Voici ce que j'ai écrit fin octobre et qui correspond encore assez bien à ce que je ressens en ce 31 décembre: ce n'est pas encore la reconstruction, mais déjà une certaine forme d'acceptation.
Ce matin, j'ai refait notre première promenade sur les bords de l'Huisne. Je me suis retrouvée dans l'allée, sous les grands peupliers, à l'heure exacte où, la semaine dernière, tant de gens en pleurs se rassemblaient à l'entrée du cimetière ...
Après la pluie diluvienne d'hier, le ciel était vif, dégagé. Le vent, dans les hautes branches, bruissait de chants venus d'ailleurs. Hier, de ton neuvième étage, j'ai vu l'eau s'abattre du ciel. Un rideau dense d'un jaune opaque qui tombait sur la ville. Toute cette eau sur la Terre et le ciel qui pleure.
Mais ce matin, les grands arbres m'ont raconté des histoires venues de hautes terres et d'un temps où nous savions écouter le vent.
Tu as marché à mes côtés, mon chéri.
Arrivée à la passerelle, comme je me demandais si j'aurais la force de poursuivre jusqu'à la presqu'île, j'ai vu que le pont était noyé.
Tu aurais adoré ! Des cataractes d'eau bouillonnante, le vacarme des embruns... La première fois que nous sommes venus là, l'Huisne était à sec et tu t'étais amusé à traverser sur les pierres. A la presqu'île par contre, l'eau nous avait cueillis dans toute sa puissance. Coupés du monde par cette barrière sonore, longtemps nous avions écouté le chant de l'eau, blottis l'un contre l'autre, silencieux...
Alors, cette passerelle noyée, j'ai pensé que c'était le juste cours des choses.
La rivière à sec qui devient un torrent rugissant : ta force de vie retenue tant d'années, ta source tarie et asséchée qui rejaillit de l'ancien volcan. Cette soif de vivre, cette avidité dont tu m'as abreuvée tout l'été.
Mais l'eau était trop forte. Contenue depuis trop longtemps, elle a rompu les digues, les tiennes et les miennes. Puissante et belle, elle court maintenant à la mer. Ce n'est pas la fin : l'eau coule, elle va ailleurs comme tu continues ton chemin, Emmanuel, grondeur, libéré, rugissant et avide de grands vents.
en 2012, j'ai connu l'amour et la mort. J'ai côtoyé l'au-delà et des pensées qui m'étaient lointaines, sur l'immortalité de l'âme, la présence de nos amours disparus. je me sens un peu bête de dire cela, mais je ne regrette rien,ni l'amour, ni la mort.
Muriel