féminin est volontaire) m'ont aidé, soutenu, encouragé, tout en me conseillant d'être prudent, de me méfier de ma fragilité affective, et d'écouter mon cœur tout en étant patient. Merci d'ailleurs à elles, elles se reconnaîtront...
Je les ai écouté, mais une fois sur de moi, je me suis décidé à profiter des moments de bonheur qui se présentent, et j'ai tout dit à cette amie. Surprise dans un premier temps, elle m'a demandé un peu de temps, ce que j'ai bien volontiers compris. Et puis finalement, assez rapidement, elle m'a avoué avoir un temps eu les mêmes sentiments, mais par respect pour moi, les avoir chassés pour ne pas s'imposer à l'époque, mais que maintenant, elle me sentait prêt, et se sentait prête.
Nous sommes donc maintenant au début d'une belle histoire, basée sur une parfaite connaissance l'un de l'autre (nous nous sommes tout dit, y compris des choses inavouables), et un profond respect. Et j'ose le dire, de l'amour. Un amour différent, plus posé peut être, mais plus adulte, plus profond. Et un amour qui n'efface pas pour autant celui que j'ai pour ma femme.
Nous avons décidé de prendre notre temps. Nous gardons nos vies chacun chez soi, hors de question de s'imposer l'un à l'autre. Nos contraintes de parents solo font que l'on se voit peu, mais nos instants volés n'en sont que meilleurs. Elle est consciente que ma femme sera toujours présente, que je n'oublierai jamais, et accepte cette situation sans problème. C'est l'inverse qui la gênerait.
Ma femme restera pour toujours mon premier amour, la mère de mes enfants, plus de 20 ans de ma vie. Je l'aimerais toujours. Mais je vis ce nouvel amour sans culpabilité, parce que je me sens honnête. Je n'ai rien cherché, rien provoqué, j'ai croisé cette femme, j'ai pris mon temps, mais maintenant je profite de tous les petits bonheurs qui se présentent. On le sait tous ici, la vie peut s'arrêter brutalement à tout moment, alors carpe diem.
Parfois, il m'arrive même de penser que c'est ma femme qui a mis cette femme honnête, sincère et compréhensive sur ma route. Et j'imagine son sourire, celui qui m'a toujours fait craquer. Le destin est parfois si étrange...
J'espère que ces (longues!) lignes pourront apporter un peu de réconfort et d'espoir à celles et ceux qui les liront. Oui, malgré l'horreur, malgré la douleur, il est possible d'aimer à nouveau. Et ça fait du bien...
À bientôt,
Fathio