Angela,
Comme Blandine, ce que tu as écrit m'a touchée, puisque je m'y suis retrouvée. Après la mort de mon mari, pendant longtemps, j'ai été incapable de me confronter à des "groupes", même composés d'amis ou de proches. Je me sentais mieux en tête à tête, le coté 'social' me paniquait. Je le retrouve progressivement (je ne suis pas encore revenue à la 'normale', mais je suis aujourd'hui capable de rester au milieu d'un groupe de gens sans avoir envie de prendre la fuite...)
Avec le recul, je pense que pendant longtemps, j'ai préféré les têtes à têtes avec mes amis très proches parce que j'avais besoin de beaucoup d'intimité, d'être avec les quelques personnes qui me connaissent le mieux, sans avoir à me demander si elles seraient "adéquates" dans leurs paroles par exemple - je savais qu'elles le seraient. J'avais besoin d'être moi même sans peur, de savoir que je pouvais me laisser aller si j'en avais envie. D'être sans masque.
Je me suis aussi retrouvée dans ce que tu écris à propos de la direction que tu souhaites prendre dans ta vie. Cette question du 'sens' est centrale pour moi depuis quelques temps. Comme toi, je ne sais pas vraiment quelle option choisir, c'est encore très flou - mais comme toi je sens, instinctivement, que je souhaite réorienter ma vie vers quelque chose qui fasse plus "sens" pour moi. Je ne sais pas encore ce que je vais faire de la vie qui me reste. Je pense que, sur ce point là comme sur beaucoup d'autres, le temps décantera les choses, en tous cas je l'espère. Pour le moment, je suis simplement contente de constater que j'ai ce désir de réorienter ma vie - il n'y a pas si longtemps, l'idée même d'avoir des désirs, ou de trouver de l'intérêt à quoi que ce soit, me paraissait totalement impossible.
Je trouve aussi que certaines de tes phrases sont très justes: j’ai beaucoup aimé celle ou tu dis que "la vie te surprend, puisque tu y prends part". Je me souviens bien de mon étonnement lorsque je me suis rendue compte que oui, effectivement, j’y prenais part, à nouveau, différemment. Et tu as raison, ce mélange d’extrême fragilité et de force intérieure que je ressens, aussi, souvent, est déroutant.
Je suis d’accord qu’il est bien difficile de distinguer ou nous en sommes sur le chemin du deuil – les choses se font si progressivement, par petites touches, avec tant d’allers retours, qu’il est parfois dur de se "situer". Quand je regarde le "chemin" que j’ai parcouru depuis bientot deux ans, je reste incapable de delimiter des ‘stades’ précis, de les circonscrire avec des dates. En fait, j'ai la plupart du temps eu l'impression que je n'avançais pas, que je faisais du sur place. Et pourtant. Je sais que j’ai avancé, que j’ai continué à vivre, je sais que je peux encore être heureuse, et apprécier, sans doute plus intensément qu’avant, ce que la vie continue à m’offrir, meme si j’ai encore, souvent, peur de cet avenir sans lui, et si je vis aussi des moments d’intense tristesse – cette tristesse qui, je pense, ne me quittera jamais, mais que j’apprends, petit à petit, à apprivoiser.
Je t’embrasse